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La machine du machin.

Si la machine rend des services incomparables et évite des travaux manuels extrêmement pénibles, elle acquiert par son usage intensif de production une redoutable fonction qui est de décerveler l’homme chargé de son fonctionnement.
Nous sommes à l’ère de l’homme-machine.
Une relation « philo-génétique » entre l’homme et la machine est impossible dans le cadre d’une production répétée et en continu. Une machine de haute production n’est pas de la même nature que l’usage, par exemple, d’un microscope électronique qui ne suppose pas une production d’objet, mais relève d’une analyse à caractère scientifique de l’utilisateur.
Cette société de consommation est la première au monde à vouloir faire un principe de production dans l’interprétation mécaniste des comportements humains.
Tous les systèmes, qui ont compartimenté les productions et dédié au travail somnambulique des générations de travailleurs, ont échoué.
C’est d’autant plus grave lorsque ces systèmes camouflent sous des concepts moraux, une attitude scandaleusement esclavagiste.
Vouloir cadencer le comportement d’entreprise à huit heures de travail et parfois davantage, selon des critères établis en général par ceux qui ne sont pas astreints à des productions intensives, relève d’un délire bien anglo-saxon ou une façon du protestantisme contemporain de faire aimer au nom de la Nation, ce qui est haïssable en tant que personne humaine.
Les comportements humains ne peuvent s’expliquer de façon mécanique.
Le déterminisme mécaniste des sciences béhavioristes voudrait réduire l’homme à n’être qu’une machine. Ceci n’est possible qu’au prix d’une réduction de l’homme à l’animalité domestiquée.
Comme on ne change pas un tigre en chien de garde ; il est criminel de tenter de domestiquer l’homme. C’est pourtant à ça que nos sociétés s’emploient.

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Nos réactions ne sont pas prédéterminées, nous ne sommes pas des machines. L’homme est toujours en devenir. Il se crée et se recrée au gré des circonstances. Une usine ou un bureau où l’on n’attend de lui que des gestes de circonstances ou des fonctions intellectuelles réduites à un travail requis, se veut avant tout destructrice de ce qui fait que l’homme n’est pas un animal domestique.
L’usine ou le bureau n’est pas le milieu naturel à l’homme. Par commodité pour des productions en série, les entrepreneurs ont inventé un milieu dénaturé. Poussé par la nécessité, le travailleur a accepté ces contraintes. C’est la recherche de la perfectibilité dans un but lucratif, qui a conduit les exploiteurs à l’empêcher de « s’inventer lui-même. »
Assez curieusement, le système économique a déteint sur le système politique dans nos démocraties supposées. Ce n’est plus la masse qui asservit ses mandataires à ses idées, mais les mandataires qui l’asservissent aux leurs.
Sans courroie de transmission entre le décideur et le producteur dans l’entreprise, de même, il n’y a pas de va-et-vient entre les élus et les électeurs. Sinon, on s’en apercevrait.
Rien n’est joué. Tout n’est pas circonscrit dans une vie aux feuilles de paie, aux périodes de chômage, et à la retraite « bien méritée ». Si la vie n’est que cela, c’est nier la condition d’homme libre. C’est entrer dans le système.
Bachelard assurait que dans l’homme « rien n’est donné, tout est construit ». Le tout, c’est de pouvoir se construire soi-même à partir de critères personnels et non pas depuis les a priori dénoncés par Bourdieu, de la société capitaliste.
Si c’est dans la condition de l’homme de créer l’image qu’il veut de soi, ce serait peut-être l’occasion de réfléchir au devenir de cette société artificielle et contradictoire, s’essayant à robotiser le plus clair de la population pour le bénéfice de quelques-uns.
Si l’homme est perfectible parce que c’est un être libre, à fortiori il peut aussi construire et déconstruire son environnement.
S’il a inventé des techniques pour survivre, il peut inventer des façons différentes de conduire les techniques à d’autres fins, plus en rapport à un humanisme éclairé et solidaire.

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