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Elle me drague.

-Elle me drague, je te dis, elle me drague !...
-Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
-Tu n’as pas vu sa façon de me tourner le dos ?
-Elle parlait à Jean-Charles…
-Tu as déjà vu quelqu’un tourner le dos comme elle, rien que pour moi ?
-Mais non…
-Et le regard qu’elle m’a lancé en se retournant brusquement, tu l’as vu au moins, le regard ?
- Mais tu marchais sur sa robe, écoute.
-Non, j’ai marché sur sa robe après quand elle s’est à nouveau intéressée à ce petit con de Jean-Charles.
-Je me souviens, tu avais coincé la bride de son sac entre ton genou et la table. Voilà pourquoi elle s’est retournée vivement.
-Mais pas du tout. Elle me drague, je te dis. Mais tu ne sais pas tout.
-Quoi ?
-Quand l’autre est allé aux toilettes, elle s’est tournée vers moi, tu t’en souviens. Elle avait un de ces regards ! Et sa gentillesse ? Tu l’as entendue, de sa petite voix câline ?
-Ecoute, elle n’allait pas te tourner le dos tout le temps.
-C’est quand même elle qui m’a adressé la parole en premier.
- C’est normal. Le garçon en mettant le plateau hors de sa portée, il fallait bien que quelqu’un lui passe son verre. Elle t’a dit : « Pouvez-vous me passer le gin-fizz s’il vous plaît ? »
-Et son sourire ?
- Elle voulait être aimable. Ecoute, c’est naturel. Elle te demandait un service.
-Elle aurait pu s’adresser à son voisin de gauche.
-Mais, il était aux toilettes !
- Elle aurait attendu qu’il soit aux toilettes pour m’adresser la parole ? Tiens, ce n’est pas bête, ça. Ah ! elles sont rusées, quand même.
-Enfin, Jean-Yves, le garçon est arrivé avec son plateau alors que Jean-Charles était encore aux toilettes. A qui voulais-tu qu’elle s’adresse ?
- Et quand je lui ai donné son verre… cette façon qu’elle a eu de me refuser de me donner son numéro de téléphone ? Je ne le lui ai demandé qu’une fois, tu as remarqué ? Or, elle m’a dit « non », trois fois ! Et j’ai senti que le troisième « non » était moins catégorique.
- Si tu le veux, elle me l’a donné.
-Pour moi ?
-Pas spécialement. C’est parce qu’elle me parlait du livre de Vitoux sur Céline, que je lis. Elle a suggéré que lorsque je l’aurai terminé…
- Que tu es bête. Elle sait que tu es mon ami. Je te signale que ton livre dépassait de la serviette que tu avais posée en évidence sur la banquette. C’est une ruse que je te dis. Ah ! elles sont fortes.Donne son numéro. Je l’appelle de mon portable. Tu vas voir.
- Allô, Myrèse, ici Jean-Yves.
-…
- Oui, Jean-Yves, au restaurant « L’imbibé », vous ne vous rappelez pas, avant-hier ?
-…
-J’étais assis à côté de vous. Vous avez fait semblant de ne pas me voir. Vous parliez ostensiblement à Jean-Charles ?
-…
-Vous ne voyez toujours pas ? Un monsieur un peu fort, entre deux âges, à lunettes ? Vous avez parlé du livre de Frédéric Vitoux à mon ami Polo, assis en face ?
-…
- Bon, ça y est. Vous me remettez.
-…
-Non. C’est de mon ami Polo dont vous vous souvenez. Bon. Ce n’est pas grave.
-…
-Qu’est-ce que je vous veux ? Mais, rien, c’était pour vous remercier de cette charmante soirée et…
-…
-Vous n’y êtes pour rien… que c’est le hasard. Que vous dites !... Si vous voulez, le hasard fait bien les choses.
-….
-Mais non. Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire… Merde. Elle a raccroché. Ah la finaude !...
-Comment la finaude ?
-Oui, je lis dans son jeu comme dans un livre ouvert. Comme vous vous êtes échangé vos numéros, elle va te téléphoner pour te demander le mien et me resonner, quand je serai chez moi, seul et disponible.
-Elle te l’a dit ?

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-Non. Mais tu le sens quand une fille te drague. Et elle, comme toutes filles qui manquent d’assurance, elle voudrait bien que je fasse le premier pas…
-Tu viens de le faire, là ?
- Penses-tu ! C’est plus subtil que ça. Sur la fin, elle s’est montrée agressive, même un rien grossière. Tu comprends.
-Je dois comprendre quoi ?
-Que c’était pour avoir l’occasion de me téléphoner, sous prétexte de s’excuser !...

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