« Vieux fer ! | Accueil | Frémissement de gauche ce 18 mars. »

Médiatisation et grigris.

La littérature nous a légué quelques portraits de bonne.
Augustine et Mariette chez les Renard, venues à Paris de leur campagne, plus ou moins vite « gâtées » par la vie parisienne.
Félicité d’Un cœur simple, d’une nouvelle parue dans Trois contes de Flaubert : « Elle fait la cuisine et le ménage, coud, lave, repasse, bride un cheval, engraisse les volailles et bat le beurre ». De Balzac, la grande Nanon est une vieille fille, qui a travaillé pendant 35 ans chez les Grandet « …elle les servait et leur obéissait fidèlement et docilement comme un chien ».
Toutes, enfin, c’est une noria d’enfants pauvres qu’on place dès les douze ans, levées à l’aube et travaillant jusqu’au soir sans interruption, mal logées et mal nourries, vieillissant au service des maîtres et mises à la rue, quand elles deviennent incapables d’assumer les multiples tâches du service, vieilles ou engrossées.
A ce régime, les petites bonnes perdaient leur santé. Elles y perdaient même la vie, à force de sacrifice et de mauvais traitement, comme Pierrette, roman fort peu lu aujourd’hui de Balzac tiré de son œuvre « La comédie humaine ».
Les jeunes garçons n’étaient pas mieux traités : Gavroche de Hugo, tandis que Zola décrit la situation dramatique des enfants d’ouvriers dans les mines du Nord. Ce n’était pas encore le gouvernement qui réclamait des diminutions de salaire dissimulées sous des taxes, mais les patrons : « A l’occasion d’une grève, la Compagnie des Mines adopte une position très dure et refuse toute négociation. » (Germinal).
J’ai un aïeul qui descendit à l’âge de neuf ans dans le fond du puits Marie. C’était à Seraing vers 1895. J’en atteste par la conservation de sa lampe, qui porte le numéro 52.
Cette brutalité, envers une enfance dont le malheur était de n’être pas riche, s’organisait au nom du travail « qui apporte la dignité aux travailleurs », argument qui cachait en réalité une férocité en affaire de la bourgeoisie, de mèche avec l’appareil politique, formant ainsi une caste de notables, avec les porteurs de sabre et les curés.
Pour en venir à 2012, les vampires qui ont fracassé des vies, broyés de jeunes illusions, croyez-vous qu’ils se soient assagis ? Ne vivent-ils pas dans l’attitude de leurs descendants ? Ne sont-ils pas au-dessus du panier les premiers à imaginer des lois !

31m00.jpg

A bien chercher, il n’y a pas que dans les pays du tiers monde, qu’on tue l’humain dans sa jeunesse. On pourrait lire des textes anciens et mettre dessus des noms d’aujourd’hui. En Europe, en Belgique, cette exploitation perdure, même si les lois sont faites pour en limiter les effets sur la jeunesse.
Nous savons très bien qu’une marchandise manufacturée en Chine, en Inde, en Afrique ou en Amérique du Sud, quand nous l’achetons à un prix très en-dessous de ce que cela coûterait en Belgique, nous nous rendons peut-être complices de l’exploitation d’un enfant. Nous ne le fracassons pas contre un mur, mais nous acceptons qu’il perde un doigt, une main, qu’il arrive à l’âge adulte illettré, parfois estropié, toujours sali, abruti, perdu…
Combien de fausses larmes versées, de désespoirs simulés dans des drames qui touchent tragiquement à l’enfance, lorsque ceux-ci sont zoomés sur grand écran ?
Et quelle escalade, quand de cette exploitation là, nous passons à la guerre !
Il n’est pas normal que nos responsables de première grandeur jouent les maîtres de cérémonie dans le drame de l’autocar en Suisse. C’est un peu comme si un Dutroux, libéré, venait à s’inscrire dans une œuvre pour la jeunesse.
Le tour officiel qu’est en train de prendre cet accident de la route est de la nature d’un tsunami protocolaire, et d’un ridicule achevé.
L’intimité des parents, des enfants et des proches dans ce déferlement est tout à fait compromis. Il y aurait même eu des journalistes déguisés en infirmières et médecins essayant d’approcher les enfants hospitalisés.
C’est proprement inimaginable cette ferveur excessive et suspecte, dégénérant en une obsession de l’étalement des cérémonies comme d’un exorcisme. Cette insistance d’une information répétée comme une antienne et qui tiendrait en trois lignes, a quelque chose d’indécent.
Voilà qu’on lance des ballonnets dans le ciel contre les accidents de la route !
Si au moins cette nouvelle ferveur dans la croisade contre le malheur pouvait au moins faire que l’enseignement des enfants des quartiers difficiles fût renforcé, de nature à ce qu’il n’y ait plus de discrimination dans l’étude et la connaissance ; si enfin, les grands détenteurs de la célébration nationale de la douleur regrettaient publiquement que leurs aïeux aient voulu assassiner le mien, et combien d’autres avec lui ?… ces célébrations macabres auraient évidemment un autre sens et une autre portée.

Commentaires

Sur le contenu, dans sa totalité, je suis absolument d'accord avec votre raisonnement, il n' y a pas encore longtemps, j'ai relu, non Balzac, ni Hugo, mais simplement Lafargue et son "Le droit à la paresse" et pour ce qui est de la pression médiatique, là aussi, c'est bien pire que de l'indécence, c'est tout simplement insupportable et pour ce qui concerne les "avocats", je suis d'accord aussi avec vos propos..avec une nuance, un peu trop excessif quand même..
Mais je répète ce que je vous ai déjà écrit quelques fois, vous êtes un grand humaniste.
Très humblement, un conseil n'allumez pas votre téléviseur ce dimanche matin..si vous ne voulez pas vous rendre malade.
Bon dimanche mon cher Duc..

Poster un commentaire