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Les Vieux à la ca(i)sse.

Pour une fois le slogan des bus « Le TEC ça nous rapproche » est exact. Ils étaient tellement rapprochés les vieux place Saint-Lambert au guichet de ladite société, qu’on aurait dit un amoncellement de corps après un exode.
Dans l’étouffoir de la salle en contrebas du niveau de la place, pas une plainte, pas un râle contre l’administration et ce monde absurde qui après avoir offert la gratuité de transport aux plus de 65 ans, revient sur sa décision et réclame 36 euros à chacun d’entre eux. Au contraire, la ruche, à croire qu’à force de monter et descendre des brinquebalantes machines, tout le monde se connaît !
Comme les autres sociétés de transport régionales en font autant, il en coûtera plus de 150 € à celles et ceux qui souhaiteraient circuler comme avant sur l’ensemble des réseaux du pays, sans oublier les démarches à Bruxelles et en Flandre.
Pour les VIPO, c’est gratuit tiendront à dire les quelques rares socialistes que les personnes âgées intéressent encore hors des périodes électorales.
C’est oublier qu’un pensionné peut n’être pas VIPO à vingt euros près de pension perçue. Et comme le gros des pensionnés n’est pas très éloigné de la limite, ce n’est pas rien de payer à Liège, à Bruxelles et en Flandre pour un service qui était gratuit et qui ne l’est plus d’une année à l’autre.
Je suppose que la pagaille, le tumulte et l’attente d’au moins une bonne heure dans les bureaux du TEC vont encore durer un moment, que les photomatons cracheront jusqu’à l’heure de fermeture de chaque jour ouvrable des photos sur lesquelles personne ne se reconnaît et que nul ne se souciera des anciens qui entrent et qui sortent à jets ininterrompus, la photo à la main, la carte d’identité à portée et une certaine angoisse qu’on a, à partir d’un âge où tout se brouille et se complique.
Comme je parie, qu’il n’y aura aucune signature de journaliste au bas d’un article sur cette affaire d’abonnement et qu’elle passera complètement inaperçue, comme une chose sans importance. En effet, pas une ligne nulle part, d’une presse qui a autre chose à faire…
Probablement, il se trouvera quelques cyniques à la direction des TEC pour regretter qu’on n’ait pas mis l’abonnement à cent euros, compte tenu du succès et du panurgisme des vieux. Nul doute que l’année prochaine on y songera.
Les autorités doivent se dire, c’est facile de supprimer un droit. Il y a plein de pognons à se faire chez ces gens là. Ils sont de la génération qui a chômé modérément, ils ont des bas de laine. La preuve, ce sont les principaux clients des agences de voyage.

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N’y a-t-il pas plus grave que ce modeste droit perdu ? Par exemple, perdre un emploi, être expulsé d’un logement, etc.
C’est certain, il y a toujours pire, plus désastreux. Mais quoi, de ministre à SDF, il y a toute une série de toboggan pour mener de la gloire à la déchéance, est-ce une raison pour tourner le dos à un malheur intermédiaire, qu’est la perte d’un droit acquis ?
Personne ne se demande la raison pour laquelle ce droit est perdu. Pourtant, c’est bien simple : la société régresse. Elle va régresser encore quelques temps, jusqu’à ce qu’elle bascule dans le pire. Syndicats et partis dits de gauche, en sont-ils conscients ?
Il est vrai que vue sous cet angle, la démocratie est une bonne mère facile à satisfaire, tant qu’on enlève du beurre des tartines des plus vulnérables, sans qu’ils ne disent rien.
La grande passivité et la relative fatalité des vieux proviennent aussi bien du relâchement des corps, que des esprits, même si des affiches disent le contraire.
Mais ce qui est surtout le signe d’une dégénérescence de toute la pyramide des âges, c’est surtout l’indifférence profonde des générations entre elles.
C’est une société qui se disloque par manque d’affect.
Ce n’est même plus tellement par tranche d’âge qu’on se fait la gueule, c’est l’antagonisme croissant des individus entre eux, tout âge confondu.
La confrontation d’individu à individu est quasiment générale, dans les entreprises, dans la rue, dans la famille. C’est que dès l’école, on apprend aux jeunes la bataille personnelle pour un arrivisme « fécondant ». Elle sacre l’homme qui a remporté la victoire de l’emploi et méprise celui qui a perdu la bataille.
La génération qui vient sera peut-être celle qui tempérera la dureté du système économique et en terminera avec des absurdités et des gâchis. En attendant l’âge d’or, tant qu’elle n’aura pas réconcilié les hommes avec la solidarité, tous ses efforts seront vains.
Et l’entassement des vieux dans un sous-sol place Saint-Lambert en 2014, 2015, 2016, etc. se fera dans l’indifférence générale des guichetiers, de l’administration et des passants. Tout au plus relèvera-t-on que c’était nécessaire.
Il s’en trouvera même parmi les vieux qui trouveront cela très bien, se persuaderont qu’ils contribuent au redressement économique du pays. Certains se seront divertis lors de ces heures d’attente. Ils n’avaient plus parlé à personne depuis six mois.
On ne sera pas loin du complexe de Stockholm.

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