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Une sociologie empêchée.

On n’en revient pas. Aujourd’hui s’apprennent en paquet, la sociologie, l’économie politique et le marketing, baptisés en gros « études commerciales ». Pourquoi pas la comptabilité, tant qu’on y est ?
Il semble échapper aux programmes pédagogiques que les économistes, les planificateurs d’entreprises, les cadres financiers, bref tous ceux qui seront confrontés aux concepts économiques locaux ou internationaux sont très loin du « housing star » sociologique.
« C’est dans la nature de la société elle-même qu’il faut aller chercher l’explication de la vie sociale » écrit Durkheim. Or, aujourd’hui, c’est Auguste Comte selon lequel la sociologie n’est affaire que d’individu, si l’on en croit son « Cours de philosophie positive » que l’on sert aux étudiants.
Berger avait préparé le terrain : « Toutes les activités humaines peuvent faire l’objet d’une investigation sociologique, mais non tous les aspects de ces activités… Le social, en tant qu’objet d’investigation spécifique, ne constitue pas un secteur à part dans l’activité humaine ».
Je suis évidemment d’un avis contraire.
Pour Durkheim, il faut expliquer le social par le social.
« La sociologie a donc pour objet d’étudier l’action sociale. » (Michel De Coster), qui n’est pourtant pas en harmonie avec Durkheim et qui s’en explique « …on socialise tout objet en le regardant et on le rend justiciable de cette discipline » ; mais, il relativise au paragraphe suivant « …s’il faut expliquer un phénomène social comme l’aliénation d’un ouvrier spécialisé, entendue dans le sens d’une perte de la maîtrise de son travail, en faisant appel à ce qu’il ressent personnellement à ce sujet, on psychologise en quelque sorte l’explication.», pour ajouter « C’est ainsi que Georges Friedmann, sous couvert de sociologie, dérapait sur ce terrain en proposant une définition psychologique de l’aliénation :’’ Tout travail, écrit-il, ressenti comme quelque chose d’étranger par celui qui l’accomplit est, au sens propre du terme, un travail aliéné. Les tâches dépersonnalisée, celles auxquelles l’opérateur ne participe pas, celles qu’il tend à fuir sa journée terminée, auxquelles il n’attache pas d’intérêt professionnel, pour lesquelles bien souvent seul un dressage rapide (et non un apprentissage) a été nécessaire, toutes ces tâches sont des tâches aliénées ».
Pour ceux qui expérimentent tous les jours ce phénomène de rejet, ainsi que les philosophes qui en ont débattu (Marx, Lebon, et tant d’autres, à commencer par les behavioristes qui en ont tiré profit) Durkheim enfonçait une porte ouverte.
Ce qui ne l’est pas, réside dans l’incapacité des faiseurs de programme de mettre ce qui précède en pratique dans les cours de sociologie destinés aux étudiants ; pour la raison bien simple que vu sous cet angle la sociologie condamne sans appel le système économique des sociétés industrielles de consommation, et chose plus grave encore, permet d’affûter l’esprit d’analyse que tout un chacun devrait avoir, mais qu’on refuse aux étudiants du secondaire.
Venu de l’appareil libéralo-socialiste cela n’a rien d’étonnant, puisqu’il concourt à faire de nos enfants de « bons travailleurs », désormais itinérants, interchangeables et adaptés à toute circonstance d’une forme de société standardisée.

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Cette société conforme à un modèle imaginé et idéalisé par les producteurs donne certes des produits finis, nombreux et à coût « étudiés » ; mais à quel prix et à quel dégât chiffré de l’espèce humaine ?
C’est ce que la sociologie pourrait tenter de définir. C’est ce que l’on ne veut pas qu’elle définisse.
Car elle le ferait de façon rigoureuse et non partisane, comme doit l’être toute approche scientifique. Or, ses conclusions pourraient être redoutables.Il faudrait à leur lumière, revoir peut-être de fond en comble ce que les individus rotant et consommant adulent. Il paraîtrait difficile de faire comprendre aux majorités que le nombre ne suffit pas toujours pour avoir raison.
Les auteurs des programmes d’enseignement n’en sont pas encore là.

Commentaires

D'accord au premier abord, Richard III!
Mais à voir de plus près, je vois poindre l'hypothèse du bon sauvage aliéné par "l'appareil libéralo-socialiste". Et là, je te renvoie à tes contributions précédentes. Il n'y a pas de bons sauvages: les opprimés d'hier deviennent les profiteurs d'aujourd'hui dès que l'occasion pointe le bout de son nez. Qui échappe à cet enchaînement fatal ? Les rares individus dotés par le sort, la génétique et l'histoire familiale d'une "bonté naturelle"; les tout aussi rares qui, par éducation, introspection et clairvoyance ont élargi leur horizon de pensée jusqu'à concevoir que leur bien-être ne peut être dissocié de celui de leurs voisins; enfin les moins doués soumis à une sorte de "despotisme temporaire" des Lumières en attendant la vraie conscience des phénomènes qui les affectent.
"Ni Dieu, ni maître" est un bon mot pour gogos. Marc JACQUEMAIN, dans son ouvrage « La raison névrotique » fait observer : « L’individu autonome n’est pas l’individu délié de tout mais celui qui multiplie et diversifie ses liens de façon à dépendre de tous sans dépendre crucialement d’aucun ».Je pense qu’il y a lieu, dans le domaine du développement spirituel et intellectuel, d’accepter humblement, sur foi d’une intuition, que des individus aient pu atteindre un degré de conscience et d'intelligence que nous ne pourrons approcher qu’au terme d’une longue période de maturation et qu’il est présomptueux de formuler des avis définitifs sans avoir mené à bien cette étape préalable. Ceci revient à accorder un « crédit-foi » limité dans son ampleur et dans le temps et révocable à tout moment tout comme dans le domaine de la recherche scientifique, on considère provisoirement comme établie une hypothèse avant de vérifier systématiquement si celle-ci n’est pas contredite dans les différentes situations envisageables. Nous avons donc souvent besoin d’un maître (cela peut être le livre d'un écrivain, d'un philosophe,...) durant une partie de notre existence ; j’aime cependant imaginer que le maître est celui dont Khalil GIBRAN dit : « Le professeur, s’il est sage, ne t’ordonnera pas d’entrer dans sa sagesse mais te conduira plutôt au seuil de ton propre esprit. Nul ne peut te révéler quoi que ce soit sinon ce qui gît déjà, à moitié réveillé, dans l’aube de ton savoir ».
Bref, il faut être modeste et humble et se nourrir d'abord et provisoirement aux sources de la culture, de l'éducation et de l'universalité. C'est long et fastidieux mais c'est toujours mieux que de croire que nous avons la science infuse ou que tout le mal vient des autres.

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