« Le droit au bonheur ! | Accueil | Adam Smith dépassé ! »

Au train où vont les choses…

Mon enfance s’est passée avec la passion des trains. Qui n’avait pas son chemin de fer démontable offert par un Saint-Nicolas venu nous apporter des jouets depuis la gare des Guillemins, débarquant lui-même d’un train de banlieue, dans la nuit du 4 au 5 décembre ?
Mon convoi était tracté par une locomotive à ressort, mais certains condisciples avaient déjà des boîtes complètes de Marklin, aux locos à moteur électrique.
Dans la vraie vie, il y avait des gares partout. Pour les trains, on avait percé des tunnels, enjambé des fleuves, raboté les pentes trop raides. Les vaches regardaient passé les convois. Les enfants étaient ravis de partir en excursion par ce moyen de locomotion, que riches et pauvres empruntaient sans façon. La lutte des classes n'avait lieu qu'aux heures d'affluence, quand on prenait d’assaut les premières toujours vides, que le contrôleur défendait mollement, jusqu’à disparaître, vaincu.
La révolution industrielle des deux siècles derniers a été possible grâce au chemin de fer. Cent ans avant l'automobile, il a transporté des matières premières, des marchandises et des personnes, bien mieux que par charretées et diligences. Il a aidé à la construction de villes nouvelles, replâtré les anciennes et unifié les territoires. Il a désenclavé les zones rurales et déversé des tonnes de légumes, des pommes de terre et des quintaux de blé dans des lieux de disette, arrêtant la famine.
Au nom d’une certaine modernité, le voilà dépecé par lots et morceaux rentables en vertu de l’efficacité économique, et mis en concurrence en Europe capitaliste.
L’écologie a beau observer qu’il est de loin le type de transport le moins polluant, qu’on n’utilise pas assez sa grande capacité à déplacer sans dommage pour l’environnement des centaines de tonnes de marchandise, de minerais ou de cailloux d’un coup, rien n’y fait. On gardera les grandes gares et les lignes qui recoupent les grandes villes, on laissera les rails rouillés ailleurs, avant de les recouvrir de bitume et d’en faire des sentiers de randonnée.
Des gares disparaissent, sont reconverties en restaurant ou en dépôt de ferraille, les gens voient ça d’un œil rond. Beaucoup s’en fichent. Ils ont des voitures.
Démanteler un service public aujourd’hui est chose facile. La Poste, c’est presque terminé, les chemins de fer, c’est pour bientôt.

1hcp1l.JPG

La technique est éprouvée. On subsidie le service, qu’on veut voir vendu à l’encan, en-dessous de ses besoins d’entretiens et d’expansion. Les usagers sont mécontents. Les gazettes les relaient complaisamment. L’Autorité fait le gros dos. Le ministre des transports finit par avancer des chiffres qui frappent l’imagination pour rendre des couleurs à un bon fonctionnement. C’est en général ce que l’État a oublié de verser pour un entretien régulier.
L’Europe, avec un JC Juncker magouilleur de première, s’empare de l’affaire et fait en sorte qu’on ne peut plus s’en sortir sans faire appel au privé.
Entretemps, on aura chauffé l’opinion sur les avantages énormes en sécurité de carrière et de pension des personnels, et le tour est joué.
C’est ce qui se passe actuellement en France. Ce sera bientôt notre tour en Belgique, en plus feutré, en moins saignant, hypocrisie à la belge, naturellement.
Les deux méthodes se valent et arriveront au même résultat : la concurrence sur le rail pour tous en 2.020.
Il paraît que c’est une question de PIB, une nécessité de rationalisation, etc. Le maillage s'est relâché, le camion va partout, le train presque plus nulle part !
Si l’Europe avait voulu vraiment servir à quelque chose de collectif, elle aurait pu se saisir des différents chemins de fer, les unifier en une seule entreprise, et ainsi économiser des milliards intelligemment.
La pollution eût baissé partout de façon conséquente par une réglementation habile : obliger le transport par camions pollueurs, à faire place au trafic du rail.
Il paraît qu’aujourd’hui la vie s’accélère et qu’avec des stocks à flux tendus, le transport ferroviaire n’est plus possible.
Nous observons la défonce des routes et les milliards que coûtent leurs réparations. Des mastodontes, au diesel puant et polluant, labourent le bitume. Voilà qu’on nous promet l’arrivée des convois à l’américaine. Des monstres de la route rouleront bientôt en Europe. Les méga-camions de soixante tonnes viennent de recevoir l'autorisation de la commission européenne de circuler. Ces poids lourds présentent des dimensions hors norme puisqu'ils peuvent mesurer jusqu'à 25,25 mètres !
On n’a pas encore chiffré les morts supplémentaires sur les routes. En attendant, pour ne pas frapper les imaginations, Édouard Philippe, en France, vient de descendre à 80 km heure au lieu de 90, la vitesse de circulation sur les routes nationales.
On n’arrête pas le progrès, la connerie non plus !

Poster un commentaire