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Les filles de Pasiphaé !

A force d’artifices en façade, cette société est parvenue à nous faire croire à son côté moral. Le travail, l’argent honnêtement gagné et des ministres intègres, se voulant être des exemples, ont forcément déteint sur l’opinion. Qui dit opinion entend les médias à l’affût d’occasions pour « rentabiliser » le papier, tout en étant en prise directe avec le pouvoir.
Aussi quand la nature reprend ses droits, c’est tout un travail de réappropriation du réel tellement à l’encontre de l’opinion, qu’il vaut mieux crier à l’horreur et à la monstruosité, plutôt qu’avouer ne rien connaître de la nature humaine.
Les tribulations érotiques de deux gardiennes de prison avec un détenu à la prison de Bruges ont défrayé la chronique de la semaine dernière. Auparavant, une autre gardienne « urgentiste » avait été démise de ses fonctions pour avoir « succombé » plusieurs fois à Adam G., d’une manière plus heureuse que le pauvre Joe Van Holsbeeck à la gare Centrale..
L’acte sexuel étant la chose la plus répandue au monde, ce que la presse et l’opinion ont retenu, c’est le passé judiciaire de ces don Juan enfermés. Comme si faire l’amour exigeait de part et d’autre de la bête à deux dos, un casier judiciaire vierge !
C’est bien mal connaître la psychologie des êtres, l’impérieuse nature des besoins et la fragilité des sentiments amoureux devant le caractère irrépressible des pulsions, puisque deux de ces gardiennes étaient mariées !
Comme l’a écrit en poète Boris Vian :
« J’voudrais pas crever
…Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres »
Rien n’est plus érotique qu’un endroit truffé d’interdits. Rien n’est plus excitant de s’adonner à un plaisir rigoureusement proscrit pour des raisons d’éthiques professionnelles.
Tandis que s’échauffaient les honnêtes gens sur l’abomination de la chose avec une crapule purgeant sa peine, personne n’a vu la faute contre l’esprit. Faut-il être bête pour entretenir une liaison avec un « subordonné », à fortiori un détenu, sur son lieu de travail ! C’est la seule faute qu’elles aient commise. S’il faut rendre responsable quelque chose, ce serait la bêtise.
Cela valait un licenciement, pas une citation à comparaître. Ce que le Parquet a bien compris en ne poursuivant pas.
Mais l’opinion ne l’entend pas de cette oreille. A force d’entendre les autorités lui prodiguer des conseils de bonne conduite, opposer à la nature humaine les plus méfiantes mesures pour contrôler le travail, dans la rue, à l’approche des banques, à l’intérieur des grands magasins, il semble au citoyen que ces contrôles soient légitimes et ne sont là que pour « l’aider » à canaliser ses pulsions, ses faiblesses ou ses brusques relâchements. Il finit par confondre ordre et désordre et il ne voit plus tout ce qu’il y a de faux dans la façon dont les Autorités le façonnent à leur manière, qui est à l’éthique, ce que l’emplâtre est à la jambe de bois.
Certes, ces représentantes de l’ordre travaillées par des pulsions dont elles ne purent contrôler l’ardeur, n’avaient pas l’œil assez critique braqué sur le criminel dont elles épongeaient les impatiences avec beaucoup d’application. N’en va-t-il pas ainsi dans la vie courante ?
Avec la culture par et pour l’argent, on a perdu le sens du tragique. On ne met plus en scène que des parvenus ou des gens qui aspirent à l’être. On s’est forgé une idée de « l’honnête » homme qui ressemble formellement au ministre Woerth. On oublie que le sens premier des êtres, c’est d’aimer et de haïr des femmes et des hommes qui meurent d’amour, qui tuent par amour.
Le langage du désir vient du fond des âges. Des charmantes chansons de Lesbos à peine ressuscitées par Louÿs, voilà un siècle, sont retombées dans l’oubli par la suite de la contemplation quasi exclusive de bandes dessinées par la jeunesse abonnée au plaisir solitaire.
On y décrivait les femmes ardentes et les hommes faibles. Alcée disait « Pure Sapho, j’ai quelque chose à te dire, mais la honte me retient » Et Sapho répondait « Si la honte ne te couvrait pas les yeux, tu dirais franchement ce que tu penses ».

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Il faudra quand même retenir qu’un « fin » psychologue interrogé sur le cas des matonnes n’a rien trouvé de mieux de dire qu’elles auraient pu céder à la pitié ! Elles ont tout simplement cédé à leur désir. Il suffisait pour cela de faire abstraction de la honte, ce qu’elles ont fait.
A croire aussi que les voyous déclarés tels, condamnés pour de longues peines, exercent une fascination qui magnifie chez certains êtres, les actes qu’ils ont commis. Pour autant les partenaires de ces abstinents involontaires ne sont pas toutes des délinquantes en puissance rêvant de coucher avec l’ennemi numéro 1 dont elles envient les exploits.
On ne saura jamais, par exemple, ce qui pousse quelques femmes à écrire des lettres d’amour à des individus aussi chargés de crimes qu’un Dutroux. De la même manière, il serait aisé à Michèle Martin qui sera libérée sous peu, comme le veut la loi, d’épouser en seconde noce qui elle veut parmi ses admirateurs.
C’est ainsi qu’est faite la société : un mélange disparate de genres si différents, que seul l’aspect physique peut qualifier l’ensemble d’humain. Pourtant se sont bien des hommes et des femmes, nos semblables qui ont été, qui sont et qui seront, ministres ou terrassiers, assassins ou matonnes.

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