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L’éditorialiste-en-chef y va de son petit couplet philosophique, dans le journal « le Soir » à propos du décès de Stéphane Hessel.
Tout tient dans le premier paragraphe de la charmante : « L’indifférence, c’est la mort du cœur. » C’est cette chose, si essentielle, qu’un vieil homme, au bord de sa vie, nous a rappelée. Par la modeste vertu de ce qui reste le meilleur véhicule des idées simples mais fortes, qu’on veut partager avec le plus grand nombre : un opuscule de quelques pages, qu’on pouvait se passer sous le manteau, photocopier, télécharger, lire d’un jet, pour mieux et plus vite, passer à l’acte. »
Pour une presse en perpétuelle indifférence, c’est assez gonflé. Comment peut-on admirer un tyran et Vincent de Paul à la fois, un chevillard et un fervent de François d’Assise ? On ne peut pas se poser la question et se contenter du chant des oiseaux, une fois par an, sous les yeuses du mont Subasio. Il faut faire des choix. Il faut passer à l’acte !
En n’éclairant pas le lecteur, tout en cherchant à l’attacher à la lecture du journal, ce qui n’est pas incompatible, loin de passer à l’acte, on étouffe toute velléité de réfléchir dans le domaine politique et dans le domaine moral.
Les journaux belges en sont là.
Ce n’est pas le seul « Soir » responsable, mais à la différence d’époques plus terribles comme celle que connurent les gens du XIXme siècle, il y a une sorte de frilosité générale et un rapprochement de la presse, du pouvoir – au point d’y coller - pourvu que ce dernier se réclame de l’économie que nous connaissons dans sa phase ultime d’une mondialisation capitaliste.
C’est probablement la compromission avec le pouvoir économique, dont voulait parler Stéphane Hessel, quand il disait que s’indigner n’était pas suffisant et qu’il fallait après cette indignation salutaire, passer à l’acte. Dans les tous derniers mois de sa vie, il s’était, du reste, fortement rapproché d’Olivier Besancenot (1).

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Cette chère Béa s’empresse de citer son collègue Yvon Toussaint qui s’était fendu d’une chronique, il y a deux ans sur le phénomène Hessel. Cette citation serait bénigne, si elle n’était prolongée par une autre : « Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik n’a pas tort de considérer que l’indignation peut être “le premier temps d’un engagement aveugle”, mais qu’il faut aussi, en un deuxième temps, nous demander de raisonner et non de nous indigner. »
Nous voilà bien avancés ! S’il faut s’indigner et ensuite passer à l’acte, Béa, Yvon et les autres craignent un engagement aveugle, en changeant, de peur de tomber dans un ordre qui serait source de désordre.
Cela s’appelle de l’immobilisme et c’est trahir la pensée de Hessel de prétendre qu’il faut se méfier de sa spontanéité dans n’importe quel cas de figure.
C’est le fameux « il faut raison garder ». Quand quelqu’un se noie dans l’eau d’une rivière et que vous êtes sur la berge, faut-il raison garder jusqu’à ce que la personne en difficulté se noie, ou se jeter à l’eau et tenter de la secourir ?
Dans certaines circonstances, il n'est pas possible de n'écouter que la raison.
Puisqu’on en est déjà à l’interprétation de la pensée du disparu, je crois savoir qu’il aurait souhaité que l’on s’engageât davantage dans la critique et la contestation d’un système qui ne remplit plus les fonctions morales et citoyennes, quitte même à se tromper et à redéfinir sa position, mais BOUGER dans une perspective d’action contestataire.
Je ne pense pas que la critique de Béatrice Delvaux du « populiste » Grillo soit de nature à satisfaire à l’éthique selon Hessel. Certes, c’est un clown, certes il est le produit du star system, mais de la même manière que nos élus qui l’ont été parce que c’étaient des personnes de radio ou de télévision et dont Béatrice Delvaux se garde de dire qu’ils sont les produits du populisme de leur parti.
Ce qui est respectable et ce que Béatrice Delvaux ne respecte pas, c’est la critique que Grillo fait d’un système qui ne l’est plus. Or, en l’accablant de populisme, sans en avoir défini le sens dans le cadre des élections italiennes, elle condamne avant tout Grillo, en vertu de son immobilisme à elle !
Elle fait même mieux, se trompant de cible, elle classe Grillo dans les ennemis d’un monde meilleur, libérant de tout soupçon ceux que Grillo critique.
Autrement dit, Madame Delvaux n’est pas l’exemple de courage qu’aurait choisi Stéphane Hessel.
Bien sûr, l’action fait commettre des erreurs. Hessel s’est trompé plus d’une fois. Il en a convenu et c’est tout son mérite, notamment d’avoir soutenu Hollande. Il est vrai que c’était pour se défaire de Sarkozy.
Mais, il a toujours considéré que la seule finalité de l’économie, c’était de promouvoir le progrès social.
Béatrice Delvaux ferait bien de s’en souvenir. Quoique sa position n’est pas facile, face à des patrons de presse qui font noircir du papier, rien que pour faire du fric.
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1. Elle cite « Jules et Jim » pour l’identification de l’enfant Hessel. Pour terminer la parabole, il manque Olivier Besancenot, plusieurs fois cité par le vieil homme en fin de vie. Allons, Madame Delvaux, informez vos lecteurs !

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