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Du plus grand, au plus petit.

On ne saurait dire ce qui fonde l’autorité d’un ministre par rapport au peuple, si ce n’est un suffrage qui serait comme un blanc-seing accordé à quelqu’un à peine connu, voire pas du tout.
Ce n’est donc pas une valeur intrinsèque qui suppose cette autorité, mais un ensemble de parti-pris qui détermine un manque de considération de la personne de celui qui délègue, par rapport à celui qui en est le bénéficiaire.
Il y a donc un présupposé qualifiant et disqualifiant selon la fonction et la hiérarchie.
Les personnages marquants des partis, en général, ne se sont pas illustrés en-dehors de la notoriété qu’ils ont acquise en faisant de la politique : Louis et Charles Michel, Elio Di Rupo, Laurette Onkelinx, Alain Mathot, Didier Reynders, De Wever, Kriss Peeters, etc, la liste est longue d'intellectuels qui ne se sont fait un nom que lorsqu’ils sont arrivés à des postes en vue dans leur parti respectif.
Sans cet engagement, ils seraient des fonctionnaires, des avocats, des économistes bien entrés dans le bon bourgeoisisme à la belge et conduisant leurs enfants à l’école sans qu’on les reconnaisse dans la rue ou que l’État ne les assure d’une protection rapprochée.
C’est probablement une des raisons principales qui les pousse à s’entourer de personnalités qui ont presque accompli toute leur carrière dans le privé, dans les mutuelles, les professions libérales ou les syndicats et qui y ont acquis une certaine renommée.
Ce sont des prises de guerre. Ils focalisent une certaine attention, ils ont acquis par leur renommée une notoriété de meilleur aloi qu’en politique ; mais, sont-ils pour autant les garants d’une plus large ouverture, une brèche, en quelque sorte, dans cette démocratie confisquée ?
Jacques Brotchi, ce dimanche sur RTL, faisait presque pitié.
N’arrive-t-on pas par cet adoubement à des exactions plus grandes, au lieu de l’ouverture de la démocratie aux gens ?
La nomination controversée de Martin Selmayr, au poste de secrétaire général de la Commission européenne, par Jean-Claude Juncker, n’est-elle pas un bel exemple de népotisme qui illustre mes propos ?
Ceux qui pensent que cette démocratie ne fonctionne pas comme elle devrait, pourraient s’inspirer d’un « Philosophe plébéien », de Jacques Rancière (1).

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Ce que deux siècles de balbutiements en matière d’organisation de l’État nous appelons « démocratie » n’est ni un type de constitution, ni une forme de société. « Le pouvoir du peuple n’est pas celui de la population réunie, de sa majorité ou des classes laborieuses ; Il est simplement le pouvoir propre à ceux qui n’ont pas plus de titre à gouverner qu’à être gouvernés (2). »
On touche là au vrai scandale qu’il est primordial de connaître avant de rechercher la voie du progrès de la démocratie. Or, on est troublé par le refus de tout regard critique, sur la "machine" électorale. Et pour cause, leur statut et leur autorité desquels ils dépendent seraient immédiatement remis en question.
Depuis qu’ils considèrent la politique comme un métier, ils ont adopté pour leur propre compte la mentalité revendicative et une communauté d’intérêt vis-à-vis d’un employeur fictif (nous) puisqu’en réalité, ils se sont approprié nos compétences et notre pouvoir de les licencier. Ce sont eux qui fixent les règles de leurs rémunérations et les prérogatives des fonctions qu’ils exercent. Nous ne les contrôlons pas ! Ce sont eux qui nous contrôlent !
Notre type de patronat est unique au monde. Nous sommes au service de ceux que nous employons, comme si, de la sorte, nous pouvions être satisfaits !
Le fondement de la politique étant le peuple, ce dernier étant dans l’incapacité d’exercer « sa » politique, nous assistons, sans que la plupart s’en aperçoivent, au pouvoir de gouverner dans une absence de fondement.
C’est ainsi que toute majorité donnant le pouvoir absolu à celui qui le sollicite vote contre elle-même. C’est le cas en Turquie pour bientôt fin 2018, qui va réélire un type qui s’appelle Erdogan et dont nous n’avons pas fini d’entendre parler. Ce fut le cas en 1936, en Allemagne, pour un personnage d’une autre dimension.
La démocratie par délégation tend à cet arbitraire du pouvoir. Toutes les prémices d’une telle majorité sont réunies en Belgique. Nous devrions nous être aperçus depuis ces dernières législatures, que les pouvoirs, de gauche ou de droite, ont choisi l’économie contre le peuple.
Nous allons comprendre à nos dépens, dans les législatures prochaines, ce que vont nous coûter les intérêts conjugués des partis et de l’économie.
Ce sera inédit !
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1. Jacques Rancière a rassemblé dans une revue « Le Philosophe plébéien » des écrits inédits de Louis Gabriel Gauny, ouvrier parquetier et philosophe. Il s’attèle ensuite à faire connaître Joseph Jacotot qui au XIXe siècle remit radicalement en cause la pédagogie traditionnelle. Cette recherche débouchera sur une biographie philosophique qui pose le postulat de l'égalité des intelligences.
2. Jacques Rancière, « La Haine de la démocratie », p. 54.

Commentaires

Comme tout cela est vrai et comme c'est bien dit.
Ca me rappelle la citation de Woody Allen, le veilleur attentif de notre société assoupie, quand il dit avec son humour à l'acide : « La dictature, c'est ferme ta gueule, la démocratie, c'est cause toujours. »

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