« La table ronde était rectangulaire ! | Accueil | Un destin con. »

Fric et délits.

Revoilà « l’affaire ». Vance, procureur de New-York abandonne les poursuites dans le dossier ouvert à l’encontre de DSK, accusé de viol d’une femme de chambre du Sofitel.
Les inconscients du PS français s’esbaudissent. Joie feinte, affection sincère ? Qu’ils n’en remettent pas trop quand même, des fois que DSK se croie « blanchi » par l’opinion publique et décide de se présenter aux primaires. Ce serait la certitude d’une victoire facile pour Nicolas Sarkozy.
Le public est plus collet monté que ne le suppose les gens de Solferino. Quoique la vie d’un cavaleur n’intéresse personne que l’épouse, et encore, les gens ne supporteraient pas que ses frasques dévoilées, un homme fût encore assez fou pour oser se présenter.
Même si beaucoup d’anciens présidents ont été des « hommes à femmes », aucun n’a eu le déballage auquel DSK a eu droit, qu’on le déplore ou non.
L’affaire DSK a mis en évidence les singularités de la justice aux Etats-Unis. « Ils ne sont pas comme nous ! », pourrait-on s’écrier en Europe. En effet, le sentiment qu’avec beaucoup d’argent, on peut s’en tirer là-bas, est à mettre en parallèle avec l’exhibition devant les médias dont sont astreints les présumés innocents et ce quelle que soit l’importance du personnage incriminé. En Belgique, comme en France, la notoriété et l’argent mettent à l’abri du regard tout accusé, quand l’affaire n’est pas « court-circuitée » avant d’arriver à un juge d’instruction.
Comme aux Etats-Unis la vie publique est beaucoup plus judiciarisée encore que chez nous, les avocats n’ont pas besoin de foncer dans l’establishment politique pour faire fortune, cependant ils y abondent, comme chez nous, plutôt par tradition familiale sélective. Leurs honoraires les placent déjà au-dessus de l’échelle sociale, dans une catégorie à part.
Alexis de Tocqueville, si cher à Didier Reynders, avait déjà observé que l’aristocratie américaine était au banc des avocats et en face dans l’appareil de justice.
L’abondance d’avocats dans les plus hautes sphères du pouvoir est égale à la nôtre. Rien que dans l’entourage du Président Obama (lui-même ancien professeur de droit), Mmes Hillary Clinton (secrétaire d’Etat), Janet Napolitano (ministre de la sécurité intérieure), Valerie Jarrett (proche conseillère), MM. Cass Sunstein (conseiller), Joseph Biden (vice-président), Leon Panetta (directeur de la CIA), Eric Holder (ministre de la justice), Kenneth Salazar (ministre de l’environnement), sont avocats ou sont issus d’une école de droit. Les avocats représentent 59 % des élus du Sénat et 40 % de la Chambre des représentants.
Cette catégorie professionnelle, très impliquée dans le domaine politique, n’est pas très populaire aux Etats-Unis.
Alors qu’en Belgique beaucoup d’avocats sont indépendants, aux States aucun juriste n’envisage de faire sa pelote sans s’associer à un grand cabinet, certains comptent parfois plus de cent avocats. Les cabinets d’affaires garantissent de solides revenus. Certains pénalistes se trouvent pas mal nantis aussi.
DSK, par exemple, doit à la fortune de sa femme Anne Sinclair d’avoir pour avocats MM. Benjamin Brafman et William Taylor, l’un et l’autre parmi les dix meilleurs avocats du moment. La pauvre, déjà ridicule avec son sauteur de mari, va sentir passer l’addition.
Brafman et Taylor se font annuellement plus de 1 million de dollars chacun.

aktion6.jpg

Si en Belgique, le premier réflexe d’un jeune avocat qui veut faire carrière ailleurs, est de s’inscrire dans un parti, mais pas n’importe lequel, un parti qui aura beaucoup de chance de faire partie des coalitions dans les années suivantes, aux USA, les avocats qui se destinent à la politique choisissent de débuter par un poste de procureur (prosecutor). C’est moins bien payé, en attendant d’entrer à la Chambre des représentants ou de postuler le poste de gouverneur. Le choix du parti est simple. C’est démocrate ou républicain. Selon le temps qui reste à un président en exercice dans la perspective d’un second mandat, cela fait 7 ou 8 ans devant soi, pour le jeune avocat, de s’affilier chez l’un ou chez l’autre, la conviction étant aléatoire.
Les avocats commis d’office ont convoyé plus que les autres, leurs clients pauvres jusqu’au couloir de la mort. C’est bien connu qu’un prévenu sans argent est un homme mort ou condamné à des peines énormes, parfois une centaine d’années de prison.
Par contre, si la victime ou le plaignant ne dispose pas d’argent, mais pourrait être indemnisé parfois de plusieurs millions de dollars, alors certains « grands » avocats se mettent « gratuitement » à leur service, étant entendu que, sur contrat, ils se réserveront une prime de 30 % et plus, sur le cash obtenu.
L'avocat de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson, « défenseur des droits des opprimés et des Noirs », outre la notoriété que cette défense va lui valoir, touchera peut-être quelques millions de dollars de pourcentage si la victime obtient des dédommagements, même si DSK n’est pas reconnu coupable.
Anne Sinclair est là, généreuse et coffre-fort ouvert.
Mais, tout le monde n’a pas la chance d’être l’époux d’un tiroir-caisse !
Et c’est ainsi que la Justice américaine, aussi peu fiable que la nôtre, continuera de peser sur la démocratie du haut de sa superbe et de ces milliers d’avocats qui, à défaut d’être désintéressés, sont les plus compatibles avec un système qui se nourrit de belles phrases et d’envolées superbes. Les mariolles de la société d’aujourd’hui font du Droit, adoptent un parti, en apprennent quelques principes qu’ils adapteront à leur carrière et à leurs instances.
C’est aussi simple que cela de confisquer les grands idéaux démocratiques, pour assurer des carrières. Et c’est valable des deux côtés de l’Atlantique !

Poster un commentaire