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Papy fait de la résilience

-Je suis mal, Kéké.
-Tu n’as pas eu des parents convenables, Baba…
-Tu peux le dire, mon frère.
-Qu’est-ce qu’ils faisaient ?
-Mon père était gouverneur, dis donc…
-Et ta mère ?
-Elle était inscrite au parti socialiste…
-Qué malheur !...
-Tu peux le dire Kéké…
-Qu’est-ce que tu attends de moi ?
-T’es pas psy, mon frère ?
- Psi pourquoi ?
-Je suis la première génération traumatisée. Je veux me libérer du poids du passé !
-Attends là, t’es lourd…
-J’ai pas le temps, Kéké, vends moi ton kit de thérapie brève…
-Si t’avais été descendant d’Arméniens… fils d’un militaire israélien dynamiteur des logis palestiniens, héritier des terrains bordant le circuit de Francorchamps, neveu des Frères Happart… mais fils de gouverneur et avec une mère socialiste… C’est la thérapie longue.
-Combien de jours ?
-Des années, tu veux dire. J’ai le fils d’un avocat, député MR en thérapie depuis seize ans…
-Mais je dois me marier dans six mois, je peux pas attendre…
-Je sais Baba. Tant d’enfants traumatisés oscillent entre effondrement et anxiété… pourquoi tu n’essaies pas une nouvelle manière de vivre ?
-C’est quoi ?
-Tu les envoies se faire foutre et tu les laisses mijoter dans leur connerie.
-Je peux pas, je travaille dans les bureaux de mon vieux. Il aide ma mère à tapisser ma chambre avec les vieux posters de Di Rupo. Ma future femme est la nièce d’une petite cousine de la trésorière d’un club de militantes dont Anne-Marie Lizin est présidente !...
-C’est le double traumatisme… cas classique. Les troubles psychiques dont tu as hérité vont être également transmis à tes enfants…
-Veux tu être mon tuteur en résilience ?
-Tes parents t’ont parlé de ce qu’ils avaient vécu ?
-Oui. Mon père dort avec son costume de gouverneur, son coussin est fendu au milieu pour faire descendre son bicorne entre les lattes du sommier… Ma mère entonne l’Internationale chaque fois qu’il a une érection… ça fait quand même deux fois par an qu’ils me réveillent.
-Tu as reçu leur traumatisme en pleine tête, pauvre Baba…
-Comment amortir le choc, Kéké ?
-La solution la moins mauvaise, c’est ni se taire, ni parler à chaud, mais parler autour de façon dédramatisée. Tu connais le bistrot « Les burnes ontiques » ?

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-C’est un troquet avec mini foot, la patronne tient le pip-show des Guillemins à ses heures perdues…
-Je fais séance de résilience tous les samedis. Tu t’amènes. On t’écoute.
-T’as des autres traumatisés ?
-T’es pas le seul dans la résilience. Les parents sont tous à jeter… J’ai même un père qui rejette son propre père, sur le temps que son fils le rejette…
-C’est efficace ?
-Je vais être franc avec toi. T’es bon pour la thérapie longue.
-Sinon, je risque de transmettre mes traumatismes ?
-Ecoute Baba, si t’avais le matériel…
-Qué matériel ?
-Moi, pour les miens, j’avais un Walther P 38…
-Tu en étais arrivé là ?
-Oui. Mais on a fait des progrès grâce à M’sieu Boris Cyrulnik ta mère…
-Que faisaient-ils, tes vieux ?
-Mon père dirigeait une grande banque et ma mère était professeur de Droit constitutionnel.
J‘ai dû interrompre la chaîne de la désespérance pour sauver mes enfants.
-Tu veux me le prêter, le P 38 ?
-On a trouvé mieux. Tu chantes trois fois par jour le truc à Claude François… et tes résiliences ne t’abandonnent pas, mais ne t’empêchent plus de dormir… Tu chantes avec moi
(Ils chantent)
Je suis le mal aimé / Les gens me connaissent / Tel que je veux me montrer / Mais ont-ils cherché à savoir / D'où me viennent mes joies ? / Et pourquoi ce désespoir / Caché au fond de moi…

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