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Solidarité et Lehmann-Brother bis !

Le FMI profite de la pandémie du Covid-19 pour faire passer la sienne comme résultant du coronavirus. En réalité, le krach nous pend sous le nez depuis six mois. Il paraît qu’il sera pour le moins aussi sévère que celui de Lehmann-Brother en 2008.
On peut comparer le capitalisme à un cavalier. Après une chute de cheval (un yearling, Covid-19), un cancer serait apparu lors des examens relatifs à l’accident (krach boursier).
Le carcinome se serait-il déclaré sans la chute, plus tard ou jamais ? C’est de l’ordre de la spéculation. Le pouvoir a fait l’amalgame.
Cette dernière péripétie pourrait être la dernière de la série « mondialisation de l’économie ».
On le voit bien aujourd’hui a propos du manque de masques et de respirateurs, le système ne produit pas en fonction des besoins de la population, mais plutôt en fonction des profits. Les gouvernements libéraux ont une attitude spéculative du même ordre. Dans les guerres qu’ils ont menées contre les dépenses « non rentables », les hôpitaux étaient en première ligne.
Comment combattre ce capitalisme antisocial que la pandémie éclaire d’un jour cru ?
La gauche doit se déterminer ente deux issues possibles. Les uns suggèrent un écart par rapport au capitalisme. La "politique de l’écart" comprendrait une forme de "prolongement disjonctif"(1) et non une opposition. Les autres se déterminent à l’abolition du capitalisme.
Entre la fin du système et la venue d’une autre économie, comment éviter que le chômeur, le malade, le pensionné tombent dans une situation pire que celle qu’ils quittent par la force révolutionnaire, dans le chaos qui succèdent toujours les grands bouleversements ?
La synthèse entre l’approche subjective et radicale du capitalisme est elle possible ? La démarche aporétique les met en concurrence à égalité sur deux plateaux de la balance, alors qu’elles devraient peser de tout leur poids sur un même plateau.

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Avec le capitalisme, on a assisté à l’émergence d’un "sujet de personne". Le capitalisme dans ce cas a changé les choses. Dans une première période, la bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire, c’est Marx lui-même qui l’écrit. Il était logique qu’elle finisse par en abuser. C’est de cet excès qu’elle périt. Le capitalisme contemporain a besoin d’être repensé, de toute manière.
Monde libre et Monde réel, la différence entre la régulation spontanée du premier et la réglementation autoritaire du second, fait débat.
La « solidarité » est au cœur de l’action contre la pandémie. C’est un principe de droit dans le Traité européen. Mais de quoi parle-t-on ? S’agit-il d’un sentiment de sympathie qui nous porte à l’entraide, ou bien une réalité, celle de l’interdépendance entre tous les hommes, ou encore d’une valeur morale et même d’une obligation ? D’où nous vient cette notion énigmatique ?
Avant 1789, les individus étaient liés par des appartenances corporatives ou héritées. Ils sont devenus libres et égaux en droit. La solidarité s’est trouvée requise pour penser un problème désormais crucial : qu’est-ce qui peut faire lien entre des individus émancipés sans retour ? Le Code civil de 1804 me plaît assez « un engagement par lequel les personnes s’obligent les unes pour les autres et chacune pour tous ».
Sous les effets de la révolution industrielle, l’intérêt de quelques-uns se révèle en contradiction avec l’amélioration du sort du plus grand nombre. Comment lutter contre l’atomisme social et la montée d’une division de classes à l’intérieur de ce que la Révolution avait pourtant nommé le « corps social » ? Le patron est solidaire de l’ouvrier comme le lion est solidaire de sa proie. Gustave de Molinari défendra le principe d’une solidarité mondiale, au-delà des États et des frontières politiques. En revanche, la solidarité volontaire rencontre le problème de son territoire d’application.
L’être social n’est pas seulement celui qui est capable de s’associer à d’autres hommes et de respecter les règles de l’association. C’est celui qui comprend qu’il y a une part de sa personne qui est d’origine sociale et qui, par conséquent, doit être consacrée par lui à l’effort commun. La justice est violée quand un homme prétend garder à son profit des avantages qui résultent de la solidarité sociale sans en supporter les charges.
La solidarité sociale devient une sorte de contrat consenti. Nous touchons aux limites du dogme républicain de la méritocratie. Il est clair que les mérites d’un individu ne proviennent pas seulement de lui-même. Comment trouver, la formule d’une « juste égalité des chances », une fois que le droit de tous à l’éducation et à la formation ait été assuré ?
Nous sommes confrontés à des défis nouveaux. Avec la mondialisation financière et les menaces sanitaires et environnementales, la solidarité factuelle ne cesse de s’étendre. Nous ne pouvons plus être seulement solidaires de nos contemporains, nous sommes responsables de la terre que nous laissons à nos enfants.
Sans cette responsabilité collective qui passe par la délibération et l’accord négocié, la solidarité relève plutôt d’un saupoudrage visant à colmater les brèches d’une société en proie à un individualisme forcené. Plus que jamais nous devrons être solidaires, reste à choisir comment et dans quel cadre.
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1. Disjonctif : qui affirme une alternative.

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