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Vive le Roy !...

On dit de la noblesse : « c’est des sales cons ». Ce jugement à l’emporte-pièce correspond à quoi aujourd’hui ?
On n’aurait pas tort d’exagérer le trait, à considérer le ramassis d’ordures titrées qui ont écumé l’Europe sous l’Empire et l’Ancien Régime, si les temps présents, chiants en diables, moralisateurs et illustrés de réussites commerciales douteuses, des exploits sportifs clinquants offerts à la ferveur populaire, n’étaient pas comparables à l’époque 1900, les dandys, Boni de Castellane, Cléo de Mérode, les Lions, les derniers survivants de l’ancienne noblesse ou de sa représentation aléatoire ?
Que de barons de mes deux, comtes du Chat botté, marquis de la main gauche, chevaliers du commerce foireux et ducs par faveur toute spéciale du droit divin que ces imbéciles heureux qui sont nés quelque part et sont morts avant 14 !
A la foire aux vanités que voilà des guignols de première !
Oh ! la saga des falsifications, de notaires envahis de faux documents, d’héraldiques cornichonneries deux lions têtes bêches sur fond azur et croix de Saint-André, de ces clubs de généalogies dont à défaut des membres, le président remonte au moins à Jules César, que nous font endurer leurs descendants ! Ces sangs bleus délavés ont depuis longtemps relevé la capote de leur tilbury pour cacher auprès de l’héritier du nom prestigieux, la fille dont la mère était poissonnière et sentait la caque de harengs, avant de posséder une flottille de bateaux de pêche.
Du coup les maltôtiers de la pureté de la race ont tellement recoupé le crû, que si leur cul descend toujours de Charlemagne, leurs traits accusent des dérapages vers des métissages plein SUD fort éloignés des ancêtres plein NORD.
C’est en euros que la qualité du brassage s’estime. Madame la comtesse aura beau amidonner la nappe d’autel de la paroisse la veille de Pâques, si le comte est sans un, ce ne sera plus qu’une paroissienne ordinaire qui aide Monsieur le Curé.
Depuis belle, les châtelains se sont reconvertis dans l’hôtellerie et c’est la baronne qui dit à la marchande de frites en vacances à la table d’hôte : madame est servie.
Certaines particules résistent. Il y en a même qui prospèrent dans l’industrie. On les voit descendre tout droit des siècles passés écumer les conseils d’administration où ils ne répugnent pas à se mesurer aux croquants à la coupe des coupons.
Féroces aux ciseaux, ils tiennent éveillé des heures le préposé aux coffres.
Le durillon facile, on les voit souffrir à compter les obligations faites pour eux quand l’Etat payait ses dettes à des 8 ou 10 % d’intérêt.
D’autres à force d’intrigues et d’anciennes relations, sautent des douves de leur croulant domaine sur le navire amiral de l’Europe ou de l’administration des banques.
S’appeler Jean-Yves de la Bretelle est négociable des marques d’apéritif, aux restaurants d’autoroute.
C’est pas tous les jours qu’un Eusèbe de la Tour Biseautée est manœuvre à ARCELOR.
Cette volonté de la noblesse de faire tirer la chasse sur ses étrons par des vieux domestiques vient d’une prétention à la supériorité sur les autres qui date du temps où les féodaux baisaient la fille du meunier, mangeaient les pommes du fermier et ravageaient les champs à la poursuite du sanglier dans la plus parfaite indifférence du travail des autres.
L’on devient noble au mérite aujourd’hui, encore faudrait-il savoir lequel ? Afin qu’il n’y ait pas de confusion sur la qualité de la marchandise, il devrait y avoir des critères : celui qui mange le plus de boudins à la kermesse, qui fait le tour de France sans guidon, ou qui descend le fleuve Congo en planche à voile ?
Allons, qu’allez-vous croire, je ne dis pas que les nobles sont tous des enfoirés et que le peuple est admirable. Nous avons à Liège depuis Notger, une belle collection d’abrutis dans les guildes et petits métiers qui ont bien donné la réplique aux gras et nobles chanoines de la cathédrale Saint-Lambert, rivalisant avec eux de veulerie et de vices. Les pires gredins n’ont-ils pas été ceux qui ont mis par terre le monument central de Liège pour tirer bénéfice des pierres et des plombs du toit, laissant pour les siècles suivants le soin de solder leur connerie, mettant loin derrière eux, tous ceux qui essayèrent de les égaler ? Ah ! ces révolutionnaires de 89 tant vantés, tant chantés, ils ont surpassé mille ans de dévoiement de la noblesse en une seule fois.
Mais, toute cette collection de tarés, ces monumentaux imbéciles qui étaient plus bas que terre malgré les Chartes, les Perrons et les assurances qu’on ne toucherait pas à leurs corporations, avaient sur les autres citoyens à brevet et talons rouges un immense mérite : ces gens travaillaient pour vivre et souvent durement. En plus de nourrir leur famille ils pourvoyaient aux chatoiements et aux décors des Palais des parasites accomplis. Rendons leur cette justice.
La vraie noblesse, celle du cœur et de l’esprit, n’est-elle pas plus ou moins répartie entre les hommes, sans autre distinction que celle qui se découvre par hasard et sur le terrain ?
N’existe-t-il pas suffisamment des personnes de qualité dans le peuple dont le mérite est plus grand puisque le chemin pour parvenir est plus long et plus difficile ?
Je m’en voudrais de ne pas citer au moins un duc et pair de France, pour faire la balance. Grand écrivain, peut-être un des plus grands, il fut tel à la cour comme à la ville, vécut et mourut en honnête homme et reste un des rares devant lequel j’enlève mon chapeau : Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon.
Que toute la noblesse eût ressemblé à cet homme, nonobstant ses défauts, par ma foi, j’eusse crié avec les Stéphane Bern de tous les temps : « Vive le roy ! ».

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