Tu nserais pas Chose, par hasard ?
On savait la curiosité morbide dun certain public. Un accident sur lautoroute et ceux qui veulent voir créent eux-mêmes des accidents par des ralentissements dangereux. Cest un phénomène bien connu.
A laffaire Cantat-Trintignant, le fait-divers fait rebondir les ventes de Noir Désir. Et revoilà le « renouveau » du jazz français reparti, la Maison de disques se frotte les mains. Le violent, en cage à Vilnius, voit son compte en banque gonflé de ses petits poings sans nul besoin de roucoulades endiablées supplémentaires.
Le succès pour les oeuvrettes du groupe est tel que les bacs sont quasiment réapprovisionnés quotidiennement. Les Producteurs gênés nosent pas dire si les ventes ont doublé, triplé ou sextuplé ! Revoilà notre homme comparé à un Léo Ferré du rock ! Désormais tout ce quil publiera, quelque soit le cas de figure, vaudra de lor en barre, avec ou sans dix ans de tôle.
Qui oserait encore prétendre que le crime ne paie pas ?
Comme le star system est bourré dartistes tout à fait ordinaires, les nouveaux arrivages issus de Star Academy, les Nolwenn, Houcine et les autres proposent leur guimauve en concurrence. La médiocrité est générale et les fans sont contents. Et ça marche !
La reconnaissance du spectacle par le public commence souvent par un événement extérieur extraordinaire ou scandaleux. Le mérite personnel y tient peu de place. Le talent est accessoire.
Lex étudiant en marketing Michaël Youn a lancé son one-man-show « Pluskapoil » en exhibant ses fesses aux caméras. Le voilà vedette. Désormais, un rappel de temps à autre de ses prestations en string léopard est suffisant pour entretenir son succès.
La notoriété par la presse spécialisée à ses inconvénients. Cest Guillaume Depardieu assailli par des curieux à Deauville et se dégageant de la meute à coups de revolver !
Un scandale opportun chez ladversaire, et revoilà la carrière dun homme politique que lon disait finie relancée.
Il y a aussi des paradoxes. On peut avoir été condamné pour une prise de bénéfice illégale dans une affaire intéressant un marché de lEtat et se voir blanchi par le deuxième tribunal qui est celui des urnes.
Dans le monde daujourdhui, rien nest pire que lhonnêteté et lanonymat.
Le type qui est marié à la même femme depuis trente ans et qui prend sa retraite après quarante ans de travail dans la même usine, na aucune chance dêtre reconnu quoi quil fasse.
Cest cela le paradoxe de nos sociétés dites démocratiques. Que voyons-nous occuper les avants scènes ? les voyous et les charlatans, les promoteurs et les grandes gueules, voire les criminels et les escrocs.
Et le moyen de faire autrement, puisquil est impossible à lhonnête homme de se faire connaître de part la modestie de sa personne.
Jules Renard avait le chic de coucher ces choses à sa façon dans son journal : « La modestie va bien aux grands hommes. Cest de nêtre rien et dêtre quand même modeste qui est difficile ».
Paul Valéry avait une formule : « Tout esprit quon trouve puissant commence par la faute qui le fait connaître. En échange du pourboire public, il donne le temps quil faut pour se rendre perceptible. »
Cest égal. Il est grisant dêtre reconnu. Beaucoup de gens y sacrifient leur tranquillité. On sy consacre dabord pour largent. Il faut bien subsister. Une fois à labri du besoin, on ambitionne la gloire.
Les trop fortes inégalités de revenus poussent lhomme à sortir du lot par quelques coups déclat. Une vie de travail natteint pas le salaire dun mois de certains privilégiés.
Demandez aux hommes politiques pourquoi ils courent après le suffrage de leurs concitoyens. Tous vous diront quils nont quun désir : servir. Ils parleront des valeurs morales, de laltruisme, du sacrifice de leur vie à la collectivité, etc. Tous ne sont pas des cyniques. Aucun ne vous dira quil est sensible aux revenus dune belle carrière, aux à-côtés juteux, à la voiture avec chauffeur, la secrétaire, les pouvoirs, les banquets, les voyages, les discours.
Les chefs sont avant tout suspects parce quils nous commandent. Le pouvoir devrait revenir à ceux qui en ont le moins envie. Combien de grands responsables, dans les partis, dans les syndicats, qui sétaient juré de quitter le pouvoir à la limite dâge sarrangent pour prolonger leur mandat ?
Mais alors, comment déceler les capacités de lhonnête homme ?
Que la multitude ne se désespère pas de rester anonyme. Que le sage ne craigne pas de céder à lambition. Que loisif ne se culpabilise pas trop de ne rien faire, comme La Bruyère lécrit :
« Il ne manque cependant à loisiveté du sage, quun meilleur nom ; et que méditer, parler, lire, et être tranquille, sappelât travailler. »
Si lon poussait le raisonnement plus avant, écrire pour être lu pourrait paraître de lambition.
Est-ce bien raisonnable de gagner la faveur du lecteur ?
Ne vais-je pas paraître suspect sans mobile apparent ?