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Vieil Elbeuf et Anonymous.

Ce devrait être une loi de la physique universelle, une sorte de règle générale dont chacun observerait la pertinence comme le mouvement des planètes : « plus le système économique est mis en difficulté par ses propres échecs, plus il a tendance à rejeter les critiques ». Et on pourrait ajouter ce qui suit, après un temps de réflexion : « plus il s’entoure de complaisants qui le flattent et le confortent dans ses erreurs ».
La Belgique est le terrain expérimental par excellence de ce qui précède.
On peut en vérifier le bien-fondé à l’occasion de la grève générale de ce lundi.
Les médias s’accordent avec les partis (si l’on excepte l’extrême gauche) sur un grand principe qui est l’existence pérenne du système économique et financier tel que nous le voyons fonctionner depuis près de deux siècles sur les mêmes principes. Les protagonistes de tout discours sur l’économie et la politique ne sont en désaccord entre eux, que sur les modalités d’application des règles de ces deux fondements du système.
Entre les partisans de Bart De Wever et ceux d’Elio Di Rupo, il y a un vrai consensus sur la manière d’organiser une société qui existe depuis deux cents ans. Seule change la manière de conduire les peuples, en vertu de la modernisation des techniques et du rapport de force des acteurs en présence. Les règles économique et politique ne changent pas.
Par conséquent, les débats, les confrontations, l’opinion des gazettes, sont à quelques nuances près d’une grande uniformité.
C’est la raison pour laquelle le public est de plus en plus réticent à écouter les joutes oratoires des avocats qui nous dirigent. Les robins défroqués sont tous d’accord sur le fond.
Ils ne pourraient tenir un véritable discours d’opposition sans être rejetés par le système. Ils seraient interdits sans délais d’antenne et de parti. Ils ne trouveraient refuge que sur Internet et/ou dans un parti d’extrême gauche, c’est-à-dire rejetés et minoritaires, ou dans une contestation dilettante, des gens n’ayant nul besoin de gagner le pain quotidien chez autrui, rentiers ou retraités.
Les rares personnalités qui se sont marginalisées volontairement et ayant acquis une certaine notoriété, sont des enseignants ou des prix Nobel.
Ce constat a pu se vérifier dimanche aux débats de midi sur les deux chaînes belges de télévision (1).On imagine ainsi l’impact de la crise sur la modification progressive du statut des plus faibles, souvent à notre corps défendant, sans que personne n’en récuse la pertinence.
Sans être fin psychologue, on voit poindre des modifications du système mis en difficulté et qui se raidit : la bienveillance fait place à la surveillance, la cohabitation pacifique à l’intolérance (lois linguistiques, accueils des étrangers), le voisinage à l’espionnage (la délation devient une vertu civique).

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Se dessinent la coercition policière et informatique à la place des libertés civiles et citoyennes. Par le réflexe de l’oncle Baudu du « Vieil Elbeuf », dans le roman prémonitoire de Zola, « Au bonheur des dames », le système capitaliste (puisqu’il faut bien l’appeler par son nom) a la même réaction d’autoprotection à l’égard des peuples, que Baudu, à l’égard des siens et de la société marchande et boutiquière.
Le temps n’est pas éloigné où quiconque tirera des plans sur la comète, aura des chances de se voir suspecter d’atteinte à la sûreté de l’Etat.
Toute pensée extérieure, à ce que le gros du public considère comme la norme, sera considérée comme « terroriste ».
On voit déjà très bien la façon dont Maroy, Gadisseux et Demoulin écartent l’originalité et le subversif dans les joutes verbales du dimanche. Ces oiseaux-là n’ignorent pas que le discours politique construit l’imaginaire des gens.
Ils aident à faire passer le public pour naïf et inapproprié, face à des avocats, pantouflant dans les studios et plus à l’aise dans leurs exposés, que dans leurs résultats.
Qu’est-ce que l’association Anonymous, sinon une forme de résistance indispensable pour les temps qui s’annoncent ?
Qu’est-ce que l’antagonisme de façade de Bart De Wever et Elio Di Rupo, sinon une diversion afin de masquer les connivences ?
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1. Même les syndicalistes admettent la pertinence du système.

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