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Jean-François Kahn au Modem.

En politique et en journalisme, on aura tout vu : les retournements de veste, les changements de cap, les invectives, les contrevérités et jusqu’au contraire de ce que l’on affirmait la veille. Il y a même eu des rédacteurs en chef en contradiction avec la politique du journal. C’est le cas, ces temps-ci de Philippe Val, directeur de la publication et de la rédaction du journal Charlie Hebdo.
C’est dire si plus rien n’étonne.
Pourtant la nouvelle a quand même fait sensation : Jean-François Kahn, 70 ans, passe du journalisme à la politique. Il a choisi de rejoindre le Modem et François Bayrou.
Il convoiterait une députation européenne.
Il s’en explique dans Marianne : « J'ai définitivement tourné la page du journalisme. Mais je veux continuer à défendre les idées que, depuis trente-cinq ans, j'ai essayé de développer dans mes articles, mes livres et, tout simplement, la vie. Je ne passe à rien, je continue autrement.
Nous sommes confrontés à un chambardement comparable à la révolution industrielle du début du XIXe siècle qui, certes, ne rature pas les notions de droite ou de gauche, mais modifie complètement les critères de leur énonciation. Regardez : aux Etats-Unis on nationalise deux grandes banques et ça fait grimper la Bourse. Le néolibéralisme parvient à ses plus spectaculaires résultats sous une dictature communiste. Jamais on n'a autant exacerbé les inégalités et les exclusions que ne l'a fait la gauche britannique de Tony Blair. Alors la gauche et la droite… Il faut tout recomposer. Si on peut y aider… »
La manière de « continuer autrement » de J.-F. Kahn est tout à fait singulière, puisqu’il choisit un parti centriste qui n’aura la chance de s’exprimer que si l’électorat de l’UMP s’effrite et se disperse.
Si par hasard, une telle chose survenait, cela ne modifierait pas grand-chose à la pensée de droite.
Les socialistes ? Certes le PS va mal. Il y a trop de chefs pour une base flottante qui se perd dans les courants. Peut-être bien que Bayrou et Kahn ont leur meilleure chance dans cette partie de l’échiquier, mais ce serait plutôt dans une association avec, par exemple Ségolène Royal qui, lorsqu’elle sentit la présidence de la République lui échapper, proposa une association avec Bayrou.
Les prévisions pour une réelle participation du Modem à la vie parlementaire française et européenne paraissent se limiter à peu de choses. Il n’empêche pas le chef de l’Etat et l’UMP de dormir. Néanmoins, le Modem est quand même l’objet d’une grande méfiance et d’une surveillance constante. Ce n’est pas pour déplaire à notre ex-journaliste. Cependant, il y a peu d’espoir que l’arrivée de Kahn au parti change grand-chose à sa confidentialité. La députation à l’Europe n’est pas acquise.
Comme on le voit Kahn n’est sorti du bois que pour y rentrer.

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Seulement, il y rentrera avec une étiquette. Ce qui va empêcher les milieux ouverts aux affaires politiques et qui avaient souvent recours à sa verve, son impulsivité médiatique et son intelligence, de le recevoir encore à la radio et à la télévision sous une étiquette indépendante.
Jean-François Kahn a-t-il bien mesuré cela ? Pourra-t-il se plier aux exigences d’une coterie, il est vrai confidentielle, qui exige une certaine discipline de groupe, pour laquelle, on le sait, J.-F. n’a jamais été doué.
Briguer une députation à l’Europe est aussi un signe d’essoufflement. Certains y terminent leur carrière. J.-F. K. voudrait y commencer la sienne, à l’âge où passer la main devient plus raisonnable que de persévérer.
Que pourrait-il faire à l’Europe ?
On sait comme l’Europe est à la fois le pactole et la sinécure.
Bien des parlementaires qui ont passé par là vous le diront.
Qu’à 70 ans, Kahn ait le désir de se reposer, de souffler un peu, c’est bien humain.
Quant à servir d’exemple pour la jeunesse, prêcher une révolution centriste avec Bayrou, alors qu’ils pourraient à eux deux difficilement réunir une table de bridge, ce n’est pas de la forfanterie, c’est de l’inconscience.
Reste l’ami, le battant, celui qui avait une pensée éclairante au bon moment, enfin celui qui faisait réfléchir et qui faisait dire « …mais, il a raison ! », celui-là va nous manquer.
Bonne retraite à Bruxelles quand même, cher Jean-François, enfin peut-être sera-ce l’occasion d’un dernier livre sur Bayrou ou sur l’Europe, histoire de finir en beauté ?

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