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À quand les tueries de masse ?

Il faut se souvenir des arguments du parti socialiste pour enterrer la Charte de Quaregnon (ce qui aurait dû l’écarter de la FGTB). Le plus souvent cité est l’accroissement des richesses et la mise à disposition des travailleurs de salaires confortables et d’une retraite assurée, tout cela en entrant dans le jeu du système, non plus en voulant le détruire, mais au contraire en y collaborant, avec, ce qui ne gâte rien, une belle récompense des dignes successeurs de Jaurès.
La crise de 2008/9 a emporté les dernières illusions sur l’efficacité de l’économie libérale.
Le système capitaliste n’a pas la vocation d’être social. Il ne l’est qu’à son corps défendant et en cherchant tous les moyens possibles d’absorber les services à la collectivité pour donner au privé les moyens de s’enrichir. Il rend à peu près les mêmes services dans ses conditions, moins rémunératrices pour les personnels et donc dégageant plus de bénéfices.
Mais surtout, il durcit les conditions d’accès à la protection sociale par la mainmise qui est désormais la sienne sur la politique.
Ce qui a fait dire aux laudateurs de l’économie actuelle que le privé était plus efficace, n’est plus de mise aujourd’hui que les masques sont tombés.
Nous avons à subir des dirigeants politiques qui s’arc-boutent sur un capitalisme de fiction pour nous infliger une punition salvatrice destinée à le relancer. Mais comment relancer une fiction ? Ils ne se sont pas posé la question étant pressés par le temps au pouvoir qu'il leur reste. Finiront-ils par nous asphyxier de lacrymogène après avoir tenté de nous séduire ?
La pauvreté s'installe, plus que jamais, malgré le champ d'investigation ouvert par les sciences et les inventions, alors qu’elle aurait dû, tout au moins dans la zone de libre échange, n’être plus que résiduelle et en voie d’extinction.
Nous vivons une seconde révolution industrielle marquée par deux faits majeurs : l'universalisation de l'économie capitaliste et l’extraordinaire diversité d’application de la science dans des domaines de la technique. Toutes ces nouveautés ont échoué à éteindre un paupérisme qui, au contraire est en progression fulgurante dans l’Union Européenne et aux États-Unis.
Voilà que les mêmes élites au pouvoir non-stop depuis leur victoire sur l’URSS sont contraintes d'inventer ou de réinventer les modes de gouvernement de la pauvreté issus de l'Ancien Régime (ouverture d’ouvroir et en même temps chasse aux pauvres – traque des chômeurs « parasites » et extorsion du travail supplémentaire avec des bas salaires pour amener en fin de contrat le travailleur pauvre à une retraite d’indigent).
L'évidence immédiate de la pauvreté se dilue dans une pluralité d'interprétations qui font que chacune d’entre elles souffre d’astasie. C’est que la pauvreté dépeinte par Georges-Louis Bouchez n’a ni les caractères, ni l’ampleur, ni les origines qu’une opinion proche de la mienne possède dans son for intime.
Ce que mon maître Pierre Bourdieu résume dans « La Misère du Monde » " Constituer la grande misère en mesure exclusive de toutes les misères, c'est s'interdire d'apercevoir et de comprendre toute une part des souffrances [...] " (1).

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Oui, il y a la pire des misères celle qui fait que l’on a faim, que l’on a froid et que l’on n’a pas de toit. Elle existe, elle est prioritaire. Il faut en venir à bout sans délai. Mais il y a toutes les autres, moins visibles, aussi pathétiques, jusqu’à celle de l’ouvrier qualifié qui travaille régulièrement et qui est incapable de mettre sa famille à l’abri du besoin.
Même Adam Smith, dont j’ai souvent parlé avec Alexis de Tocqueville (de la démocratie en Amérique), les pères fondateurs du capitalisme, l’ont écrit sous différentes formes et à plusieurs occasions « nulle société ne peut jouir de la prospérité et du bonheur, si la plus grande partie est pauvre et malheureuse, et c'est pourquoi il faut ¬combattre la pauvreté :
La seule équité, d'ailleurs, exige que ceux qui nourrissent, habillent et logent tout le corps de la nation, aient, dans le produit de leur propre travail une part suffisante pour être eux-mêmes passablement nourris, vêtus et logés. "
Toutes les illusions ont été emportées lors de la crise financière de 2008-9, ai-je écrit au début de cette chronique, tout le monde a compris, sauf le personnel politique au pouvoir, le PS surtout. Il y a même du ragout à voir comment ces gens vivent encore dans l’esprit d’Adam Smith et Tocqueville, alors qu’ils ont créé un autre système en collaborant avec les puissances d’argent, qui n’est même plus libéral, mais carrément oppressif, oligarchique et clientéliste.
Le plus délicat pour eux, va consister à garder le plus de monde possible dans la crédulité de la fable libérale à l’économie de progrès et de justice sociale. S’ils n’y parviennent pas, tous les indicateurs l’indiquent, nous aurons droit à leur lacrymogène, leurs balles en caoutchouc éborgnant les manifestants, pouvant aller, c’est pour bientôt, aux tueries de masses.
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1. Bourdieu (Ce que parler veut dire) condamne le simulacre de démocratie qui nous soumet à l’autorité invariable de la bourgeoisie « Ceux qui ont opposé au droit magique ou de l’ordalie, un droit rationnel fondé sur la culpabilité et la prévisibilité, oublient que le droit le plus rigoureusement rationalisé n’est jamais qu’un acte social de magie qui réussit. »

Commentaires

anastasie ? censure ? résurrection ?
ou "Anastasie, l'ennui m'anesthésie" de Béranger ?
Je ne comprends pas le sens de la phrase.

anastasie ? censure ? résurrection ?
ou "Anastasie, l'ennui m'anesthésie" de Béranger ?
Je ne comprends pas le sens de la phrase.

Vous avez raison. C'est une coquille. Au lieu de "anastasie" (que je corrige immédiatement) il faut lire "astasie" (impossibilité de se tenir debout)ce qui doit être compris ici dans le sens figuré (impossibilité de cohérence). Je vous remercie pour votre remarque.

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