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Métamorphose du fric à Davos ?.

Après la crise sévère de 2008, prolongée en 2009 et 2010, les pays « riches » sont dans l’impossibilité de changer le système calamiteux, qu’ils ont mondialisé par délocalisations et transports rapides.
Les Etats ont cédé aux circonstances et accordé des prêts. L’argent du domaine public a alimenté les caisses des banques, autrement dit sauvé des particuliers, ce qui ne s’était jamais fait auparavant à cette échelle, dans les démocraties !
Les Etats ne se sont pas portés acquéreurs de ce qu’ils sauvaient, ce qu’ils auraient pu faire aisément.
Cet altruisme inédit en faveur de faillis, a été préjudiciable pour les bailleurs (nous).
Cela permit à BNP Paribas d’avaler FORTIS, et à d’autres survivants de s’enrichir. C’est une bien mauvaise gestion du ministre des finances. Aucun banquier en mesure de prêter de l’argent ne l’aurait fait.
Les réunions des chefs d’Etat et des économistes se sont succédées depuis sur la moralisation du capital. Obama vient de faire une mise au point sur son intention de séparer les banques de proximité, des banques d’affaire, quelques jours avant la 40e réunion annuelle du Forum économique mondial (FEM) à Davos. Le monde va se pencher à nouveau sur la situation économique toujours préoccupante.
La préoccupation principale sera d’intéresser les gens sur l’organisation des travaux : plus de 200 sessions en cinq jours, 2.500 délégués venus de plus de 90 pays, représentant les milieux d'affaires, les gouvernements, la société civile, le monde universitaire et les médias.
Tout sera emballé dans du papier cadeau, sans qu’une nouvelle impulsion soit donnée à l’économie. Après les beaux discours (celui de Sarkozy ce soir), on repliera le moment venu les caméras, les décors et chacun retournera dans son pays comme si de rien n’était.
Ceux qui souffrent le plus de cette crise ne seront pas invités à Davos. Ils n’iront pas cinq jours en Suisse et leur condition de vie se poursuivra telle qu’auparavant, comme si de rien n’était aussi, mais s’écoulera bien plus tragiquement que celle des congressistes.
L’organisation de la société ne se fait pas par ceux qui souffrent le plus, mais par ceux qui en bénéficient et qui en souffrent le moins, c’est un des grands malheurs du temps.
On a beau dire, ceux qui ont tout ne sauront jamais plaider la cause de ceux qui n’ont rien. Mais c’est notre démocratie par procuration qui le veut ainsi.
Bien sûr, on parlera des leçons que le monde doit tirer de la crise financière et économique. Il y en aura pour tout le monde, c’est-à-dire pour personne.
Par contre plus accessibles et plus sérieuses seront les réponses sur la sécurité du monde « libre » en opposition au monde « hostile », en Afghanistan et au Moyen-Orient. Des chefs d’Etat justifieront leur agression par la conviction qu’elle était nécessaire. Ce sera le cas d’Israël et des Etats-Unis, peut-être même de la Chine, si on la titille sur le Tibet.
On oubliera la taxe Tobin au profit de la taxe carbone et tout sera dit... oubliés les économistes qu’on ne cite jamais dans les médias où ils pourraient subvertir une population de crédules qui ne pense que par l’intermédiaire des gens de pouvoir.
Par exemple, un prix Nobel de l’économie (Maurice Allais, France, 1988) et l’économiste Frédéric Lordon pour lutter contre ce qu'ils considèrent être les « ravages de la finance ». Ce dernier a mis au point une règle d’application facile : le SLAM (Shareholder Limited Authorized Margin, ou marge actionnariale limite autorisée). C’est un impôt qui consiste à fixer un niveau de rentabilité actionnariale maximale au-delà duquel est appliqué un taux d'imposition confiscatoire. Pour déterminer les profits générés, on inclut à la fois les dividendes versés mais aussi les plus-values réalisées lors de la cession.
Le niveau couperet se nomme TSR (Total Shareholder Return) et sera fixé depuis le taux d'intérêt pour des actifs sans risque. On n'autoriserait qu'une prime maximale liée au risque (dont le montant doit être discuté). Frédéric Lordon propose pour l'heure actuelle un TSR de 6-7%.

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On voit ce qu’une telle mesure pourrait apporter en empêchant, entre autres, les bulles spéculatives, en réduisant la pression des actionnaires sur les entreprises cotées et par contre coup sur les entreprises non cotées sous-traitantes des premières. Cela permet, tout en rémunérant correctement le capital, d’envisager une meilleure répartition des richesses et d'améliorer les conditions sociales des salariés. En effet, pour Frédéric Lordon, la crise des années 2008-2009 est la crise d'un capitalisme de basse pression salariale. Les Fonds de pension et les décideurs seraient contraints à des gains raisonnables. Les grands actionnaires institutionnels, qui frappent d'abord le salariat sur qui retombe tous les risques, ne profiteraient plus de la confusion et du laxisme pour faire croire à l'utopie d'une « démocratie des actionnaires », et imposer leurs vues dans les fausses promesses d'une réconciliation du capital et du travail, autour de l'épargne salariale.
Au lieu de quoi, au sortir de Davos, dans la Communauté belge, comme dans toute autre, les petits faits-divers masqueront vite les absences de décision.
La Belgique est prodigue de sujets qui font croire que le pouvoir est actif et la population informée. Dehaene avec ses petits paniers, la question du voile, les pantalonnades de Papa, les explosions, les suicides, Dutroux qui se plaint, bref voilà du travail pour nos équipes de soutien, nos psychologues, nos brigades d’intervention et nos économistes qui s’inséreront bien dans les programmes qui donnent l’illusion que le train dans lequel on est assis bouge, alors que c’est la rame à côté qui démarre !

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