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Enfouissement (1)

S’il y a bien une chose qui ne se fait pas, c’est dire du mal des morts. J’entends des morts récents. Qu’est-ce qu’on se fout de la mort de Nabuchodonosor !... Et encore, des morts récents dont personne n’a dit des horreurs du temps de leur vivant.
Fourniret et Dutroux, s’ils vivent encore longtemps en cellule et qu’à leur mort quelques-uns se les remémorent, ce ne sera pas pour faire leur éloge funèbre.
Pour les morts qui ont été quelque chose dans leur spécialité, leur art ou leur fonction, il est prudent de ne pas les traiter tout de suite de salauds, de vendus ou de quoi que ce soit d’ignoble, surtout si vous les remplacez dans leur fonction, ou pire, un autre que vous.
La brosse à reliure est plutôt généralement d’un usage répandu.
C’est le fameux respect des morts.
En général, quiconque écrit un article à la demande sur la disparition « inopinée » d’un personnage connu – ne serait-ce que localement - ne peut faire autrement que de se fendre d’un éloge. Je ne connais pas un discours, un article, une évocation dont l’auteur dispensât son talent des truismes et des lieux communs de circonstance.
C’est comme ça.
Autrement dit, cet exercice ne sert à rien, si ce n’est à soi-même ; car, plus le mort est célèbre plus vous en tirerez de la notoriété.
Ces réflexions me sont venues à la lecture de Karel Logist rendant hommage « à son ami Jacques Izoard » récemment décédé.
Que de poncifs, de fatras idéalement nécrologiques, de figures de style à la Bourdaloue, de déclarations à l’échos des nefs où retentissent encore les oraisons funèbres des successeurs de Bossuet !
J’ai noté quelques perles que l’on retrouve dans tous les discours du genre, sous la coupole de l’Académie française, jusqu’aux allées du Père-Lachaise.
Karel Logist ne dépare nullement l’ensemble des nécrologues.
« Homme de communication, contraire du poète dans sa tour d’ivoire, homme facétieux, figure populaire pétrie de bon sens et de générosité, son humour pince-sans-rire, ses anecdotes et ses coups de gueule, très attentif à la poésie des autres, il n’avait pas son pareil pour découvrir le meilleur chez un poète, ne fut-ce qu’un seul vers, très attaché à sa ville, à ses lieux, à son fleuve, à ses escaliers ». Voilà pour le poète.
« Il aimait les petites gens, les déclassés, les laissés pour compte. Il allait et venait, écoutait tout, recueillait des histoires, des blagues entendues et vous les rapportait devant un verre de bière. » Voilà pour l’homme sensible…
Question critique : « …c’est une poésie matérielle, qui se méfie des abstractions, des cailloux, mais aussi de bijoux de mots, magicien des sonorités, de la libre association, il écrivait tous les soirs un ou deux poèmes, sans exception. Ce n’est pas un penseur, c’est un sourcier. Il est difficile de caractériser cette poésie, sinon peut-être en en soulignant la liberté, la limpidité. Personne n’écrivait comme lui. Il écrivait comme on respire… ».
Tirons l’échelle.

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Eh bien non ! ce n’est pas rendre hommage à un poète que d’écrire cela..
C’est se moquer du monde ! Tant on y sent l’artificiel, le convenu. Il n’y a pas là-dedans un seul mot qui sonne juste, qui nous fait comprendre ce que cet homme fut, pour tout autant que quelqu’un le sût.
L’ensemble pourrait resservir pour quelqu’un d’autre, un peintre, un écrivain, un homme politique, un chef de bureau…
Une seule fois, j’ai approché Izoard. Je ne le connais pas pour autant. J’étais assez jeune et je commettais des vers rimés et libres, comme il m’arrive encore de le faire parfois (pas deux fois par jour comme on va à la toilette).
Je lui donnai ce jour-là quelques poésies. Quoique reçu glacialement, il m’assura qu’il me lirait et me donnerait un avis. Voilà vingt ans de cela. J’ai attendu jusqu’à la semaine dernière..
Le ressentiment ne dicte pas ma conduite. Peut-être même s’était-il préoccupé de ne pas me faire de la peine en s’abstenant d’un commentaire ? Vis-à-vis de lui, je suis dans le même état d’esprit, mû par un vrai respect et qui n’est pas de circonstance. Mais où se trouve l’écoute des autres, l’amabilité et l’intérêt envers les débutants, les jeunes qui écrivent, tout ce qu’on lui prête?
A la vérité, qui veut être connu et un jour compter dans le domaine de l’Art et surtout en poésie, ne doit pas être avare de ses heures de représentation, courir les salons et les vernissages, savoir s’emmerder avec discrétion, surgir opportunément dans un débat, s’infiltrer dans les centres culturels, faire le siège des échevinats, passer pour très politisé avec des militants et apolitique avec le reste de la coterie, ne pas lésiner les coups d’encensoir quand ils peuvent renvoyer l’ascenseur… bref passer plus de temps en ronds de jambe et salamalecs qu’à sa planche de travail, et surtout se blinder par rapport aux autres, s’accrocher en égoïste, égotiste dirait Stendhal, à la seule promotion de « son génie ».
S’il y a bien une qualité que personne n’oserait disputer à Izoard, c’est sa patience, sa ténacité à se vouloir poète reconnu.
Plus « perseverare diabolicum » que « Errare humanum est ».
C’est en cela qu’il est touchant pour une si petite chose intime que d’autres rougiraient d’en convenir : la poésie.
Et pour rien d’autre !

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1. Flaubert « in Dictionnaire des Idées reçues », p. 30. Enterrement : A propos du défunt : « Et dire que je dînais avec lui il y a huit jours ! » S’appelle obsèques quand il s’agit d’un général, enfouissement quand c’est celui d’un philosophe ».
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Commentaires

Ceci est une redite mais ... Pffff encore un texte de pseudo intello chiant, c’est à gerber de mièvrerie, de consensuel melliflu et de banalités entendues.

Petits extraits :
- C’était un passeur
- La poésie était sa compagne
- tous les poètes liégeois sont aujourd’hui orphelins
- Ce n’est pas un penseur, c’est un sourcier
- Il écrivait comme on respire
- Magicien des sonorités
- Sa mort laisse un vide énorme
- Beaucoup perdent un ami

Et un petit dernier pour la route :

- Il avait “découvert” Eugène Savitzkaya, pour ne citer que le plus connu de tous.

Ah bah oui, là Eugène Savitzkaya, ca, oui, dis donc, on est tous pliés !!!!
On rit à fendre gorge, stop arrêtez, on n’en peut plus.

Peu importe la qualité de l’homme mais faut il regretter un nouveau Sartre à chaque fois qu’un poète meurt. Je trouve pathétique ce monde de pseudo intellectuels autoproclamés qui s’auto congratule, s’auto encense en s’envoyant mutuellement des fleurs le petit doigt en l’air et une carotte dans le derrière.

A lire ce billet faut-il en déduire que "faire le siège des échevins" ne vous a pas réussi.
"Point de ressentiment", pourquoi vous croire obligé de le préciser si vous en êtes si sûr.

Dois-je vous rassurer, cher interlocuteur ?
Je n'ai jamais fait le siège de personne et surtout pas des échevins du lieu. Ma visite au grand défunt n'était qu'une faute de jeunesse. La leçon m'en a été profitable.
Je me suis seulement rendu à la raison - beaucoup plus tard - qu'entre solliciteur et sollicité, il n'y avait que le souffle de l'illusion.
Mais, vous en penserez ce qu'il vous plaira.

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