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Leurs côtés honteux.

Gérard Labrunie, plus connu sous le nom de Gérard de Nerval fut plusieurs fois interné dans les dernières années de sa vie. Il finit misérablement, pendu à une grille d'un bouge, rue de la Vieille-Lanterne, le 26 janvier 1855, dans le « coin le plus sordide qu'il ait pu trouver », nota Baudelaire.
Son parcours d’être ultra sensible ressemble à celui du génial Antonin Artaud, lui aussi interné pendant neuf ans dans les asiles d'aliénés, à Sotteville-lès-Rouen d'abord, puis à l'Hôpital de Ville Evrard, près de Paris, .
Ces deux hommes ont un point commun. Artaud tourna dans le Napoléon d’Abel Gance et Gérard de Nerval, durant des moments de crise, se prit parfois pour Napoléon.
Notre temps manque absolument de fous de cette sorte, alors qu’il y a pléthore de fous autrement plus dangereux, moins visionnaires, qui courent les rues et, mieux encore, gravissant par orgueil et prétention les échelons du pouvoir, s’installent au première loge d’un spectacle dont nous sommes les bouffons.
Nerval, dans sa jeunesse, écrivit « Le Roi de Bicêtre : Raoul Spifame ».
Raconter la folie d’un personnage aussi singulier que Spifame – sosie de Henri II – qui se prit pour le roi de France, s’inscrivait dans l’intuition du devenir de l’auteur, à la différence que son héros s’était investit dans la peau d’un roi encore en vie, tandis que le pauvre Gérard avait subi la disparition de l’empereur et le retour des cendres de Sainte-Hélène, comme une double meurtrissure…
L’épisode au cours duquel Spifane se voit dans un miroir me fait curieusement songer à celui de notre télévision. En ces temps de vacuité saisonnière, nos hommes politiques s'y mirent et se mesurent à eux-mêmes en voyant leurs reflets s'agiter.
« …l’aspect de sa figure reproduite le fit s’arrêter tout à coup. Forcé dans cet instant de veille, de croire à son individualité réelle… il crut voir tout à coup le roi venir à lui… comme compatissant à son sort, sur quoi il se hâta de s’incliner profondément. Lorsqu’il se releva en jetant les yeux sur le prétendu prince, il vit distinctement l’image se relever aussi, signe certain que le roi l’avait salué, ce dont il conçut une grande joie et honneur infini… »
Nous ne verrons qu’Elio Di Rupo, une tête de cerf blanc à la main, pénétrer dans l’hôpital de la plus célèbre fracture du col du fémur qu’oncques jamais plus ne reverra le lieu (sauf si le deuxième flanche aussi). Seul Elio, pourra enregistrer l’image de l’auguste patient serrant le cerf blanc dans ses bras, après qu’il le lui eût tendu. Il pourrait en être pénétré et perturbé comme Gérard et Antonin le furent jadis, d’autant que cette image-là, nous ne la verrons pas. Elle sera entre lui et le roi, comme le reflet d’un miroir.

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Pareillement, Reynders transmettant sa masse de papiers au monarque, sera dans la même situation, sauf que sa farde n’a quand même pas l’allure qu’avait le cadeau du premier fou.
Car le mot est lâché. Nous n’avons plus de génies dérangés et sublimes d’esprit. Nous n’avons plus que des acteurs, cabotinant et jouant la modestie.
Mais, alors, nous en avons pour remplir dix théâtres, meubler mille festivals, brandissant leurs scénarios, disant dans une diction parfaite quelques mauvaises raisons (sauf les Happart qui sont inaudibles, heureusement cantonnés dans des rôles d’hallebardier et les Flamands spécialisés dans le cinéma des Frères Dardenne).
La critique est unanime, pour être de premier plan un acteur de génie doit être un peu fou.
C’est vrai partout, sauf en Belgique. Les acteurs de premier plan, y sont certes un peu fou ; hélas ! ils sont sans génie…
Il suffit de les voir répéter leur rôle depuis les élections pour être certain que le soir de la première, ce sera un four.
Pourquoi dans le tas de comédiens que nous avons, tirons-nous toujours la folie imbécile au lieu de la géniale folie ?
Comment se fait-il qu’elles soient incapables d’être des Nerval ou des Artaud se regardant dans un miroir, ces troupes aguerries depuis tant de saisons ?
Pourquoi nous font-elles voir en leurs sociétaires les « manières » des singes du zoo d’Anvers quand, stationnant devant leur cage, nous renvoyons leur nature simiesque dans un miroir ?
Peut-être, ces cabotins ne sont-ils que des parvenus dont Balzac disait « …qu’ils sont comme les singes desquels ils ont l’adresse : on les voit en hauteur, on admire leur agilité pendant l’escalade ; mais, arrivé à la cime, on n’aperçoit plus que leurs côtés honteux ».

Commentaires

La fracture du col de l'"utérus" la plus célèbre, la bourde a fait le tour des mails plus sûrement qu'une chaine qui vous prédit 10 ans de malheur si vous n'envoyez pas à votre carnet d'adresse ;-)

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