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Dany-le-Rouge.

Vaut mieux parler d’autre chose que des JO.
Ça tombe bien. Les milieux de droite frétillent déjà pour nous rappeler en se marrant, qu’en mai voilà quarante ans, le peuple et les étudiants avaient fait un flop pour se ramasser devant la stature du général de Gaulle, oui môssieu !
Un qui aurait mieux fait d’attendre avant d’enterrer définitivement mai 68, c’est Sarkozy. En parlant du mouvement comme d’un épiphénomène et soulignant entre les phrases qu’il avait fini en eau de boudin, il a réveillé Daniel Cohn-Bendit qui ne voulait pas parler de sa jeunesse à Nanterre et à la Sorbonne
Dany le Rouge avait même écrit dans son bouquin Forget 68 : «Si on est prêt à se débarrasser du passé, alors on est libre.»
Et confortable dans ses pantoufles à l’Europe, Dany avait tourné la page. Si Sarko s’était tu, on aurait fait la commémo sans lui !
Cela aurait été dommage, d’autant que ça remue dans les collèges et les lycées, en ce temps de vaches maigres.
Les jeunes et les vieux, dont Alain Geismar, sont d’accord : Mai 68 c’est le passé. Il n’en reste que la spontanéité d’un mouvement contre l’Autorité de l’Etat ou des syndicats ; si on veut bien se reporter aux grèves qui ont été une aventure de la base contre l’avis des directions syndicales, à tel point que Seguy, le secrétaire général de la CGT en 68, en est resté contrarié !
Et ce ras-le-bol fameux est toujours dans les mémoires, mieux que les accords de Grenelle qui ont suivi.
Dany-le-Rouge ne fait plus peur, quoique il ait encore la dent acérée, à tel point que Sarkozy en remuant les ossements dans le placard, en a fait rugir Dany. Et comme il a de beaux restes, ce n’était pas très prudent…
Ce qui embête les anciens briscards de l’aventure étudiante, c’est quand on leur parle de nostalgie.
Ils ne sont pas des nostalgiques que les médias promènent de micro en micro comme des curiosités. S’ils acceptent de témoigner, c’est pour parler avec les jeunes de l’avenir incertain et de quel genre de lutte il conviendrait d’activer dans les syndicats d’étudiants et des travailleurs pour que « ça change ».

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C’était bien beau la rage au cœur et le verbe haut, mais les jeunes ne croient plus que sous les pavés il y a la plage, depuis qu’ils ont au mois d’août celle de Delanoë. Qu’il soit interdit d’interdire, dans un monde chargé d’interdits, reste un dilemme. Mais que la liberté ne se quémande pas, mais qu’elle se prend, oui, les jeunes en sont conscients.
Et ils s’essaient à sa conquête sous l’œil satisfait des vieux de 68, enfin pas tous, il y a dans le courant de 68 ceux qui ont mal tourné. Certains sont devenus des caciques à l’UMP. En fouillant bien, les autres partis y ont recruté aussi du PS au Front National. C’est dire comme les temps changent. Mais les plus écoutés, les meilleurs, sont encore là et avant de plier bagage pour l’au-delà, la vue de cette jeunesse qui bouillonne leur remet en mémoire la leur et les réconforte.
S’il n’y a pas de filiation entre eux et la jeunesse d’aujourd’hui, il y a au moins un courant de sympathie, comme en témoigne l’estime et la déférence dont on entoure encore Daniel Cohn-Bendit
Il faut le voir détendu face à un Finkielkraut tourmenté et aux antipodes d’un Glucksmann, pour se rappeler le toupet du gamin de 68, avec son parler juste, s’exprimer exactement comme l’homme de la rue interdit de parole et qui la retrouve grâce à lui.
Certes, il n’est plus flamboyant. Il s’est endormi même quelques secondes chez Serges Moati lors du débat général à l’émission Ripostes ; mais, il a été tellement impertinent en 68, un peu comme guignol rossant les gendarmes, qu’on en gardera longtemps le souvenir.
C’est lui qui aura le dernier mot : «Discuter de mai 68 est très intéressant. Mais c'est une manière d'éviter de parler des problèmes d'aujourd'hui.»
Voilà le parler juste retrouvé, c’est d’autant plus rare que voilà près de 40 ans, que la droite se revendique de la pensée et de l’action du général de Gaulle, afin d’éviter de parler des événements qui font la mondialisation. C’est dire que ceux qui veulent liquider l’épisode de mai 68, n’en finissent plus de ressasser le leur.
Alors, de Nanterre ou de Colombey-les-deux-églises, c’est encore la première commémo que je préfère.

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