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Quand la barre est à droite et l’effectif à gauche

-Alors, mon salaud, tu n’es plus de droite ? Tu te rappelles nos discussions ?…
- Et toi toujours de gauche ?
- C’est difficile dans ce pays. Tu n’as pas répondu à ma question. Tu as viré ta cuti ?
- Moi ? Pas du tout.

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-Qu’est-ce que tu foutais au PS ?
- Mon vieux, secoue-toi. Le PS, c’est la nouvelle droite !
- Non ?
- Comme je te dis. Les Libéraux sont finis. Ils ont des idées, mais ils sont mous. Tandis qu’au PS !... Enfin, de l’action. Des patrons de la Fédération wallonne des entreprises ont compris. Ils ont pris la carte du parti… J’en connais un de Visé qui s’est affilié à Mons !
- C’est peut-être pour des subsides faciles ? Quand même, au PS, il y a des petites choses sympas dans le programme pour les petites gens…
- Ça ne repose que sur des impressions. Moi, j’ai vu leur stratégie. Je rédige des notes. J’écris des discours… Tu penses, si je suis enthousiaste. On se retrouve au meilleur de Gaston Eyskens de la loi unique et de Jean Luc Dehaene à l’entrée de l’Euro.
- Tu n’as pas changé ! Toujours aussi paradoxal.
- Pas du tout. Je suis resté logique avec moi-même. Libéral 100 %. Eh bien ! mon cher, la liberté d’entreprendre va connaître de grands moments, avec mes nouveaux potes du PS.
- Tu causes… tout ça c’est du vent… T’as des preuves ?
- Tu lis pas les journaux, mon vieux ? Di Rupo, c’est le Tocqueville des temps modernes, notre pape en religion ultralibérale. Tu veux des preuves ? En 95, Di Rupo qui était ministre vend la moitié du capital de Belgacom aux banques. En 2004, Vande Lanotte, socialiste flamand, appuie l’entrée en Bourse de l’affaire.
- Et alors ? C’est dans l’air du temps…
- Sauf que la privatisation aura rapporté quatre milliards et quart d’euros aux souscripteurs privés. Tout ce fric est un cadeau pour nous, la droite. Avec l’état des finances publiques, c’est un drôle de pastis pour la gauche ! C’est-à-dire pour toi, pauvre pomme…
- Il n’a pas été tout seul à décider…
- C’est ça, on l’a poussé dans le dos ! Les Libéraux auraient jamais osé… Michel est trop sensible, un fils de maçon, tu penses... Il empoisonne la droite avec ses idées de gauche. C’est bon qu’il aille se faire reliure à l’Europe.
- Tu es sérieux ?
- On ne peut plus. Tu veux encore un autre exemple que l’homme providentiel c’est Di Rupo ?
- Vas-y.
- Le 9 juin 99, Di Rupo ouvre la poste à la concurrence.
- Pas tout à fait…
- Juste. Rien que pour le courrier au-dessus de 350 grammes. Mais, c’est un début. Tu t’en doutes, pour généraliser la concurrence dans la distribution du courrier.
- Ensuite ?
- En avril 2004, son compère Vande Lanotte suggère de prendre conseil aux banques d’affaires Morgan Stanley et Degroof pour envisager une association avec un partenaire privé. TPG est intéressé. Moralité, on ferme les petits bureaux de campagne, qui n’intéressent que les vieux, les ruraux qui n’ont pas de voiture, bref, des gens qui ne plaisent plus à Di Rupo dans sa vision moderne du socialisme de collaboration. Tu vois l’ambiance ?
- Il est tendance. L’argent… la nouvelle référence. Le moyen de faire autrement ?
- Si faire du socialisme, c’est suivre les tendances, dans moins de cinq ans on est américanisés.
- Plus de sécurité sociale, des transports qui partent comme ils peuvent avec des accidents dus à la vétusté du matériel, une poste privée et des pannes de courant qu’on ne sait pas quelle compagnie est responsable, en effet, c’est un drôle de socialisme...
- Tu veux encore un exemple ?
- Vas-y !...
- Le chemin de fer. Comme tu viens de citer les transports. Vande Lanotte, encore lui, avalise en mars 2004, la scission de la SNCB en trois sociétés distinctes. C’est l’attaque classique en divisant … la privatisation qui se pointe. Même tactique que pour la poste.
- Et la SABENA ?…
- Le personnel a été couillonné par Di Rupo en personne. En 95, le président du PS, signe un accord avec Swissair, en beuglant sur les ondes et à la téloche que c’est une chance pour la Sabena. Tu parles d’un accord (qu’on n’a pas encore vu, attendu qu’il est toujours Top Secret !)
- Résultat, Swissair a bouffé toute la moelle de notre compagnie et quand il n’y a plus rien à se carrer sous la dent, elle déchire le contrat.
- …Six mois plus tard, les banquiers mettaient Swissair en faillite et reprenaient l’actif sous une autre dénomination pour ne pas payer un sou de dédommagement à la Belgique.
- Comment peux-tu être de droite avec ce raisonnement-là ?
- C’est pour toi que je le tiens. Parce que je t’aime bien dans le fond, même si t’es con de croire qu’il y a encore une gauche en Belgique.
- Quand tu entends la nouvelle équipe wallonne, sur les pensions… elle tient un langage rassurant !
- Ce que tu es naïf ! Pourquoi ne s’en prennent-ils pas aux pensions, du moins pas encore ?
- Oui. Pourquoi ?
- Parce que c’est l’ancien ministre socialiste flamand Marcel Colla qui a fait le ménage. Grâce à lui – si l’on peut dire – nous atteignons à l’âge légal de la pension fort tard par rapport aux autres pays. Ce qui nous donne une carrière fort longue et un calcul moins avantageux. Par contre, les prépensionnés – nos chômeurs de luxe – ne doivent rien attendre de bon de Vanden Broucke ou de son successeur… Là-dessus socialistes flamands et wallons sont d’accord. Quant aux chômeurs… la chasse est ouverte.
- Là, je te suis. Le but de la politique socialiste en matière de chômage n’est pas de remettre des gens au travail, mais d’exercer sur eux une pression pour qu’ils soient obligés d’accepter n’importe quoi…
- C’est-à-dire toutes les merdes avec un salaire de famine.
- Là on est d’accord. T’es quand même un drôle d’homme de droite !
- Pas sûr. Je fais leurs discours à l’opposé de ce que je t’ai dit… que la libéralisation est inévitable mais qu’elle sera contrôlée… pour les avantages sociaux, si on veut les conserver, faudra faire des économies… notre taux de chômage est trop élevé alors qu’il y a beaucoup d’employeurs qui ne trouvent pas à embaucher…
- Tu écris le contraire de ce que tu penses.
- Pas du tout. Je t’explique pourquoi tu es baisé par une gauche qui, en fait, n’existe plus, comme le syndicat qui couvrira juste ton licenciement par une consultation d’avocat…
- Peut-être. Mais, j’aime mieux être dans ma peau que dans la tienne. Au moins, même si je dis des conneries, je reste le maître d’une pensée que je ne déguise pas. C’est ma dernière liberté.
- Jusqu’à quand, banane !

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