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Revoilà l’affaire Bettencourt…

Le pouvoir élyséen a cru clore le bec de la juge Prévost-Desprez en la déchargeant de l’affaire Bettencourt, pour une juridiction lointaine, celle de Bordeaux. Était-ce suffisant pour faire oublier aux Français le rôle de Nicolas Sarkozy, candidat, et d’Eric Woerth, trésorier de l’UMP, dans le transport d’« enveloppes » de Neuilly, lieu du domicile de Liliane, à la caisse du parti ?
Gérard Davet et Fabrice Lhomme viennent de sortir un livre « Sarko m’a tuer » (1) dans lequel la juge relate des confidences de témoins dans l'affaire Bettencourt sur d'éventuels versements d'argent liquide à Nicolas Sarkozy. Elle n'a pas enquêté plus avant sur ces faits pour deux raisons : la première, les témoins ne voulaient pas s'exprimer sur procès-verbal par peur de représailles ; la seconde, la magistrate n'était pas saisie d'un éventuel financement d’un parti politique, puisqu'elle n'enquêtait que sur un abus de faiblesse (plainte de Françoise Bettencourt-Meyers - la fille de Liliane, contre Jean-Marie Banier).
La sainte frousse de se retrouver « cadavre flottant » comme chien noyé en Seine, a fait réagir un des témoins, l’infirmière de Liliane Bettencourt, Henriette Youpatchou, qui « dément » avoir assisté à des remises d’argent à Nicolas Sarkozy, comme l’affirme Mme Prévost-Desprez .
On se rappelle une justice « aux ordres » du magistrat Courroye, procureur de la République au tribunal de grande instance de Nanterre, qui a empêché Mme Prévost-Desprez de poursuivre l’instruction de l’affaire.
Madame Prévost-Desprez a manifestement été écœurée par les manœuvres du pouvoir via le procureur de Nanterre pour l'empêcher d'enquêter. C'est ce qui explique qu'elle ait aujourd'hui envie de vider son sac.

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Les confidences de Henriette Youpatchou ont été recueillies hors procès-verbal, elles ne pouvaient pas être utilisées judiciairement. Par ailleurs, la juge entretient des relations tellement exécrables avec le Parquet, que toute communication entre les deux parties était impossible.
Les personnes que les auteurs ont interrogées décrivent un système visant à affaiblir ou attaquer des personnes coupables de menacer le président de la République.
La justice n'est pas indépendante en France, on peut le regretter. Suite à l’Affaire Cools, en Belgique, on peut se poser la même question, tout en rappelant le courage et l’exemplarité de la juge d’instruction liégeoise, Véronique Ancia.
On s'aperçoit, à quel point la volonté de Sarkozy de supprimer les juges d'instruction laisserait la place à plus d’abus de pouvoir encore. Même si les juges d’instruction ne sont pas tous exempts de reproches, ils présentent au moins l'avantage d'être indépendants.
La juge n'est pas membre du parquet, elle dépend du siège. Il est compliqué de s'en prendre à une magistrate opiniâtre, courageuse et qui n'a commis, par ailleurs, aucune faute.
Après que la gauche ait perdu son candidat favori dans une affaire de mœurs, verra-t-on le président Sarkozy, tomber dans une affaire de fonds illégalement perçus pour alimenter la caisse d’une campagne électorale ?
Les auteurs nous embarquent dans d’autres affaires récentes dans lesquelles le pouvoir s’est impliqué de façon parfois tragique pour les éventuels témoins, avec parfois en ombres chinoises la barbouzerie française dont personne ne sait qui donne des ordres, ni ce qu’elle fait au juste ?
L’activité occulte des services secrets français, dans certaines affaires entre nationaux, est tout à fait illégale. La façon dont certains témoins deviennent soudain amnésiques en dit long sur la méfiance du pouvoir du citoyen ordinaire en France.
Et dire qu’il se croit en démocratie, ou plutôt que les mariolles qui sont au pouvoir tentent de le lui faire croire par l’intermédiaire de médias complaisants !
Le mensonge « nécessaire », le mensonge d’Etat, le mensonge politique sont des pratiques courantes des hommes de pouvoir ! On persuade les autres de sa sincérité, alors qu’on sait bien qu’on ment ! Comment peut-on appliquer une morale aux autres qu’on sait bien ne pas pouvoir appliquer à soi-même, sans risquer de perdre l’emploi élevé qu’on occupe ?
Idem le citoyen fait semblant de croire le mensonge officiel, alors que les témoignages entre les lignes, qui sont au plus près de la vérité, disent le contraire !
Que vaut encore la parole d’un homme politique ?
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1. « Tuer » à l’infinitif en référence à un meurtre non élucidé. La victime ou son meurtrier avait écrit avec du sang « Omar m’a tuer ». Le jardinier avait été condamné, puis gracié pour ce meurtre, qu’il a toujours nié.

Commentaires

Je puis effectivement prouver que la juge Ancia a fait preuve d'un courage extraordinaire dans cette affaire dont je me suis occupé depuis l'assassinat. Ce que je peux dire aussi, c'est que la justice liégeoise n'a subi aucune pression politique (sans quoi il n'y aurait jamais eu ni affaire Agusta, ni affaire Smap) et que si l'affaire a mis autant de temps à être résolue, c'est uniquement dû à la guerre des services de police (PJ contre gendarmerie). C'était en quelque sorte le même problème que ce qui s'est passé avec Dutroux. Similitudes des deux affaires: les assassins de Cools étaient connus dès septembre de la même année, et Dutroux était sous surveillance et connu pour pédophilie de la gendarmerie bien avant les enlèvements de Tournai et de Bertrix. Quant à tout ce qu'on a pu dire et écrire sur ces affaires, il fallait bien que la presse alimente les rumeurs pour vendre ses gazettes ou faire de l'audimat. Et là, crois-moi, je sais de quoi je parle. C'est d'ailleurs parce que j'ai toujours refusé d'entrer dans ce jeu, et d'écrire n'importe quoi et que j'ai toujours tenu tête au redac-chef que j'ai été viré (prépensionné d'office) en 2000). C'est bien de ta part de rendre hommage à Véronique Ancia.

Mon cher Tounet,
Qu'il me soit permis de rendre hommage aussi à des journalistes courageux en cette affaire et en d'autres aussi. Je sais que tu en fais partie. En même temps, un coup de chapeau au passage aux journalistes Davet et Lhomme du journal "Le Monde" pour ce livre dénonciateur des pratiques politiques des gens de pouvoir en France.

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