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La fatale gaîté.

Même dans sa danse macabre, Saint-Saëns mit des intentions comiques.
La volonté comique ou l’art de triompher de l’adversité est une règle qui anime l’ensemble de la classe politique belge, à la tête d’un pays engagé dans un processus de déconfiture jamais vu depuis 1830.
Quelqu’un a résumé ce genre d’état psychologique qui travaille l’opinion à tous les niveaux pour exorciser du malheur : nous rendre gais. « Avant, la situation n’était pas bonne. Aujourd’hui, elle est pire, mais ce n’est pas grave ».
Il existe des contestataires de toute sorte. La contestation est partout. La contestation de Benoît Cerexhe, CDH, est euphorisante. Sa spécialité, c’est la contestation de la contestation. Un must pour un avocat, tellement doué, qu’il ne pouvait qu’être ministre.
Quand Emmanuel De Bock, FDF, voit une faillite toutes les 4 h en Belgique, Benoît Cerexhe voit une nouvelle entreprise, toutes les 52 minutes.
Le nouveau must est tout trouvé : tout va bien, puisque si ça ne va pas pile, cela va au moins face. La voilà sortant du lointain passé, la politique. C’est Janus !
Si l’on y songe bien, tout n’est qu’une manière de comprendre les faits, afin de les interpréter au mieux des intérêts de qui on veut.
On en a eu une démonstration éclatante avec le départ d’Yves Leterme. Voilà un type qui n’a cessé de démissionner, puis de revenir. Pendant son mandat la situation s’est tellement détériorée, que les libéraux flamands ont fichu le camp, si bien qu’à la suite du couac général, ces messieurs se sont payé 351 jours de parlotes.
Et voilà qu’on lui fait un triomphe à son départ, cette fois définitif. Les députés debout l’applaudissent !
On devine qu’en applaudissant Leterme, les députés s’applaudissaient eux-mêmes, tout étonnés d’être encore là, sans élection, un véritable prodige…
La somme des échecs que représente cette législature est si considérable qu’aucun d’entre ceux qui ont commis des fautes n’est capable de les assumer. Eh bien !, selon la nouvelle formule, ce n’est pas grave. Au contraire, Laurette Onkelinx le dit des yeux lorsqu’elle couve son poulain d’un regard attendri : c’est merveilleux !
Que ceux qui ont contribué le plus à la faillite générale soient au plus haut dans les sondages, cela dit tout sur les techniques de communications actuelles.
En effet, cette façon de voir touche au merveilleux, c’est-à-dire à l’immatériel, quasiment au divin.

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Que dire aux électeurs à propos de la crise qui soit un antidote à la perte de substances sociales qui l’accompagne ?
Qu’il faut une pause au progrès, alors que tant de gens l’attendent toujours !
Qu’on va repartir vers de nouvelles conquêtes, alors que ce serait déjà bien de retrouver ce qu’on a perdu.
En mettant son nœud papillon du dimanche afin de concourir pour la coupe du ministre le plus chic du journal la Dernière Heure, Monsieur Di Rupo ne répondra pas à deux questions essentielles, à savoir : Qui est responsable de la crise ? Comment la faire payer par les responsables ?
Comment va-t-on joindre les élections de la prochaine législature, sans répondre à cela, sinon en vaporisant sur les désastres le plus futile des discours, les plus inutiles gesticulations.
C’est en répondant à De Bock que Cerexhe montre la voie. La bataille des chiffres est un exercice salutaire. Il suffit de balancer à ceux qui s’interrogent sur le bien fondé d’une politique, une avalanche de données contradictoires pour sortir de toutes les difficultés.
Ce n’est que le soir en rentrant chez lui, que l’homme de la rue est désabusé devant la réalité de sa situation. Il s’aperçoit au désastre de son propre bilan, que le bilan général l’est encore plus, et que ceux qui ont la charge de le défendre, défendent avant tout une position qui est loin de refléter la sienne.
Mais, c’est trop tard. Trop d’éléments lui somment d’être gai. Les gazettes, les jeux, la télé, les concours. Tout concourt à le distraire de lui-même. Il finira par applaudir ceux qui l’appauvrissent !
La gaieté officielle aura été fatale aux pauvres gens.

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