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Pièce de théâtre et théâtre en pièces.

« Mixée » par toutes sortes de culture, la nôtre sous sa forme de théâtre, n’était déjà plus grand-chose.
La Covid-19 vient d’achever le travail commencé par les extras de la société de consommation.
Les théâtres d’initiatives privées n’existent plus !
Je me souviens, avec une émotion, des mardis d’impro où nous faisions assaut d’imagination pour enrichir ou raviver des bribes de culture, dans une petite structure quasi familiale. Nous apportions nos différences avec les moyens du bord, sous la direction de la patronne des lieux, dont j’étais secrètement amoureux.
Ces derniers moments de culture se jouaient comme dans un vrai théâtre, sauf que la répétition y était perpétuelle, avec la foi et l’insouciance des jeux sans public.
C’était avant mars, ce mois qui se rit des averses et prépare en secret le printemps. Il était en effet le dernier d’un bonheur tranquille, qui n’annonçait surtout pas le printemps !
On glorifie la culture comme inhérente à notre « civilisation », mais en laissant dans leur misère les créateurs sans travail de ces petits métiers des centres culturels, des théâtres non subventionnés et des orchestres sans salle.
Les théâtres faits de trois planches et dix fauteuils ne peuvent pas compter sur les troupes de conservatoire, ni les orchestres symphoniques, prestiges des Régions et de l’État, en attente de reprendre, sans le stress des fins de mois, quand le virus se sera fait la malle.
Les petits ne peuvent rester dans la sérénité. Pour eux, après la pluie, c’est la pluie !
Si le répertoire classique est important pour la mémoire et l’exemple, bien davantage le sont les essais, les tâtonnements, les voies nouvelles d’un art qui ne l’est si bien qu’en mouvement.
L’exception culturelle n’a aucun sens, depuis qu’un artiste est avant tout considéré pour la plupart des gens comme un parasite et aujourd’hui sous Covid, comme un paria.
Le plus agaçant, reste le ton pathétique de nos hommes politiques dès qu’on aborde l’Art en train de disparaître.
Rien ne compensera, après l’épidémie, la perte des petites entités diversement intéressées par toutes sortes de formes que peut prendre la culture. Déjà, elles ne « foisonnaient » plus tant, avant la peste. La société de consommation repartira sans elles, sans même s’en rendre compte.

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Dès ses débuts, l’art subventionné aura connu une histoire compliquée, tributaire des intérêts géopolitiques et de la valeur attribuée à la culture nationale. Il se sera fait au détriment des autres artistes. Si dans un orchestre national, on a besoin de deux clarinettistes, comment vivront les cinquante autres qui ne seront pas engagés ?
Les théâtres subventionnés souffrent de la même pléthore dehors, alors que les titulaires se racrapotent autour du délégué officiel, souvent un littéraire rentré qui n’aura de cesse de faire jouer avant tout ses propres œuvres. Et on le comprend, tout en le déplorant.
Je passe sur l’écrivain qui avait une chance sur cent mille de voir éditer son livre autrement que par compte d’auteur ; le peintre, artiste complet, décrié comme « peintre du dimanche », parce qu’en semaine, il travaille afin de faire au moins un repas par jour.
En réalité, ce monde est comme le montreur d’ours, que peut-il faire s’il n’a plus d’ours ? Se reconvertir, voilà le mot cher au patronat. Comme si on pouvait changer de costume et enfiler celui de comptable quand on a été clown ? Comme si c’était facile après avoir été quelque chose dans un théâtre ou dans un centre culturel, d’enfiler une blouse de mécanicien de garage !
L’artiste désigné à la vindicte des imbéciles comme un parasite et méprisé comme tel, est au contraire l’honneur restant des sociétés « multiculturelles ». Comme des frites sont au couscous, allez parler d’art à qui va changer de bagnole ?
Le seul espoir, si faible qu’on ose à peine en parler, c’est le revenu universel garanti, dont La Bruyère vantait déjà inconsciemment les mérites en 1688 « Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage, qu’un meilleur nom, et que méditer, parler, lire, et être tranquille, s’appelât travailler ».
Sous l’activisme du trumpiste, on est loin du compte. Les artistes ont tout à redouter de la suite, quand la société aura digéré le Covid et qu’elle reprendra le sens des affaires, en pensant au fric perdu !

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