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La daube libérale !

Comme tout ce qui n’est pas une marchandise et donc ne peut rapporter du cash, le travail intellectuel qui n’est pas lié à une source de profit ou n’en fait partie que par contrat précaire, vacation ou intérim, ne vaut rien, dans le foutoir libéral.
Comment doit vivre un pigiste dans un journal entre deux piges ? Que fait un musicien non coté entre deux concerts ? Un peintre entre deux salons ? Et même un citoyen sans mandat politique, quand il s’intéresse à la vie publique, au point de la vouloir comprendre ?
La Bruyère s’était déjà penché sur la question : « Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage, qu’un meilleur nom ; et que, méditer, parler, lire, et être tranquille, s’appelât travailler. »
Le système a bien retenu la leçon puisqu’il paie les mandataires politiques, non pas selon leur mérite ou leur savoir, mais suivant des barèmes suffisamment généreux pour qu’ils s’attachent uniquement à ce qu’ils font en notre nom. Et encore quand on dit « ce qu’ils font » on est gentil dans certains cas, daube qu’on traîne comme des casseroles. Et dans le libéralisme, on en a une sacrée batterie…
Flaubert, parlant au nom des écrivains, ne disait pas autre chose « Nous sommes des ouvriers de luxe. Or, personne n’est assez riche pour nous payer. Quand on veut gagner de l’argent avec sa plume, il faut faire du journalisme (ndlr : c’était en 1860), du feuilleton et du théâtre. La « Bovary » m’a rapporté… 300 francs, que j’ai payés, et je n’en toucherai jamais un centime. J’arrive actuellement à pouvoir payer mon papier, mais non les courses, les voyages et les livres que mon travail me demande ; et au fond, je trouve cela bien (ou je fais semblant de le trouver bien), car je ne vois pas le rapport qu’il y a entre une pièce de cinq francs et une idée. Il faut aimer l’Art pour l’Art lui-même ; autrement, le moindre métier vaut mieux. »
Flaubert était évidemment un privilégié par la fortune qu’il hérita de son père, médecin et directeur de l’hôpital de Rouen. Peut-être eût-il modifié son texte, s’il l’avait écrit à la fin de sa vie, lorsqu’il dut réaliser ses biens afin de rembourser les dettes de sa nièce Caroline Commanville, quand son mari, marchand de bois fit de mauvaises affaires.

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Le nouveau prolétariat est composé aujourd’hui en partie de surdiplômés, d’intellectuels sans emploi. Certains ne sont pas des adeptes de Lafargue (Le droit à la paresse) ; mais, des esprits curieux et innovants dont la société n’a que faire. Ces exclus interpellent sur le devenir des enfants. Les parents croyaient jusqu’au début de ce siècle, que les études donneraient à leurs enfants plus de chance d’obtenir un bon statut. Ils déchantent depuis la crise.
Jusqu’à présent, les planqués du genre Michel dans un système qui les encourage « à donner l’exemple » ont réussi le tour de force à nous faire croire que le travail qui rapporte (surtout à celui qui le commande) est le seul qui vaille et que, par conséquent, un penseur ou un artiste qui ne peut pas vivre de ce qu’il produit, est un fainéant déguisé.
A l’instar des écoles professionnelles, les universités fabriquent aussi de futurs chômeurs non indemnisés. C’est cela la grande nouveauté.
L’ultralibéralisme aura réussi à joindre ce que Rimbaud appelait les métiers à main, aux métiers de la matière grise.
La précarisation actuelle du travail intellectuel est la résultante de la transformation de la culture en un commerce inéquitable pour une consommation bourgeoise.
Les petits salauds qui pensent pour nous savent bien ce qu’ils font. Ils rendent la pensée eunuque par peur que le plus grand nombre ouvre les yeux sur l’immense gâchis de la société libérale.
Car enfin, voyez-vous que les gens réfléchissent sur le travail, sur la culture, sur la nature du progrès !... se disent, mais enfin, ces libéraux se prennent pour qui ? Ils nous mènent où ?
Et si la cohorte des chômeurs qui grossit disait vrai ? Si celui qui se résout de vivre de peu et cependant satisfait suffisamment à ses désirs, devenait insaisissable ? Celui-là n’a ni rôle, ni fonction, ni richesse, ni état, hormis l’exclusion de l’indemnisation, par laquelle seulement on peut le menacer et le faire revenir à la servitude ?
Déjà Victor Hugo écrivait en 1863 « La question sociale a été trop réduite au point de vue économique, il est temps de la remonter au point de vue moral… ».
Nous assistons à l’adaptation générale de l’idéologie dominante à la crise. Non seulement le travailleur manuel est condamné, mais le travailleur intellectuel le rejoint pour la première fois dans l’histoire sociale. C’est ainsi que s’étudie la possibilité du chômage du Régime employé.
Méfions-nous de ceux qui demandent des sacrifices, s’ils n’en font pas par eux-mêmes, mais au contraire, profitent des sacrifices des autres.
Or cette crise n’est pas la nôtre, c’est celle d’un système libéral au bout du rouleau.
Laissons le bruit et la fureur à ceux qui en vivent. C’est en les regardant se débattre qu’on les devine mieux et qu’on pénètre leurs desseins.
J’en arriverais à la conclusion que pour les pauvres gens, ne rien foutre serait presque un honneur, si nous n’avions besoin nous-mêmes de l’essentiel pour rester en vie.
Travaillons donc à l’essentiel, et pour le reste, si les libéraux y sont tant attachés, qu’ils travaillent pour le superflu et qu’ils cessent de vouloir que ce soit nous qui le fassions.

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