Requiem pour une gauche collabo
On peut aimer ou détester José Bové, sans pour autant minimiser lévénement du Larzac de cet été. Ce nest pas sur la seule persuasion du leader paysan que 200.000 altermondialistes se sont déplacés sur le plateau de Millau.
Le rejet massif de la gauche classique par les manifestants est en partie nourri du ras-le-bol de la politique néolibérale des partis socialistes européens.
La gauche européenne battante la bien compris dans son ensemble. Elle ne désespère pas de récupérer une partie des manifestants du mois daoût. La cohabitation, entre les collaborateurs sans état dâme du système et « lautre » gauche, nest pas facile au sein des partis socialistes. On en a parfois des échos. Cette semaine encore en Belgique, la récente prise de position de Monsieur Moureau sur le rapatriement de largent « gris » dans les projets du gouvernement, devrait faire réfléchir Elio Di Rupo sur la nature des accords de gouvernement signés à la légère.
Parfois chez certains militants du PS, à force davaler des couleuvres, la honte le dispute à la colère.
La recherche dalternatives à la marchandisation du monde suppose que les politiques néolibérales menées jusquà présent par les partis socialistes belge, allemand et français doivent être au plus vite abandonnées.
Cette législature, avec le renouvellement de lalliance entre socialistes et libéraux, retarde la recherche dune formule adaptée aux aspirations de lélectorat traditionnel de gauche. Le PS est entré dans une cocotte-minute dont il ne contrôle pas la soupape. Parmi cent preuves de sa dérive, citons la publication récente des Commissions européennes selon laquelle la Belgique à le pompon en matière de taxation des bas salaires – près de 50 % !
Le discours qui porterait à croire que cette alliance est la seule manière dinfléchir vers le social le diktat de la finance internationale apparaît plutôt comme la légitimation des emplois ministériels des socialistes, quune réelle prise en compte des réalités quotidiennes, avec le chômage qui reste élevé, les salaires qui stagnent, les pensions dérisoires, tandis que saccomplit le désir libéral sécuritaire qui nest quune manœuvre grossière de contrôler davantage le citoyen, sans réel résultat.
Toute tentative de rompre avec le passé à lintérieur de laction gouvernementale se heurtera aux privilèges de la finance et des holdings. On en a eu une démonstration lors des négociations avec ARCELOR où visiblement, cette multinationale a pratiquement eu ce quelle voulait sans rencontrer beaucoup de résistance. Les déboires de la SABENA il y a peu, font aussi la même démonstration jusquà labsurde, même si dans le désastre SWISSAIR a suivi. Car, que je sache, aucun des appareils de ces deux flottes na été emporté dans la tourmente. Ils continuent à voler, sous dautres couleurs et avec dautres montages financiers. Si lon pouvait avoir la liste des actionnaires des nouvelles entités, on sapercevrait que ce sont les mêmes. Seuls les personnels ont trinqué. Voilà la vérité. Nous avons assisté à une manière extrême de dégraissage.
Alors, la question est simple. Que font encore les socialistes aux commandes de ce foutoir ?
Bien sûr les socialistes nont pas encore leurs heures comptées. Ils peuvent même réussir à sen sortir. Ils ont avec eux la chance quaucun projet post-capitaliste nait émergé et ce nest pas la réunion du Larzac qui démontrera le contraire.
Quils se méfient cependant. Un nouveau bloc de gauche rassemblant les couches défavorisées peut sortir de leur néant. Avec lappui dintellectuels issus de tous les milieux et queffraient les dérives de lOMC, cela fait du monde.
La contestation fait entendre sa voix, chaque fois plus fortement dun sommet mondialiste à lautre. Que cette nouvelle donne cherche à se fédérer et paraître comme une alternative à léchec socialiste ne fait plus de doute.
Je vois mal lactuelle direction du PS tourner le dos à la collaboration avec le MR. Alors, quil faut espérer un changement, qui donnera le coup de torchon ? Par le passé, on a vu des défections célèbres parmi les carriéristes dès quun vent contraire les rejetait dans lopposition, loin des affaires. Faut-il redouter des départs vers le MR dans pareille alternative ? Probablement. Que faut-il craindre le plus ? Quils sen aillent ou quils restent ? Le débat est ouvert.
Dune législature à lautre, tout peut survenir. Te deum ou requiem ? Cest une question de feeling…