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Sur le zinc du troquet « L’ASSOMMOIR »

Aujourd’hui, rien que du beau monde au Palais de justice de Bruxelles. Les petites frappes, les malchanceux sont priés de s’essuyer les pieds avant d’entrer, on juge ces Messieurs de la finance fleurdelisée française.
La Bourse retient son souffle.

Les autorités morales sont indignées : le professeur Choron a décidé de mourir la veille pour emmerder une dernière fois tout le monde. Le baron Ernest-Antoine Seillère ira à l’enterrement, mais restera informé par oreillette sur ce qui se passe à Bruxelles.
- C’est horrible, une justice rouge. C’est à n’y plus rien comprendre, alors que du PS au MR tout le monde est à droite !…
-Les ingrats !... Combien de fois ai-je dit à mon mari : « mais va donc voir en Corée du Nord, comment ces gens travaillent et sont respectueux des investisseurs !… »
-Si nous les figures de proue, de chez Chancel et d’ailleurs, on nous calomnie publiquement et que les forces de l’ordre se rallient à la rue, eh bien ! mon cher du Gland, nous ne sommes plus en démocratie… D’ici à ce que nous ayons un suppôt de Saddam ou pire de ben Laden usurpant le trône de Belgique, il n’y a que l’épaisseur d’une entrejambe de danseuse.
-Si nous n’achetions pas nos breloques place Vendôme, les sertisseurs seraient au chômage !

C’est tout un pan entier de la réussite officielle qui prend un sale coup avec 16 inculpés cités à comparaître, tous plus ou moins dirigeants, maquereautant, phagocytant le groupe Schneider.
Belle brochette – plus distinguée que les parvenus de l’affaire Elf - avec blasons, légions d’honneur, grande croix, médaille, pendeloque, tympan héraldique à l’imposte des doubles portes des gentilhommières, cousins de Saint-Louis et du concierge de l’ancien palais royal, bref, les meilleurs, la vertu contre le vice, le dessus de la corbeille boursière !...
- Non ! Comment avec le pognon qu’ils ont, i’ piquent encore aux autres ?
-Vas-y Mimile, comment tu crois que ça commence, l’oseille ? En turbinant sec à la FN ? En se chauffant le cul l’hiver à la sortie des fours d’USINOR ? Non, mon pote, les friqués commencent par la fauche… Aujourd’hui, c’est dans les Super, hier, c’était dans les cantines des mineurs, quand ils étaient au fond…
- C’est pas moral, ça…
- T’excite pas. Le gouvernement français n’est pas d’accord. Pineau Valencienne non plus… Victimes des jalousies, qu’ils disent, des vieilles envies ouvrières.

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-Pineau ? Celui de la bande des seize qu’a été tôlard en Belgique et versé 370.000 euros de caution, après 23 jours de réflexion à Saint-Gilles avant de reprendre le Thalys ?
-Exactly… Il y a aussi Chodron de Courcelle, le cousin de la femme de Chirac.
- Quand eux clament leur innocence, les modestes réclament un parloir…
-Voilà un bout que cette histoire compliquée traîne. A l’instruction depuis 1993…
- Comme l’affaire Dutroux ! Y avait une cache chez les de la Tour Penchée ?
- Oui, mais pas pour des fillettes, pour les liasses et les lingots.
-T’as remarqué, mec, ça peut pas faire comme tout le monde, les aristos ? Tu piques un vélomoteur, t’as deux ans ferme. Eux déménagent le dépôt de mobylettes, le gouvernement français s’insurge !... Ils clament leur innocence… Ça finit en sursis !
-La justice porte quasiment atteinte au patrimoine… décapite l’organisation patronale.
-Ce ne sont pas tous des salauds. Ça se saurait.
-T’as des exemples ?
-Celui qu’a hérité d’un voyou, n’est pas voyou tout de même ?
- Si un peu, 100% innocent et 100% receleur ! Tu sais, la famille… l’hérédité… c’est pas rien.
-Qu’est-ce qu’ils risquent les 16 ?
-Cinq ans max. T’as déjà vu un patron en cage pour cinq ans, toi ?
-Non. Le seul qui risquait turelure, s’est sorti du circuit tout seul.
- Tu veux parler d’Alain ? C’est pas la même chose. Pineau n’est pas soupçonné d’avoir refroidi un actionnaire.
- Non. Il s’est contenté de les foutre sur la paille.
-Au fait comment l’arnaque s’est faite ?
- Ils répondent d’accusation d’usage de faux et d’infractions comptables dans la gestion de Cofibel et Cofimines, deux filiales belges du groupe électro-technique français dont Pineau a été le patron de 1981 à 1999. L’affaire est née du rachat en 1992 par Schneider des actions qu’elle ne possédait pas encore dans Cofibel et Cofimines à un prix qui aurait été sous-évalué, ce qui aurait lésé les actionnaires minoritaires des sociétés belges.
-C’est un transfert… Les bouseux qui croient au père Noël se ruent sur une firme dont on leur dit qu’elle va sucrer autour d’elle. Ils défoncent leurs tirelires. D’une ampleur comparable à l’affaire Assubel, le procès Pineau-Valencienne a tout de la criminalité en col blanc. On y trouve des sociétés occultes, des valorisations suspectes et des transferts. Tout ça pour entuber le petit porteur.
- Les sociétés belges se sont fait rincer le fonds de caisse par la société mère, un peu comme la Sabena par Swiss Air ?
- Il y a de ça.
- Faut croire qu’on prend l’actionnaire belge pour un con !
-C’est qu’il l’est.
-Comment ?
-Tous les belges sont des cons, pourquoi les petits actionnaires n’en seraient pas aussi ?

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