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En avant la zizique.

Retour aux grandes manœuvres autour du déploiement numérique.
Il faut voir le match Moreau contre Marchant comme un jeu de chaises musicales. Il ne reste plus qu’une chaise et les deux leaders tournent autour.
Sauf miracle, la presse papier est sur la pente fatale depuis le siècle dernier. La glissade coïncide avec la fin des imprimeries. On aura beau mettre en avant les nouveaux supports, les tablettes, les journaux en ligne, le déclin de l’écrit s’inscrit dans le futur d’une société dans laquelle les gens à peine sortis des écoles, ne lisent plus. Ils ne s’informent pas davantage en visionnant « les nouvelles » à la télé.
L’imprimerie a vécu. Seules quelques grosses rotatives impriment la Pub et les journaux, le livre et les travaux de ville ont pratiquement disparu avec les petits imprimeurs. Dix mille emplois ont été perdus depuis 1980 dans le Livre. Le restant fond comme neige au soleil.
Alors, les deux champions se disputent l’os à ronger.
L’ancien a pour lui le pouvoir d’une famille qui a tenu la forme, s’est emparée de quelques canards boiteux, a élagué au sécateur Rossel ce qui faisait perdre du fric. Elle édite encore quelques titres et boucle tant bien que mal des fins de mois à coup de suppressions de poste, de regroupement des rédactions et des matériels.
Bien entendu, les textes s’appauvrissent avec le manque d’informations originales, tandis que les fautes d’orthographe s’accumulent. Tous les correcteurs sont partis depuis plus de vingt ans.
Quand on pense que les objets de curiosité qui restent accrochés aux tables de rédaction sont sortis des écoles de formation du métier, on comprend mieux un autre déclin, celui de l’enseignement. Les belles plumes, ça cause plus que ça ne parle, fioritures de mortuaire, ça griffonne plus que ça n’écrit.
Les survivants de l’hécatombe n’ont aucune idée nouvelle, pissent dans leur froc de peur d’en avoir et de déplaire en haut lieu. Bref, ce n’est déjà plus une presse au sens et à la fonction qu’on lui attribuait jadis. Elle décervelle plutôt ce qui reste de cerveaux d’une population, comme il est dit plus haut, qui ne lit plus.

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Le playboy d’Ans a l’oreille des Loges et du parti (PS). C’est un ambitieux au demi sourire de supériorité de celui qui sait. Il ne connaît des médias que ce qui touche à la technique des câbles et il a la foi du néophyte pour les écrans, les consoles, les interfaces, Internet, etc. La Toile est son lieu de culte. Revers de la médaille, il n’est pas au courant que les gens se sont débarrassés de la corvée de lire au bénéfice de l’image. L’image, il leur en donne tous les jours. Mais comme les Loges et le PS, Moreau est de la vieille école, sous des habits neufs et un air de jeunesse.
Il ne sait pas que le papier, c’est fini, que le journalisme est moribond et qu’un auteur n’a aucune chance de se trouver un job intéressant, un éditeur à la hauteur, un patron de presse moins rapace.
Alors Marchant et Moreau s’observent. Si c’est Marchant qui gagne, c’est toute la bourgeoisie d’ancien régime qui respire et s’octroie un peu de répit, quelques millions à étouffer et à placer, et puis basta, les anciens iront jusqu’au bout exposer leurs vieilles burnes au soleil, dans les endroits chics qu’ils ont toujours fréquentés.
Si c’est Moreau, voilà les Intercommunales à la tête d’un système au crépuscule. C’est comme si l’artiste leur fourguait des hypothèques pourries comme les forbans à la clientèle des banques en 2008.
Le chouchou du PS ne pourra pas longtemps éponger ses mauvaises affaires en pompant les bénéfices du gaz et de l’électricité. Et le citoyen dans tout ça ? Ne préférerait-il pas une diminution de ses factures, plutôt que subventionner Vers l’Avenir et autres gadgets ?
Quentin Gemoets, administrateur-délégué du groupe L’Avenir, et Thierry Dupièreux, rédacteur en chef, ont, pour ainsi dire, échappés à la noyade qui s’annonçait. Moreau leur sauve la mise. Ils auraient tort de rechigner au remplacement de leur patron par le Wallon.
Quant à la ligne éditoriale claire et indépendante, on a beau lire les numéros anciens et les comparer aux nouveaux, c’est le même gâchis, la même servilité qui tire le journal vers le bas. Eux aussi ne savent pas encore que les temps ne sont plus aux textes et que l’image sautillante par l’effet de la zapette sur l’écran plat ne se nourrit plus que de la connerie qui gagne du terrain de jour en jour.
Dans le fond, n’y ont-ils pas contribué à leur manière ?
A trop vouloir infantiliser le lecteur pour en faire un électeur accommodant, ils y ont réussi.
De quoi se plaindraient-ils ?

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