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L’argent

On ne peut identifier le monde moderne qu’à l’argent. C’est ce qui vient à l’esprit pour caractériser cette civilisation. Le triomphe du capitalisme tient dans ce seul mot. Le bouleversement par l’argent roi gagne encore sur les esprits, après un règne déjà fort long et qui le voit toujours monter en puissance. Il règne jusque dans les rapports que l’individu entretient avec sa culture.
L’homme a perdu son indépendance au point de résilience où il s’est abîmé dans le culte de l’argent, définissant ainsi son avenir en-dehors de lui-même.
Emanuel Vals, député PS, et Einthoven, philosophe, débattaient devant Marie Drucker sur Antenne 2 de ce qui pouvait bien faire l’adéquation avec l’opinion d’un candidat à la présidence de la République. Sans le dire expressément, l’argent était dans toutes les composantes d’une politique gagnante. Ce modernisme sentait le sapin. Avaient-ils conscience que le débat était un pur produit du passé ? Une de ces prises de paroles dont on a honte, quand ce qu’on n’avait pas prévu arrive et nous découvre dans l’absurdité d’un raisonnement obsolète !
Seule survivante, la pensée libertaire fait table rase des idées d’un socialisme adapté à l’argent, selon lequel le présent est nécessairement meilleur que le passé, mais inférieur aux promesses de l’avenir.
Cette philosophie du progrès permanent est dépourvue de sens, un préjugé qui pourrait faire la peau du socialisme lui-même et dont on voit les prémices par la montée des droites et par conséquent l’abaissement des gauches.
Il devient urgent de penser contre son temps. Imaginer un lendemain de non-croissance, n’est pas si difficile en soi, c’est ce qui vient après qui remet tout en question, lorsque le dogme de la toute puissance de l’argent, élargi à l’ensemble de l’humanité, n’a plus de contradicteurs.
Cette théorie est clairement établie. Donner raison à son propre temps, c’est tomber dans la tyrannie de l’opinion publique.
Inutile de préciser qu’on ne crie pas au loup dans un univers pré-capitaliste, mais déjà post-capitaliste. Avec Adam Smith, le père du libéralisme moderne, nos grands parents ne se reconnaîtraient plus dans une société qui a développé à l’extrême le culte de l’argent.
En connaissez-vous beaucoup de ces économistes, de ces chercheurs qui osent aujourd’hui réfléchir tout haut sur l’avenir, laissant au capitalisme juste le temps de disparaître ? Sinon, parmi ceux dont la voix se fait entendre, la plupart Marxistes, c’est-à-dire partisans d’une économie qui ne serait pas tout à fait dégagée du capital.

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Le tout mercantile des valeurs intellectuelles et morales ainsi traduit comme un change ordinaire aboutit à des régressions tellement fortes que la démocratie n’y résistera pas.
L’égoïsme économique est en mesure de détruire l’ordre social, ce à quoi il s’occupe depuis plus de dix ans, sans que ni les syndicats, ni le socialisme de parti ne s’en émeuvent.
Les guerres qui n’en sont pas que l’Occident a entreprises, avec celle d’Irak pour débuter, innovent en matière de motif. Le public a conscience qu’on meurt sur les champs de bataille pour des valeurs boursières, pas pour des valeurs morales.
Dans la collection « Que sais-je », l’économiste Perroux dénonçait déjà En 1951, ce qui nous accable en 2011 « Toute société capitaliste fonctionne régulièrement grâce à des secteurs sociaux qui ne sont ni imprégnés, ni animés de l’esprit de gain et de la recherche du plus grand gain. Lorsque le haut fonctionnaire, le soldat, le magistrat, le prêtre, l’artiste, le savant sont dominés par cet esprit, la société croule et toute forme d’économie est menacée. Les biens les plus précieux et les plus nobles dans la vie des hommes, l’honneur, la joie, l’affection, le respect d’autrui ne doivent venir sur aucun marché ».
Or, la société occidentale dans son entier est tombée dans le piège de l’argent. Les fameux critères de rentabilité sont en train de ronger les Institutions, les Grands Services publics et jusque les écoles.
Dans le clinquant du studio, je les voyais faire la roue devant Marie Drucker, l’un mis comme Robespierre à la fête de l’Être suprême, l’autre à la mise faussement décontractée où chaque pli de la chemise et du veston était étudié, et je me disais que tout en eux et en-dehors d’eux puait l’argent et le faux semblant, qu’ils en étaient imprégnés et qu’il était impossible dans ces conditions de raisonner juste.
Charles Péguy avait déjà prévenu ses contemporains dès 1908 « Le monde moderne avilit la cité ; il avilit l’homme. Il avilit l’amour ; il avilit la femme. Il avilit la race ; il avilit l’enfant. Il avilit la nation… il avilit la mort » (1)
Ceux qui s’affichent comme les intellectuels de notre temps, que l’on voit partout et qui ont leurs petites entrées là où les voix portent, ne sont que les augures d’une civilisation ratée, des pseudos intellectuels, les porte-parole d’une pensée libérale moribonde.
Hélas ! comme on ne voit et n’entend qu’eux, les publics abusés sont comme les nuées de sauterelles qui au gré des vents ravagent le sol là où elles tombent, sans savoir qu’elles devront survivre, bien après, qu’elles aient tout détruit.

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1. Cité par Jacques Julliard « L’argent, Dieu et le diable », Flammarion, 2008.

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