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Omerta en Haut Lieu.

Passer à travers tout sans jamais montrer la moindre faiblesse, ni la moindre responsabilité, voilà bien l’impératif des hommes politiques au pouvoir ou rêvant d’y être.
N’importe quel lecteur de journaux, curieux des affaires publiques, s’en tenant aux faits et aux personnages impliqués, peut arriver à démontrer que ce cynisme attribué aux hommes politiques n’est pas usurpé.
Le FORTISGATE est très éclairant à ce propos.
Les nouveaux scandales dans la haute magistrature et au Tribunal de Commerce de Bruxelles ont réveillé l’intérêt pour le procès FORTIS et la juge Christine Schurmans soupçonnée d’avoir vendu la mèche sur l’issue du procès, au gouvernement.
Ces deux affaires ont un point commun qui saute aux yeux.
Rayon de la présidence de la Chambre de Commerce, Francine De Tandt, soupçonnée de corruption, la dame a déposé plainte à l’encontre du directeur de la police judiciaire de Bruxelles, Glenn Audenaert. La juge reproche à M. Audenaert d’avoir fait des déclarations concernant l’enquête ouverte contre elle et a de ce fait brisé le secret professionnel.
Rayon Cour de cassation (Affaire Fortis), les avocats du gouvernement avaient été informés de la teneur de l’arrêt négatif de la cour d’appel de Bruxelles. Un journal révèle ce mardi une nouvelle ligne directe entre l’entourage de la juge Christine Schurmans et l’entourage du gouvernement.
Celle-ci, mal à l’aise de la tournure prise par les événements, avait informé son mari Jan De Groof, proche du CD&V qui aurait alors informé les cabinets d’Yves Leterme, alors Premier ministre, et de Jo Vandeurzen, alors ministre de la Justice, tous deux CD&V.
Mais ce n’est pas tout.
Cette impénitente bavarde aurait fait part de ses doléances à Ivan Verougstraete, président de la chambre flamande de la Cour de cassation, qui aurait transmis l’information à un avocat de Fortis. En vaine de confidence, la même aurait informé une amie, juge pensionnée et ancienne vice-présidente du tribunal de commerce de Bruxelles, Nicole Diamant, qui aurait informé directement l’avocat du gouvernement, Christian Van Buggenhout, de la teneur de l’arrêt.
Le voilà beau, ce fameux secret professionnel, si malmené qu’on se croirait dans un ballet de commères d’un Vaudeville d’Eugène Labiche.

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C’est ici que l’incipit de ce récit prend tout son sens.
Didier Reynders aurait dû démissionner comme Leterme et Vandeurzen, puisqu’il devait être nécessairement au courant, attendu que l’avocat du gouvernement l’était et selon un député au Fédéral, Renaat Landuyt, « Un avocat ne demande jamais la réouverture des débats sans l’accord de son client » ! Ce qui paraît aller sous le sens commun.
« Passer à travers tout sans jamais montrer la moindre faiblesse, ni la moindre responsabilité, voilà bien l’impératif des hommes politiques au pouvoir ou rêvant d’y être. »
Pas exact non plus, puisque Leterme et son ministre de la Justice ont démissionné, alors qu’ils pouvaient tout aussi bien nier, ou pire prétendre qu’ils avaient été informés par l’avocat du Gouvernement via Didier Reynders, après coup.
On en est là !
Tout le monde sait à présent que la Justice n’a jamais eu vraiment de secrets vis-à-vis du gouvernement, pour cette affaire-là. Quant à soupçonner que pour les autres ayant une certaine importance politique c’était pareil, il n’y a qu’un pas que des esprits malins et malveillants ont déjà franchi. Qui leur donnerait tort ?
Reynders nie avec vigueur, force est bien de constater que la conviction intime du lecteur n’est pas suffisante. Reste les témoins, cette chaîne du bouche à oreille qui a complètement mis par terre les pouvoirs séparés de l’Etat et de la Justice.
Il y a dans les instances supérieures de ce royaume un code identique à celui de Corleone, ce petit village de Sicile qui eut le triste privilège de voir naître un des grands de la maffia sicilienne, c’est l’Omerta, une sorte de convention non écrite entre les membres du clan selon laquelle, quoi qu’il arrive, il est interdit de témoigner contre ou de dénoncer quiconque du clan.
Voilà pourquoi votre fille est muette, dirait le Médecin de Molière.
Voilà pourquoi, dirais-je sur le même ton, que je me marre quand j’entends l’Haut-lieu parler d’éthique dans des essais quotidiens à nous remuer le cœur.
Quelle que soit l’issue de ce procès, présumé ceci, convaincu de cela, je m’en fous.
Ces gens ne sont plus crédibles.
Que Reynders démissionne ou ne démissionne pas, c’est la même chose. C’est de toute façon beaucoup trop tard. On ne laisse pas partir un premier ministre et un ministre de la justice sans réagir quand on a toutes les bonnes raisons de se savoir coupable au même titre.
Parti la tête haute en claquant la porte, Reynders avait une chance de revenir comme Leterme est revenu.
De quoi aurait-il l’air si des scrupules l’envahissaient à présent ?
Quand on s’engage sur la voie de la probité et de l’intégrité morale, on ne peut revenir en arrière sans risques. Les aveux tardifs sont toujours mal interprétés.
Reynders l’a compris.
Le voilà engagé au ministère des finances à toujours mentir, comme sur un wharf : la caque y sentira toujours le hareng.

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