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Ernest Renan : une pensée moderne.

Il y a presque 115 ans qu’Ernest Renan est mort, et dans nos Sociétés sans mémoire, c’est comme s’il n’avait jamais existé.
A peine quelques érudits se souviennent-ils de l’une ou l’autre métaphore du grand homme.
Dans sa réponse à Anne-Marie Le Pourhiet (1), professeur de droit public à l'Université Rennes-I, Eric Keslassy (2), sociologue, mis en cause sur le site de l'Observatoire du communautarisme, profère à la fois une vérité et une bêtise à propos d’Ernest Renan, lorsqu’il lui attribue la paternité de la citation suivante : « Il n’y a pas pire injustice que celle qui consiste à traiter également de choses inégales », alors qu’Aristote avait écrit bien avant « Il n’y a pire injustice que de traiter également les gens inégaux ». Certes, c’est une variante. Et on pourrait ergoter. Mais Renan n’a jamais revendiqué la paternité de cette réflexion.
On voit bien comme l’œuvre de Renan, comme celle d’Aristote, est passée dans la filière qui l’a réduite à quelques aphorismes.
C’est dommage.
Gros QI et les hommes de la pseudo gauche devraient le relire, plutôt que de faire semblant d’en avoir fait leur chou gras avec la seule « Vie de Jésus » au temps de la Belgique Joyeuse et de l’anticléricalisme militant.
Dans l’ouvrage « L’avenir de la science » Renan écrit : « J’appelle ploutocratie un état de société où la richesse est le nerf principal des choses, où l’on ne peut rien faire sans être riche, où la capacité et la moralité s’évaluent généralement par la fortune ».
N’y est-on pas camarades ?
C’est bien à vous de le vouloir devenir, mais individuellement ce n’est pas bien !
Toujours dans le même ouvrage, il met en pièce de quelques traits de plume l’assemblage laborieux de nos modernes réformateurs : « Les révolutions savent détruire les institutions depuis longtemps condamnées. En temps de calme, on ne peut se résoudre à frapper, lors même que ce qu’on frappe n’a plus de raison d’être. Ceux qui croient que la rénovation qui avait été nécessitée par tout le travail intellectuel du XVIIIme siècle eût pu se faire pacifiquement se trompent. On eût cherché à pactiser, on se fût arrêté à mille considérations personnelles, qui en temps de calme sont fort prisées ; on eût osé détruire franchement ni les privilèges, ni les ordres religieux, ni tant d’autres abus. La tempête s’en charge… Rien ne se fait par le calme : on n’ose qu’en révolution ».

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La liberté d’expression de Renan, encore que certaines de ces réflexions se soient révélées pernicieuses, ne lui eût pas permis aujourd’hui de tenir les propos qu’il tînt il y a plus de cent ans, sans avoir des ennuis avec l’orthodoxie incolore et insipide de nos lois. Relevons la conférence à la Sorbonne en 1883 à propos de l’Islam, de la part d’un homme qui y avait séjourné et qui parlait arabe : « L’islam est contraire à l’esprit scientifique, hostile au progrès ; il a fait des pays qu’il a conquis, un champ fermé à la culture rationnelle de l’esprit. » propos assez durs qu’il tempéra dans un Livre : « Les musulmans sont les premières victimes de l’islam. Combien de fois n’ai-je pas observé au cours de mes voyages en Orient, que le fanatisme est le fait d’une minorité d’hommes dangereux qui, par la terreur, maintiennent les autres dans la pratique d’une religion. Affranchir le musulman de sa religion est le plus grand service qu’on puisse lui rendre ».
A voir l’évolution du microcosme de la politique belge, les avocats en surnombre, le fonctionnariat érigé en institution des élus, les affaires des avides pillards de l’argent public, le culte en général de l’argent et des positions sociales élevées qui s’en réfèrent, alors qu’à côté de cela la passivité de la société civile m’étonne et étonne tous les observateurs impartiaux, puisons une ultime fois dans les trésors que nous a légués Renan, pour en citer une petite dernière pour la route : "La bêtise humaine est la seule chose qui donne une idée de l'infini. ».
A croire que notre homme du passé n’eût pas désavoué ce que j’écrivis en exergue de ce blog :
« Petite chronique d'ambition, d'argent, de sexe et de religion dans une société que - faute d'autres mots - on appelle démocratie et dans laquelle 10% de salauds font la leçon à 90% d'imbéciles. »
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1. Droit de réponse à l'article A propos de l'essai « De la discrimination positive » d'Eric Keslassy, par Anne-Marie Le Pourhiet, Observatoire du communautarisme, 19/11/2004
2. De la discrimination positive, Eric Keslassy, Bréal, 2004

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