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Afflictio.

Villepinte est une belle illustration de la stratégie du court-terme. A l’occasion de l’élection présidentielle la futilité atteint son paroxysme.
Les politiques belges ne sont pas en reste de la gesticulation à la française.
L’exemple immédiat et d’actualité est l’attitude des politiques devant la tragédie de l’accident en Suisse de ce car ramenant des enfants d’une classe de neige.
Bien sûr, c’est un drame sans nom ! La perte d’un enfant dans n’importe quelle condition est l’événement le plus grave que l’on puisse connaître.
Vingt-huit morts dont vingt-deux enfants, ce n’est pas ordinaire. Et justement parce que cela ne l’est pas, déclenche une avalanche de superlatifs et une obligation des politiques de s’y faire voir et d’ajouter aux propos navrés, le convenu des leurs.
C’est dans la posture de l’affliction que le politique est le moins contestable. Qui aurait le front de les suspecter de se servir d’un événement de cette nature, se trouverait immédiatement en désaccord avec une opinion publique furieuse et incrédule.
Scarron ose cet octosyllabe « N’est-ce pas par ambition / Que tu feins de l’affliction ».
S’il n’y avait eu que la mort d’un seul enfant, à peine y aurait-on consacré dix lignes en troisième page du journal. Cependant, la tragédie aurait été la même, absolue, mais seulement pour quelques personnes tout au plus.
C’est le nombre qui frappe, plus que la chose en elle-même.
L’attitude qui épouse l’opinion donne un lustre à la recension des personnalités qui « compatissent ». Les voilà qui réclament un avion tout de suite afin d’engorger les lieux du drame de leur présence superflue, retardant parfois dans leur voyage, ceux dont c’est l’impératif humain de s’enquérir sur place des circonstances du drame. Cette attitude est autrement moins nécessaire que celle qui aurait consisté avant le drame, de privilégier le voyage en train, beaucoup moins dangereux et abandonné parce que trop coûteux. Ensuite, de faire scrupuleusement l’avantage ou le désavantage de cette surenchère d’école à école, des voyages « qui forment la jeunesse » et qui ne sont en réalité qu’une vitrine à catalogues pour les vacances suivantes. Autre chose est le voyage culturel, par définition pédagogique.
Le politique n’est que cela : un homme de la montre et de l’après désastre.
Ils ont fait de la petite phrase ou d’un tweet assassin, l’amusement ou le recueillement des foules, l’intérêt des médias. Les coups de com’ vont si loin, les politiques sont si décriés, qu’on ne peut s’empêcher de se demander si l’attroupement autour des victimes relève du compassionnel ou du promotionnel ?
La démocratie a bénéficié jusqu’à nouvel ordre d’une chance extraordinaire. Elle n’est plus contestée. Même Bachar El Assad se dit démocrate ! En elle perdure un paradoxe qui saute aux yeux : la vérité politique n’est pas la vérité électorale. De Sierre dans le Valais à Villepinte, le comportement des politiques est le même. On ne traduit pas l’empathie par des minutes de silence et des paroles habituelles, ni par des discours enflammés sur un avenir chimérique, mais par l’amour qu’on a des gens, amour qui n’attend pas un drame pour être. Malheureusement, le véritable intérêt, la peine sincère, le désir de changer la cruauté du monde moderne, ne se conjuguent pas avec le verbe élire.

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Cet antagonisme conduit au constat de défiance envers le politique. Celui-ci est obsédé par la conquête et la conservation du pouvoir, délaissant la raison essentielle de son action qui devrait être : comment traduire par des faits concrets, le pouvoir temporaire qu’on m’a donné?
De Sierre à Villepinte – et je sais que ce parallélisme peut choquer – on privilégie une communication d’images. Pour l’un on associe tous les Belges à un deuil national, pour l’autre, on associe tous les Français à des engagements de théâtre. Rien ne sera fait et rien n’est possible d’une vision prospective, qui n’est pour l’un et l’autre cas que l’aveu d’impuissance d’une politique du long terme.
C’est ainsi que le citoyen n’a droit qu’à une communication d’image sans commune mesure avec ce qu’elle aurait dû être si elle avait été une communication d’idées.
Sans consistance, un programme court et électoraliste génère une profonde déception. C’est la désillusion qui guette.
C’est tellement vrai, qu’à l’heure où la pensée devrait s’élever et songer à l’humaine et frêle nature, comme le fit François de Malherbe, dans ses Stances, pour la consolation à M. du Perrier sur la mort de sa fille, on ne peut s’empêcher de suspecter de duplicité, ceux qui sont censés nous représenter afin d’exprimer à la douleur des parents, des paroles de consolation qui fussent vraiment du cœur.

Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle ?
Et les tristes discours
Que te met en l’esprit l’amitié paternelle
L’augmenteront toujours ?

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,
Est-ce quelque dédale où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

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