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La nuit est à nous.

Nat King Cole en pleine “serenade”, le sudio bien ventilé, un léger parfum flotte, j’attends ce soir…
J’ai rassemblé mes débris sous la légèreté d’une chemise à 40 euros, dûment aspergé d’un brut quelconque d’un grand couturier converti parfumeur.
Elle viendra avec un peu de retard, posera son sac imitation croco sur le meuble de l’entrée, comme si elle ne faisait que passer dire bonjour et s’en aller pratiquement sur ses talons aiguilles par un effet pivotant très réussi. Alors qu’elle aura passé deux heures à choisir sa petite culotte…
J’inspecte la galerie des livres, tout ce désordre étudié que les impétrantes prennent pour un effet d’un intellectualisme follement romantique et qui n’est que l’accumulation des lectures inutiles et des philosophies dépassées.
L’attente est le moment le plus délicieux de l’amour.
On attend, on ne sait quoi, mais de toute manière, beaucoup, de ce rendez-vous.
La curiosité de surprendre le loup dans sa tanière est le premier réflexe de la femme même non-amoureuse. Elles viennent toutes au moins une fois. Malheur si ce moment suspendu est raté.
Avant le coup de sonnette qui fait battre le cœur, un regard circulaire critique se pose sur ma collection paléontologique. Des fossiles, voilà qui ne donne pas l’illusion de la jeunesse !
C’est trop tard pour tout remballer dans une caisse. De toute façon il y a trop de choses partout. Dans la profusion on finit par être attiré par un objet kitsch irrémédiablement de mauvais goût. Tandis que la nudité d’un mur d’une couleur unie… tous les architectes d’intérieurs vous le diront… c’est le grand must. C’est comme la conversation, c’est celui qui se tait qui est le plus écouté… loi funeste aux bavards, mais aussi aux érudits.
Elle est en retard. D’où ces dernières réflexions intérieures un peu amères.
Combien de minutes de retard faut-il à une femme pour faire comprendre à l’homme, qu’elle eut avant de céder un long débat intérieur ?
Elle entre chez un célibataire, avec l’intention louable d’écouter du Brahms, mais plus si affinité, quand même ?
Je ne l’attends plus. La demie heure passée, il y a de l’abus. Et puis il y a le portable…
Tout ce que j’avais imaginé de cette soirée s’effondre. Nat King Cole, l’ambiance, le tamisé de l‘éclairage, tout.
Au pire de la désolation, alors que je somnolais sur le discours de la méthode, le fracas de la sonnerie !... voilà longtemps que j’aurais dû en moduler la stridence.
Le parlophone gargouille. C’est incompréhensible. Je dis, « Oui c’est ici » à tout hasard et je déclenche le verrou électrique de la porte d’entrée.
J’entrouvre la porte palière, l’ascenseur ronronne. C’est fait. Dans cinq secondes elle sera là « pour cinq minutes », bien sûr… Elles disent toutes ça.
Elle ne s’est pas changée du tout. On voit que des soucis extérieurs la submergent, du reste elle me demande de couper Nat King Cole, le sirop l’écoeure.
Elle s’effondre sur un canapé en disant qu’elle s’est trompée sur notre compte et qu’elle ne sait pas ce qui lui a pris d’accepter ce rendez-vous que d’ailleurs elle regrette.
Mais elle est là. Je pense que c’est une façon comme une autre de me dire que c’est la première fois qu’elle trompe son mari et que ce sera bien la dernière.
Toute ma stratégie tombe à l’eau et je regrette d’avoir chaussé mes Marlboro qui me font mal à la pointe des gros orteils.
Dans le fond qu’est-ce qu’elles attendent de nous ? Des vagues serments d’amour et un peu de vaseline pour le reste. Elles sont toutes un peu à court par l’émotion d’une première fois, c’est bien connu. Je ne vais pas pourtant lui parler du muscle ischiocaverneux et la rassurer sur la chose en lui disant « tu verras, tout se passera bien » sans savoir si cela se passera, en lui servant une coupette de Moët & Chandon, moi qui n’aime par le vin qui pétille.
Voilà, elle était venue pour me dire cela, juste en trempant ses lèvres dans le brut, alors qu’elle n’aime que le moelleux.

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Je commence à m’énerver d’avoir tout faux. Elle se lève, se ravise, et se rassied en croisant les jambes afin que je n’ignore rien de la finesse du bas.
Je reprends espoir et me lance dans un « song » qui me rappelle la Louisiane dis-je d’un air détaché, endroit où entre parenthèse je n’ai jamais mis les pieds.
Je crois qu’elle va me parler du Mississipi, non, c’est seulement pour me demander où sont les toilettes.
Elle revient toute changée On jurerait qu’elle vient de jeter son dernier tampon et que satisfaite de sa coloration, elle réapparaît en de meilleures dispositions.
En effet, elle virevolte comme pour sortir, mais c’est pour tomber dans mes bras et s’assurer que j’ai toujours les amygdales, d’une langue de buraliste à coller les enveloppes.
Elle veut bien que je remette « september ». On danse un peu. Elle mollit tellement qu’il faut que je la soutienne. Je devrais avoir quelques gestes qu’on pourrait qualifier de déplacer, qui sont les armes grâce auxquelles elle se rendrait.
A deux heures du matin, on cherche son soutien-gorge. Tant pis, elle partira comme ça. Cette poitrine en liberté m’émeut. L’heure passe. Elle me dit entre deux derniers patins ; je me sauve, mon mari doit commencer à s’inquiéter.
Je m’effondre sur le canapé pour fnir le Moët… l’heureux homme !

Commentaires

La prochaine fois tu nous raconteras peut-être aussi comment tu t’y prends pour qu’elles acceptent le premier RDV... J’en souffre, c’est le seul qui me fermerait à jamais les portes de leurs coeurs... Comment fais-tu?

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