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Enfin moribond !

Les dictateurs, s’ils ne finissent pas tous dans leur lit, sont quand même des privilégiés par rapport à leurs opposants qu’ils ont faits torturer et massacrer au nom d’une idéologie personnelle fort proche de leur compte en banque.
S’il y a des chances pour que Saddam soit pendu, d’autres s’éteignent au son des grandes orgues et les gerbes de la clientèle, dans la soie confortable d’un hôpital 5 étoiles.
Pinochet est soigné dans une unité de soins intensifs à l'hôpital militaire de Santiago, cela n’a pas été le cas de tout le monde, au Chili. Les soins intensifs de sa dictature étaient laissés à l’appréciation des tortionnaires. L’issue qui suivait le diagnostic était fatale.
La presse a estimé que Pinochet avait été sauvé par son transport rapide à l'hôpital militaire, et spéculait ce mardi sur ses chances de survie.
Après la fin de sa dictature (1990), son statut d’ancien chef d’Etat a été surtout le fait de la mansuétude dont ce type a bénéficié. On se souvient qu’il y a environ dix ans, l’Angleterre qui l’avait assigné à résidence pour le crime d’un ressortissant britannique, l’avait finalement relâché pour raison humanitaire. Cela avait quelque chose d’insultant pour les victimes. Cet humour anglais n’avait pas vraiment été apprécié par les connaisseurs. Bref, Tony Blair (c’était déjà lui) avait montré de bonnes dispositions chèvre-choutistes.
Pinochet aussitôt libre – il avait été rendre visite à sa grande amie Margaret Thatcher - bondissait de l’avion qui le ramenait au Chili, saluait tout le monde d’une main qui ne tremblait pas à hauteur du képi, et s’envoyait quelques coupes de champagne. Sa santé resplendissante, comme la mansuétude de ses gardiens, sautaient aux yeux de tout le monde.
C’est ainsi qu’agissent encore les maîtres du destin des autres, dictateurs ou démocrates, il leur semble qu’au-dessus de toute considération, respecter leurs égaux, c’est se respecter eux-mêmes.

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Si le procès de Nuremberg a quelque peu contrarié la donne, l’attention que porte l’élite des démocraties à une élite perverse, est troublante. Cela sent la pourriture partagée.
En comparaison, la justice du peuple, la fin de Mussolini pendu à un crochet de boucherie, a quelque chose d’irrationnel, de dangereux, mais de terriblement efficace et sans appel.
La fin du Pinocchio chilien illustre l’empressement magique autour de ce pré-cadavre des plus hautes autorités médicales de son pays. Dame, c’est que l’argent fait oublier les crimes. Pinochet est avant tout un client riche et qui paie cash. Franco lui aussi avait été prolongé outre mesure. Ses restes palpitaient encore quelques mois après l’arrêt irrémédiable de son destin, quoique dispersés sur trois étages d’un hôpital madrilène voué à sa survie. Cette situation particulière d’une vie prolongée artificiellement fait penser à celle de Sharon phagocyté dans un hôpital de Tel-Aviv, et dont on nous donne de loin en loin des nouvelles, comme si cet ancien décideur, l’était encore.
C’est ainsi que l’on mesure à la fois l’importance des gens, importance toute relative et la vanité de cette importance.
L’élite n’aime pas voir mourir les dictateurs. On dirait que le haut du pavé se sente orphelin à chaque fois qu’un des siens passe la rampe, alors qu’elle n’éprouve rien pour les millions d’individus qui composent la Nation.
Les tourmenteurs des collectifs ont droit à une attention particulière. On juge de leur extrême utilité au nombre de morts que leur dictature produit ! Faut-il « génocider » pour être choyé ?
Reste à ceux qui ont besoin de vengeance et qui sentent la haine les parcourir au nom honni, de se délecter des commentaires des médecins sur l’issue prochaine de leur patient. « Dimanche à l'aube, l'ancien dictateur avait subi une angioplastie, une intervention qui consiste à introduire un petit ballon pour élargir l'artère et rétablir la vascularisation du coeur. »
« Ce ballon fait souffrir au moins ! » s’exclament les mères des disparus.
« Le général souffre de diabète, d'hypertension artérielle et a déjà subi trois accidents vasculaires. Il avait été hospitalisé pour un accident vasculaire cérébral en décembre 2004.
Dimanche, à son arrivée à l'hôpital, il avait reçu l'extrême-onction, le sacrement de l'Eglise catholique destiné aux mourants. Sa vie est "entre les mains de Dieu et des médecins", estimait alors son fils cadet, Marco Antonio Pinochet Hiriart. »
Qu’il aille au diable, lui, son église, son fils, son fric, ses généraux et ses tortionnaires réplique la foule qui a laissé entre 1973 et 1990, qui un fils, qui une fille, massacrés, torturés, violés, selon les ordres de cette crapule moribonde.
Mais, entre ce que pensent les gens et ce que pensent l’élite, il y a tout le fossé des faux-semblants des mots et quelques dévotes surréalistes qui prient pour leur champion si actif contre le communisme !

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