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Un économiste enthousiaste.

-Monsieur Appelbaum, grand politologue et économiste, vous avez écrit en 1939 : « Les puissances de l’Europe cherchent un compromis d’entente et ne se feront pas la guerre. »
-Oui, et 57 ans plus tard, arrivé à l’âge ou Revel vient de tirer sa révérence, je me demande encore si je n’avais pas raison.
-Vous avez eu tort, puisque la guerre fit 35 millions de morts !
-J’aurais pu avoir raison. Toute la question est là. Pourquoi ai-je eu tort ?
-Parce que vous vous êtes trompé.
-Non. Parce que les probabilités de faire la paix étaient plus fortes et que ce sont les probabilités de guerre qui l’ont emporté.
-La paix avait tort de faire la guerre ?
-En quelque sorte.
-Vous avez écrit plus récemment en 1986 « Remettons l’économie à sa place de servante des sociétés ». Vingt ans plus tard, la mondialisation de l’économie est en train d’étrangler la démocratie en Europe.
-Là, je vous arrête. Je pense au contraire que la démocratie est étranglée par la mondialisation de l’économie.
-Mais c’est la même chose !
-Oui, mais formulée autrement. Et c’est fondamental.
-Expliquez-vous ?
-Non. Ce serait trop long.
-Admettons… mais alors que répondra l’économiste à la question : « Pourquoi dans ce monde d’opulence, tant de pauvreté et de misère ?
-Il répondra qu’ayant toujours été du côté de l’opulence, il serait mal venu de parler de la pauvreté. Aussi, n’en parlera-t-il pas.
-C’est facile.
-Non. Devenez pauvre et vous verrez comme c’est difficile.
-Si l’économie vise la satisfaction des besoins, comment les puissantes économies modernes laissent-elles tant de besoins insatisfaits ?
-Parce que malheureusement les ressources de la planète ne sont pas infinies et que pour satisfaire les uns, il faut soustraire aux autres.
-C’est moral cela ?
-Oui, pour ceux qui sont satisfaits. Non, pour les autres.
-Et alors ?
-Que voulez-vous que j’y fasse ?
-N’êtes-vous pas politologue et économiste ?
-Oui, mais je suis du côté des satisfaits. Pas vous ? C’est donc moral pour la partie de l’humanité satisfaite, et immoral pour les 9/10me restant.
-Est-ce la fin du travail ?
-Bien sûr que non. Tout le monde travaille dans les 9/10me, puisque le 1/10 restant ne sait rien faire. Qui nous nourrirait ?
-Il y a un grand écart de rétribution entre la majorité que vous citez et la minorité que vous citez encore..
-Et quand bien même ! Ça vous gêne que je gagne plus que vous, et vous plus qu’eux ?
-Non. Mais ceux qui travaillent et qui ne gagnent rien ? Ma femme d’ouvrage par exemple…
-Voilà. Cela reste un problème individuel. Si vous payiez mieux votre femme d’ouvrage, vous ne me poseriez pas la question.
-…je veux dire par rapport à nous ?
-Bill Gates ne se pose pas la question. Pourquoi voulez-vous que je me la pose ?
-Peut-on attendre de la croissance économique et des découvertes scientifiques et techniques la solution de tous nos problèmes ?
-Non. Bien évidemment. La solution à tous nos problèmes, c’est quand nous ne serons plus.
-Vous voulez dire quand nous serons morts ?
-Bien sûr. L’être est. Le non-être n’est pas. Ne soyons pas et tout est résolu.
-Mais enfin, monsieur Appelbaum, vous êtes politologue économiste, ou pas ?
-Mourez pour voir.
-Après vous !
-Vous me demandez si tout sera résolu un jour, je dis « oui », mais individuellement, au cas par cas, chacun en son temps.

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-Vous n’avez pas une autre solution que la mort ?
-Oui, la vie. Mais elle est brève et mal ébauchée pour une majorité d’entre nous.
-Que faut-il faire, alors ?
-Etre dans la minorité du confort.
-Et la majorité, que devrait-elle faire ?
-La révolution. Mais ce n’est pas une solution non plus ; car si la majorité se met à la place de la minorité de confort, elle sera à l’étroit et vivra dans l’inconfort. La minorité de confort prendra nécessairement la place de la majorité et sera donc encore plus à l’aise et aura davantage de confort. Vous me suivez ?

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