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Chronique éditoriale.

L’actualité politique en Belgique offre l’occasion de réfléchir à deux aspects peu connus du marécage dans lequel baigne la démocratie, celui des têtes de gondole des partis qui ont perdu ou doivent partager le pouvoir en Wallonie, et, en Flandre, l’art de gagner ou de perdre des voix selon que l’on est au pouvoir ou pas.
Messieurs Reynders et Michel sont incertains quant à la suite de leur belle carrière. Leur ascendant et leur entregent en interne sur les « habitués » des assemblées MR sont sans effet sur les décisions des chefs d’État qui nomment à l’Europe aux postes clés, d’autant qu’un des leurs, Guy Verhofstadt, libéral flamand, se verrait bien président de quelque chose. L'Allemagne et la France n'ont pas oublié que Charles Michel a préféré l'avion de chasse américain, alors qu'il est question de bâtir un projet de défense et construire un chasseur européen, à la suite du Rafale.
Trois bouches belges à nourrir et toutes libérales en plus, cela fait beaucoup.
Cependant au-delà des caciques du parti, dont les Michel sont positivement maîtres – on a vu avec quelle facilité le petit Chastel a laissé la présidence à Charles – Reynders, sa légion d’honneur en bandoulière, est mieux en cours à Paris que son rival de toujours.
On le voit aussi par l’appel du pied pitoyable de Willy Borsus aux « amis » du PS, qu’il y a nécessité au niveau régional de sauver des emplois pour le MR. Le châtelain de Marche voit avec horreur, la cohabitation dans l’opposition avec son ancien partenaire CDH.
La triste débandade du CDH est illustrée par la photo de Jean-Denis Lejeune qui fait ses cartons au cabinet de madame Greoli. Petit subalterne d’attrape-voix, écopant pour l’incurie politique de Guy Lutgen, il paie cash la défaite cuisante dont l’auteur, passera douillettement sa convalescence à l’Europe.
Question parcours personnel Benoît Lutgen a préparé de loin sa fin de carrière. Dans un premier temps, à la législature antérieure à la précédente, il remplace madame Delvaux par le vieux Rollin à l’Europe, sachant que ce sera un mandat unique. Bien joué, malgré sa piètre présidence, tête de liste cdH à l'Europe, Benoît Lutgen a donc décroché le sésame désiré, un siège au parlement européen, Rollin ne se présentant plus. S’il avait conservé madame Delvaux députée européenne qui convenait très bien et était appréciée pour son sérieux, il n’aurait pu chausser les pantoufles du vieux au parlement de Strasbourg.
C’est un travail de pro sur une longue distance. Si la démocratie souffre à cause de ces carriéristes, on ne peut qu’admirer l’artiste.
Le CDH va-t-il disparaître tout à fait, suite aux magouilles du chef ?
En politique, tant qu’on a un élu, on ne meurt pas.

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En Flandre on assiste à un match inattendu entre deux formations nationalistes.
En 2014, le Vlaams Belang avait connu la défaite. Ses électeurs n’avaient plus l’espoir de voir leur parti au pouvoir. Ils avaient alors misé sur la N-VA, en plein essor grâce au concours de deux ambitions, celles de Bart De Wever et de Charles Michel. La victoire du VB il y a trois semaines tend à démontrer que la N-VA, aux yeux de ses électeurs du moins, n’a pas tenu ses promesses, mais aussi que le VB a de réelles chances de participer au pouvoir.
Cette leçon « d’en être » pour certains électeurs pourrait avoir le même effet en Wallonie sur le PTB qui n’en est pas ; car, contrairement à ce qu’ironisent les droites sur le marxisme maison, tous les électeurs du PTB sont loin d’être politiquement capables de comprendre le refus de ce parti de participer à un pouvoir qui le condamnait de suivre la ligne libérale voulue par l’Europe et acceptée par le PS.
La victoire du Vlaams Belang de ce 26 mai fut plus forte que la défaite pourtant importante de la N-VA. Malgré tout, les résultats rassurent Bart De Wever : son parti est incontournable.
Il formera la majorité régionale flamande.
En impliquant le Vlaams Belang dans les négociations, De Wever fait comprendre aux électeurs du Belang, mais aussi à ses propres électeurs, qu’il prend leurs aspirations au sérieux. En même temps, il exerce une pression sur le système fédéral belge. Pour le PS, la position de De Wever fournit un argument central pour ne pas négocier avec la N-VA au fédéral. De Wever sait bien que cette situation peut mener à l’impossibilité d’avoir un gouvernement fédéral.
Tant que dureront les discussions avec Tom Van Grieken et les flamingants du VB, les relations politiques avec le Vlaams Belang seront au beau fixe. C’est une stratégie bien réfléchie en vue de la partie d’échecs qui s’annonce sur le plan fédéral.
On n’imagine pas le CD&V et l’Open VLD monter dans un gouvernement avec l’aval du Vlaams Belang, et encore moins en sa compagnie. Les deux partis vont mal et ils perdraient encore des plumes. De sorte comme à la région wallonne avec le PTB, il y aura tôt ou tard un gouvernement flamand, sans le Vlaams Belang.
Comme l’écrit très bien le magazine Daardaar « Ce bloc politique virtuel de la N-VA et du Vlaams Belang constitue la seule arme dont dispose De Wever pour sauver sa peau. En instrumentalisant les électeurs du Belang dans sa lutte pour le démantèlement de la Belgique, il reste le maître du jeu. Sans cet atout, il n’aurait plus qu’à assumer la plus grande défaite du nationalisme flamand démocratique d’après-guerre. »

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