« Drame au Conservatoire | Accueil | Sarkozy : un homme du passé ! »

Correspondance intime

Lettre 1
Pardonne-moi, François, de ne t’avoir pas donné de mes nouvelles depuis un mois que je suis ici. Je te serais obligée de chercher sur mon secrétaire à notre ancien domicile, les œuvres complètes de Lionel. Tu trouveras facilement, c’est un petit fascicule de 64 pages au maximum. Et aussi, m’envoyer en même temps, les discours lors de la campagne au PS de candidature à la présidence de tous ceux qui se sont présentés contre moi.
Tu ajouteras au paquet quelques vêtements de soirée quand nous recevions rue de Solferino. Tu m’enverras cela, le plus tôt que tu pourras, à l’Elysée.
Ne te présente pas pour faire la commission toi-même, comme tu n’es pas accrédité, on ne pourra que te refouler et cela te sera une humiliation de plus.

Lettre 2
Je vais et je viens dans le château. Ce que je dis, ce que fais, que m’importe ! Je pense au coin d’une certaine taverne où je me suis assise tant de fois.
Je pense à Paris, aux boulevards, aux hommes que j’ai connus, aux voitures qui se croisent, au monde où j’ai erré vingt ans, à ses raouts où je me plongeais au sein des nuits, dans quelque dessein inavouable et le désir qu’avaient nos amis d’être drôles jusqu’au cynisme. Tu te souviens de Jack cette nuit de la Saint-Sylvestre où il frappa de son sexe les douze coups de minuit sur le piano ?
Je réfléchis à mes travaux, à mes jours de découragement, à toute cette fantasmagorie de la vie qui a flotté autour de moi, mes plaisirs, mes peines, mes désirs.
A présent, que je me suis installée, le Conseil me fait horreur. Tous ces gens, chez moi sans aucune surveillance pour l’argenterie… J’avoue avoir abandonné mes projets par conviction qu’ils ne valaient rien.. J’entends l’ivresse du pouvoir monter dans les cœurs des ministres et je suis déjà lasse d’eux. Leur conviction qu’ils font l’histoire, est d’une prétention !... J’en suis arrivée à penser juste le contraire. Ce ne sont pas eux qui font l’histoire, mais l’histoire qui les fait.
L’autre jour, désespérément seule, je suis descendue au corps de garde où j’ai bu du gros rouge avec la troupe. Un militaire m’a raccompagnée jusqu’à ma chambre et là nous avons fait l’amour et j’ai pensé à toi… Le lendemain, je le faisais déplacer à Toul, par respect pour toi.
J’ai demandé à l’économat des aiguilles et de la laine. Je tricote des après-midi entières. Cela me repose.

sarko.jpg

Lettre 3
Tu sais François, je n’ai jamais voulu embrasser ce qu’on appelle une carrière. J’ai ouvert les bras dans l’immensité et j’ai attendu. J’ai connu le monde et j’ai froissé mon être sur cette meule qu’on nomme la vie ; mais pareil au diamant que la pierre ne peut mordre, j’ai creusé la meule elle-même.
Je me faisais une autre idée de la France avant. Aujourd’hui que j’usurpe le droit de l’incarner, je me pose la question de savoir si je l’ai jamais aimée ?
Car, enfin, que représente-t-elle vraiment, sinon un morceau de l’Europe où se croisent des singularités qui ne peuvent faire une Nation seulement par l’intérêt qu’ils ont à être ensemble ?
Au départ des locataires précédents, les déménageurs ont oublié quelques brouillons de lettres dans la petite corbeille à papier sous le bureau régence où je me suis installée après Jacques.
Par désoeuvrement je les ai défroissés. Eh bien ! le Président était dans le même vague à l’âme que moi. Sur le temps que je m’interroge sur mon amour pour elle, lui n’aimait pas la France, au point qu’il eût plusieurs fois l’intention de faire sauter des charges d’atomes sur le territoire, afin qu’il n’en restât rien… Bien sûr, il lui fallut douze ans de règne avant d’en arriver là. Je ne suis encore qu’à mon premier trimestre. Si comme je le crains les choses perdurent, il me faudra moins de temps que lui.

Lettre 4
Il m’est arrivé une demande en mariage du successeur de Vladimir au Kremlin. Il paraît que ce type est fou de moi. Or, il a vingt-cinq ans de moins, ce qui est assez flatteur.
Si j’étais de bonne humeur, je te ferais rire en racontant la scène, lorsqu’au Conseil j’en fis part à Dominique. Quoique marié à Anne, il s’est montré tellement jaloux qu’il m’a fait peur. J’ai même failli remanier le gouvernement à cause de lui !
Hier, je me suis interrogée sur le protocole qui exige que j’arrive toujours quand tout le monde est assemblé. La dernière entrevue avec le premier ministre s’est mal passée. Il était en retard. Si bien que j’ai attendu une demie heure cachée dans un salon, plus un quart d’heure quand l’huissier m’a dit qu’il était arrivé.
Je ne sais plus où j’en suis. C’est incroyable : je n’aurais jamais dû me présenter. La France, parlons-en, je crains qu’elle ne m’aime pas et que c’est réciproque. Elle me le dit presque par la voix de Nicolas. Le pauvre, je ne sais pas qui lui a fait le coup, mais sa nationalité française est remise en question par certains papiers oubliés en Hongrie. Il se pourrait que cette négligence ait été signalée par Dominique de… en quittant Matignon à la démission du précédent gouvernement.
Décidément, si j’ai des amis redoutables, Nicolas en est pourvu de fameux aussi.
Je te laisse. On m’apporte les pelotes de laine que j’avais commandées.

Commentaires

je veux une amie plus qu'intime

Poster un commentaire