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Prime et Second

Le dédoublement de la personnalité est fréquent chez qui fait de la politique.
Puisque le personnage en est persuadé, accordons-lui que faire de la politique, c’est un métier. Quoiqu’il me soit arrivé souvent de dénoncer le fait qu’un mandat politique avec rémunération en soit un. On ne va pas au parlement, comme on va au bureau.
Le comédien a, professionnellement, une obligation de dédoublement. Il joue même quatre, cinq personnalités différentes parfois en même temps, mais il est conscient de cela. Il « joue » son personnage. Il ne l’est pas. Et il le sait. Sauf quelques cas, comme l’acteur qui interpréta tant de fois le rôle de Napoléon, qu’il l’était devenu dans sa tête. Et même en ce cas, il n’y a pas dédoublement, puisqu’il est devenu un personnage qu’il a intégré au point d’avoir oublié sa personnalité d’origine. Il est toujours Un !
L’homme public, lui, sait qu’il est double et s’en sert à des fins professionnelles.
Il y a la personnalité ordinaire « prime » dirait le psychologue, celle de quelqu’un qui a une famille. Il y côtoie des proches à différents niveaux de parenté, sans jouer à l’homme public, sauf peut-être pour des cousins éloignés. Puis vient l’état « second » qu’il organise en une autre personnalité, avec laquelle il fait sa renommée à l’usage du plus grand nombre.
On a vu des personnages politiques qui changeaient même de voix selon qu’ils étaient dans la famille ou sur une estrade devant un public.
Lorsque Didier Reynders qui aime se répandre dans des interviews, parce qu’il est un bon client histrionique, parles des siens, de sa femme émargeant comme lui au budget de l’État, mais dans le domaine de la justice, de ses enfants et des ses petits enfants, on voit nettement les deux personnages, mais c’est le second qui évoque « prime » le normal.
Nous ne connaissons que l’interprète, il le meuble des « vertus » que l’on accorde ordinairement aux hommes publics : amour de la patrie, du progrès, des droits du citoyen, générosité envers les pauvres, etc. au même titre que Magnette ou De Wever.
Parfois la vie en privé, rarement exposée, est portée à la connaissance du public, à l’occasion d’un fait-divers, avatar financier, divorce, déviation sexuelle. Alors, un bref instant, le public a devant lui un personnage qu’il ne connaissait pas.
Les deux personnalités sont pourvues chacune d’une conscience psychologique, d’aptitudes, de goûts, de traits de caractères et de souvenirs personnels différents, voire opposés. Elles peuvent alterner, l’une remplaçant l’autre.
Admettons De Wever chez lui en négligé, jouant à une cassette vidéo avec ses enfants, il est calme, détendu, embrasse peut-être sa femme au passage qui va et vient à des occupations personnelles. Soudain un coup de fil, son chef de cabinet à la maison communale d’Anvers le réclame pour une question délicate à trancher. Aussitôt, il se précipite, revêt un costume de bonne coupe, ajuste sa cravate et dès la porte franchie, il est déjà second. Il peut adresser un sourire à son chauffeur qui lui ouvre la portière de la voiture, même lui adresser un mot aimable, le ton à changé, l’intention n’est plus celle d’un abandon, d’une affection sincère. Il est dans la peau d’un autre.

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L’essentiel du phénomène tient à l’automatisme d’un changement d’attitude et pour qu’il soit parfait, prime doit ignorer l’existence de second et vice versa. C’est probablement pourquoi on dit d’un homme public, qu’il est « discret » sur sa famille.
En général, il est constant de dire que ceux qui font la séparation de leur vie publique et de leur vie privée sont des sages et des modestes. Je n’en suis pas sûr, tant cette nette séparation est le signe que deux personnages cohabitent, l’un dissimulent les défauts et les travers de l’autre, tandis que les deux s’accordent pour montrer aux deux publics différents, combien ils sont honnêtes et francs ! Alors qu’au départ, il y a déjà dissimulation.
Il se peut même que le personnage privé joue également un personnage et qu’il ne soit pas si vrai qu’il veuille bien le dire à son entourage. Par exemple, quand Prime a une maîtresse dont il refile la responsabilité à Second, le plus souvent.
La personnalité qui se veut être sans secret, y compris en famille, s’efforce de paraître unique. L’exercice est difficile. Je pense que ceux qui mènent des politiques extrémistes peuvent seuls y arriver. L’exécration d’un adversaire ne peut se dissimuler. Le dédoublement sévit dans les milieux centristes, là où il faut ménager la chèvre et le chou et sembler être d’accord avec tout le monde. Il est visible que Di Rupo a joué la comédie toute sa vie. D’autant qu’être gay n’est pas facile dans un monde de machos où la qualité essentielle pour « prendre l’ascenseur du parti », c’est encore cette bonne vieille virilité, responsable de toutes les guerres.

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