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Esclave au travail.

Un pavé de 410 pages sur l’esclavage d’Olivier Grenouilleau nous en dit tout autant sur les conditions de travail d’aujourd’hui, alors que ce n’est pas le sujet du livre, que sur la condition misérable de populations décimées, vendues pour satisfaire à des nécessités économiques de main-d’œuvre.
Les quatre spécificités de l’esclavage, depuis les temps les plus reculés jusqu’à aujourd’hui (1) sont rencontrées à presque 80 % dans la définition qu’en donne la réalité des conditions de travail et de l’assujettissement du travailleur à son employeur, qui font l'un esclave de l'autre.
Qu’on en juge.
L’esclave est un humain qui est transformé en un être radicalement autre de ce qu’il aurait dû être, à la suite d’une agression le plaçant dans une situation de désocialisation, de déculturation et de dépersonnalisation, l’excluant de toute parenté avec ses pères et mères et ses enfants.
Le travailleur est transformé pour les besoins d’un métier, de nos jours très parcellisé, fragmenté, réduit à quelques gestes sur des chaînes de montage, ou abstrait de la suite logique d’un travail de bureau paperassier, par un apprentissage plus ou moins abrutissant à l’école d’abord, sur le tas ensuite.
Il œuvre parfois loin de son domicile et à des horaires qu’ils ne contrôlent pas dans la plupart des cas. Le voilà désocialisé, déculturé, dépersonnalisé en moins de deux. D’humain, il devient énergumène. Il paraît qu’on peut très bien fonder une famille comme ça.
L’esclave est possédé par son maître.
Le travailleur ne s’approprie pas la propre gestion de son travail. Il est dépendant des horaires et il n’est pas dans son intérêt de refuser de prester des heures supplémentaires, s’il lui est commandé d’en faire. Il est sous la responsabilité et commandé par autrui, substitut de son patron ou le patron lui-même, sans la possibilité de s’en abstraire que par quelques subterfuges. Il est sous la menace constante de sanctions.
L’utilité universelle de l’esclave couvre des tâches les plus ingrates et déshonorantes, aux plus hautes fonctions.
Le travailleur du plus humble au plus gratifié est à la base de la prospérité universelle. Sans le travailleur, les riches ne sont rien, la finance brasse un tas de papier sans intérêt, le monde retourne à l’état sauvage.

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L’esclave voit son humanité mise en sursis.
C’est ce qui est en train de se produire dans l’effondrement des valeurs humaines par la séparation de fait entre les riches et les pauvres, de plus en plus accentuée. La perte de l’emploi, donc la perte d’un esclavage, fait que la modernité crée une catégorie supplémentaire à l’esclave : le sous-esclave, vivant de la charité publique, parce qu’il y a trop d’esclaves, ces derniers devenant par une sorte de paradoxe des esclaves « volontaires » et satisfaits de l’être. Le chômeur est aujourd’hui comme le chien à la fourrière qui attend un maître hypothétique. A défaut, il sera gazé.
Ainsi, le système économique aura réussi à légitimer ce qui est considéré comme une perversion du passé : l’esclavage ! (2)
La condition d’esclave était stigmatisée dans les prémices de la « civilisation » industrielle, par la révolte dans les mines et dans les fabriques.
Nous acceptons le joug aujourd’hui avec résignation et pratiquement sans révolte. Jusqu’à quand ? Car, il est dans la nature du maître de faire produire davantage l’esclave, jusqu’au-delà de ses forces.
Le travailleur moderne, esclave sans le savoir, mais quand il le saura…
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1. 276 lycéennes ont été enlevées au Nigéria le 14 avril dans leur dortoir, par le groupe islamiste Boko Haram dans le but d’être vendues et mariées de force.
2. L’effondrement de l’immeuble Rana Plaza au Bangladesh, qui abritait des ateliers textiles, a fait le 10 mai 2013 plus de 1000 morts. Les conditions de travail y étaient effroyables. Comment ne pas faire le parallèle avec l’esclavage des temps anciens ?

Commentaires

Paul Lafargue et son livre LE DROIT A LA PARESSE dénonçait l'esclavage du travailleur .. « Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture... »

" When shit becomes valuable, the poor will be born without assholes "
Henry Miller ( 1891 - 1980 ) was right.

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