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Deuil. L’absence de douleur m’égare. (Jules Renard)

Pourquoi personne ne parle jamais d’un temps que les moins de vingt auront tous à connaître ?

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Honte à devenir vieux ?
Perspective repoussante pour une époque qui fait du jeunisme sa carte de visite.
Il est vrai que sans projet d’avenir cette société n’a pas autorité à se mêler de ce qui nous regarde tous.
Un peu aussi parce que les familles n’existent plus au sens ancien du terme et que nul n’a intérêt de se trouver dans l’humiliation d’être pris en charge par ses enfants qui n’en ont rien à foutre ou par des homes d’accueil dont l’unique mission consiste à dégager du cash sur le dos des pensionnaires.
Les trompe-la-mort qui nous dirigent éprouvent un malin plaisir à effrayer la fibre vieillissante qui croit en nous au fil des années. Comment va-t-on payer les pensions dans vingt ans ? Cette question, quand on en a quarante, frise le harcèlement moral.
Que va-t-on faire des vieux qui seront la majorité de la population dans trente ans ?
La question est mal posée.
La bonne question serait plutôt : « Que feront les vieux lorsqu’ils seront majoritaires ! »
La poser, c’est y répondre. On n’a jamais vu une majorité s’automutiler.
Quelle folie aussi de faire du long terme dans une démographie qu’une simple grippe du poulet pourrait modifier du jour au lendemain.
Sur le plan moral, ce n’est pas drôle du tout de prendre de l’âge.

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Les vieillesses heureuses n’existent que dans l’état mental d’aliénation et dans la publicité des pampers pour seniors.
A partir d’un certain âge, on devient curieux de soi-même, on se dit « Qu’est-ce qui va flancher le premier : le cœur, les poumons, les reins ? »
Cette transparence aussi que l’on acquiert au fil des ans sur les trottoirs. On devient invisible, parce que dans un certain sens la grande vieillesse est repoussante. Les vieux sont des miroirs dans lesquels personne n’a envie de se reconnaître.
L’hypocrisie des discours met en avant quelques généreuses personnes et institutions qui servent de couverture à l’irresponsabilité collective devant la perspective du vieillissement et son échéance, la mort.
Mieux, on fait de la pub avec des grand’mères qu’on s’enverrait bien à la sortie d’une boîte de nuit. Comme si c’était de la faute des vieux d’être perclus et malades et qu’il dépendrait d’eux de péter le feu dans la maison de campagne Bonux, sans jamais devenir moches, nourris par Maïté et dans les bras d’une grand’mère qui ressemblerait à Adriana Karembeu après quarante ans de mariage !

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Je me demande même si ce blog ne va pas perdre la moitié de ses lecteurs d’un coup en raison de ce sujet tabou et qui plombe le moral de tout qui y réfléchit un peu.
Pourtant, on aime la vie, mais à la façon dont Jules Renard nous l’a décrite : « La vie est brève, l’ennui l’allonge ». Alors, on s’essaie tous à l’allonger pour s’apercevoir que c’est de la plus mauvaise manière qui soit.
Mourir en bonne santé, juste au sortir de la table après avoir « tiré » une bénévole qui fait le grand écart trois fois par jour pour satisfaire vos sens, n’arrive jamais.
On meurt salement, on crève de mal, on a la trouille et souvent loin de tous ceux qu’on a aimé.
Il faut savoir ça, à l’avance, pour se tourner résolument vers la vie, vers l’action, tant qu’on peut.
Il faut savoir ça pour refuser le monde tel qu’on vous le vend et vous battre pour en faire autre chose que de la soupe libéralo-bourgeoise.
Sauf celles qui consistent à verser du sang innocent, toutes les révoltes sont bonnes : de l’ouvrier du samedi soir qui gueule au bistrot qu’il ne peut plus supporter son boulot, jusqu’aux écologistes qui pensent qu’au train où vont les choses, la planète d’ici un siècle ne sera plus qu’un cloaque.
Il faut savoir ça pour se rebeller et refuser la fatalité qui fait que des hommes rampent devant les maîtres qu’ils se donnent.
Il faut savoir ça pour être généreux envers ceux qui ne savent pas que l’on n’a qu’une vie, afin de leur apprendre à utiliser chaque seconde, comme si elle était la dernière.
Il faut savoir ça pour comprendre que le devenir de l’humanité n’est possible que si tous les hommes combattent les égoïsmes : le racisme et le capitalisme en premiers et que notre avenir ne deviendra meilleur que si nous ne laissons personne en route.
Alors oui, celui qui a vécu dans l’espérance et dans la lutte ne mourra pas dans le déshonneur et la lâcheté. Il mourra jeune passé quatre-vingts ans. Il se fichera de ce qu’on pensera de lui, satisfait d’avoir été « conscient » jusqu’au bout.

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