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Tératologie

-Dis pas ça, Fernand… Dis pas ça… Tu vas encore te faire mal, puis tu es injuste envers toi-même.
-Si… je le dis. J’ai trente-deux ans et je suis toujours puceau !...
-T’es pas le seul, tu sais, dans ton cas…
-Avec la gueule que j’ai, je sais !
-J’ai pas voulu dire ça.
-Mais tu le penses Si tu le pensais pas, faudrait t’acheter des verres…
-Pourquoi tu vas pas aux putes, au moins une première fois, pour savoir comment c’est fait les femmes en-dessous ?
-Je finirai par y aller. J’attendrai jusqu’à trente-cinq ans par plus. J’ai encore l’espoir de rencontrer une femme qui fait pas ça pour de l‘argent…
-C’est bien que t’abandonnes pas. Vas-y Fernand, perds pas confiance. Elles le sentent quand t’as pas confiance... Rien qu’à m’en parler, t’as les mains moites…
-Merde, ça ressemble à quoi la vie, pour moi ?
-Tu peux le dire, la nature a été vache avec toi…
-Tu vois.
-Qu’est-ce que tu veux, c‘est au plus offrant… T’offre quoi, Fernand ? Avec la gueule que t’as ?
-Je me demande si, avant l’argent… le sexe n’est pas la première discrimination !
-T’as raison. On n’est pas égaux… T’as des gueules d’amour qui se posent pas la question…
-Pourquoi, ils se la poseraient ? Quand ça baise un homme, ça ferme sa gueule et à la limite, il a pas besoin de beaucoup de fric pour être heureux…
-Non, Fernand. Ramène pas tout à ça… Tu vas chialer comme l’autre fois. Quand tu pleures, je sais plus où me mettre…
-A trente-deux ans avec le fric que je me suis fait en bossant sans jamais sortir, je pourrais rendre une femme heureuse !
-Pourquoi tu sors pas, justement? T’as de la fesse en disco… Au lieu de ça, tu campes, aux Chiroux où t’as que de la rombière. Les abonnées… toutes des Natacha Illimitchna Rostov qui attendent leur Pierre Bézoukhov et qui finisent par se taper Rogojine, comme la pauvre Nastasie, sur le matelas IKEA de leur nuit de noces … le plumard maudit de la comédie érotique…
-Personne veut sortir avec moi, même pas les copains. La preuve, pourquoi tu sors pas toi, avec tes citations à la con ? Je suis pas ton copain ?
-Mais si t’es mon copain. Moi, c’est pas pareil. J’ai une mission, chaque jour à minuit, paf… puis j’aime pas les bars… les femmes qui traînent… les cigarettes pour passer le temps, les blagues à la con dites avec l’haleine de chien et le rouge à lèvres sur les dents…
-Les femmes qui traînent, tu parles pour toi…Elles traînent jamais avec moi. Elles se barrent.
-La musique qui matraque les tympans…
-Mon cul, oui. C’est juste que t’as honte d’être à côté de moi dans un bar. Cherche pas d’excuse… C’est la discrimination totale, le sexe, je te dis. Avec moi, tu divises tes chances par dix… Si c’était qu’un trou au milieu d’un bloc de viande une femme, ce serait plus simple. Mais c’est plus compliqué que ça
-Même vu ainsi t’aurais du mal. Parce que le paquet de viande d’en face s’achalande au paquet de viande qu’à un nerf. Même en boucherie, t’as pas la barbaque plaisante…
-Je sais, je fais abats… les morceaux pour le chat, c’est ma gueule.

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-T’as raison, Fernand, t’as deux ségrégations dans le foutoir humain, le fric et le cul. C’est une question de principes. Les effets de ces deux systèmes, sont parfaitement semblables et cumulables. Le libéralisme bourgeois, ou côté cul le libéralisme sexuel, c’est du kif. T’atteins des sommets d’inégalités absolues. C’est pas le plus méritant qui cumule, c’est le plus salaud…
-Oui, mais si t’as une sale gueule avec du fric, tu peux encore en tirer une.
-Mais t’as du fric, Fernand…
-C’est vrai.
-Tu vois… T’as des femmes qui se couchent, quand t’as le matelas !...
-T’en as qui ont des dizaines de femmes et d’autres qui font ceinture…
-C’est la loi du marché !... Essaie de t’appareiller. Fais du sport, de la chirurgie esthétique. On agrandit même les pénis de nos jours. T’arrives. Tu sors ton fric et tu feuillettes l’album des belles gueules. Tu veux celle d’Alain Delon quand il avait l’âge que t’as ?… Non, là, ça serait pas possible… de Belmondo et la queue de Rocco Siffredi ? Si t’as les biftons, tu rentre chez Jekill le matin et…
-Et je sors en mister Hyde au bout de quinze jours… merci…
-Voilà, c’est toujours ton pessimisme… Tiens, tu vois celle-là sur le trottoir d’en face, elle attend son client. Elle fait étudiante qu’a son Kot à payer… t’en seras quitte pour 50 euros, un max… Vas-y et je te parie qu’elle te saute au cou… …Alors, t’es déjà revenu, Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
-Quelle était indépendante, qu’elle choisissait ses clients, et qu’elle aimait pas les guignols ; mais qu’avec toi, elle voulait bien, même pour rien !...
-Elle a voulu te faire marcher. Je ne crois pas un mot de ce que tu dis. Tiens, je vais aller lui demander… Toi tu rentres à pied. Tu comprends à trois dans ma voiture. Puis la nuit, on sait jamais que tu ferais une rencontre, mais t’approches pas trop des réverbères…

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