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Macron & Michel.

Quelques hommes politiques paraissent innovants, modernes… Les « héros » de notre temps semblent des personnalités capables de dépoussiérer la démocratie. En Europe, si les dirigeants nationalistes s’excluent d’eux-mêmes, Emmanuel Macron et Charles Michel correspondent au plus près à ces images d’Epinal.
Cette nouvelle élite, qui tranche dans le vif des gens parce qu’il lui semble que c’est la meilleure solution, est-elle si éloignée que cela de l’ancienne bourgeoisie, hargneuse, jalouse de ses droits ? Depuis deux siècles, elle s’acharne à défendre la propriété et la permissivité du maître (le patron), contre ses sujets (les travailleurs).
N’est-ce pas plutôt un autre visage de la nomenklatura de toujours ? Le bourgeois, c’est Janus bifrons (à deux têtes), dieu romain des commencements et des fins. Tandis qu’il nous montre une tête, il prépare l’autre en coulisse dans un seul but, faire tourner les choses à son profit.
Davantage Macron que Michel, il descend dans l’arène de l’opinion publique témoigner de ses convictions.
Tout est dans l’attitude, celle du conquérant porté par le narcissisme maternel de Macron (1). Le nez aquilin, à peu près sa taille, c’est Napoléon du Pont d’Arcole à Bormes-les-Mimosas.
Charles Michel, plus fourbe (2), serait plutôt un cognomen (ancien Romain) à l'origine des premiers surnoms, comme Calvus (le chauve), qui cacherait un poignard dans sa manche, pour se protéger de César.
Les parangons de l’ordre leur confèrent un pouvoir de séduction incontestable. On entre dans l’inexplicable.

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Le conquérant fascine comme les grands fauves. La fascination n’est pas du même registre que l’amour ou le dialogue fraternel. Ainsi moi, qui les déteste, je ne peux m’empêcher d’en écrire, leur donnant, contre mon gré, le bénéfice d’un mépris qui rehausse l’estime de ceux qui les aiment. Là où je les trouve ennemis du peuple et de la démocratie, leurs partisans les louangent pour leur amour des gens et le respect des institutions !
Ils m’énervent tous les deux rien qu’à les voir objecter, montrant leur impatience de répliquer à l’interpellateur, ayant l’un et l’autre un début de discours qui me porte sur les nerfs « Je vais vous expliquer », comme on parle aux enfants qui ne comprennent pas.
À les voir venir vers nous, sans se départir d’un ton doctoral, on les croirait doués d’empathie. C’est ce qu’ils ont le moins et le plus d’intérêt à faire croire le contraire. L’empathie est l’identification à l’autre, ce qui suppose la capacité d’en adopter le point de vue. Ils en sont incapables. Quand on oppose la nature de Charles Michel à celle de Raoul Hedebouw, par exemple, ce qui saute aux yeux du psy c’est la spontanéité et la vérité qui donne à monsieur Hedebouw la grâce de la sincérité, par rapport à l’ambigüité de l’autre, plus « furbo » que sincère.
Tout chez eux n’est que calcul. Ils n’arrivent jamais à la fusion affective dans la ferveur des émotions, même quand ils serrent dans leurs bras, un enfant éperdu sur les lieux d’une catastrophe. Ils en font trop. C’est du théâtre, de l’émotion feinte. Là où ils sont sincères, c’est quand ils font des efforts pour paraître affligé.
Ces bourgeois recyclés sont les héros nihilistes de notre époque. Une tragédie dont le ressort est le moyen d’assouvir le “caractère destructeur” du capitalisme globalisé. Ce capitalisme, qui fait de la destruction une source de profit tant que la croissance dure, en détruisant en même temps celui qui la sert.
Ce qui m’exaspère par-dessus tout, c’est quand ils parlent du travail et des travailleurs. Savent-ils seulement ce que c’est qu’une journée de travail ? Celle qu’on ne passe pas dans un salon avec des personnalités, un ministre que l’on tance, une réunion générale d’un collectif avec thé et croissants ?
Le travail est le plus souvent une corvée de 8 à 12 et de 13 à 18, sans trêve, ni repos, jamais relaxant, avec un mal de dos assuré, une fatigue nerveuse, une peur bleue de s’être trompé quelque part, d’avoir raté quelque chose. Souvent, sans la joie de créer, dans l’absurdité des tâches dont on ne comprend jamais la finalité, surveillé, gourmandé, questionné, espionné, le cambouis jusqu’aux coudes ou dans l’atmosphère d’un bureau sans un souffle d’air, avec la sensation de mal faire, quand on se lève pour aller aux toilettes.
Et ces gens-là osent nous parler de la grandeur et de la noblesse du travail, justifiant ce qu’ils retranchent aux chômeurs, comme la punition légitime de qui n’aime pas travailler. Et le public accepte, comprend, voire applaudit quand, entre deux boulots, il approuve les mesures contre les chômeurs, les restrictions des droits, c’est un peu comme si ce public pouvait, en même temps qu’il crie son bonheur, se botter le derrière avec des brodequins à bouts renforcés, qu’il va chausser pour retourner sur le chantier.
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1. “Quand on a été le favori incontesté de la mère, on en garde pour la vie ce sentiment conquérant, cette assurance du succès, dont il n’est pas rare qu’elle entraîne effectivement après soi le succès.” (Sigmund Freud)
2. « Furbo » : madré, rusé en italien. Il n’a pas le même sens que « fourbe » en français.

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