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La consigne d’Arlette…

Evidemment, il y a les vacances de carnaval. Si la population dans son ensemble n’est pas présente sur les pistes alpines et encore moins à s’agiter avec les cariocas sur les trottoirs mosaïques de Buenos-Aires, elle doit se satisfaire à ce qu’en disent les conteurs de la joie officielle.
Comme jaspine l’optimiste « si tout le monde ne part pas en vacances de neige, presque tout le monde a les moyens de s’évader quelques jours de la ville. » J’admire ce « presque tout le monde » en ce qu’il recèle déjà une interprétation libérale de la loi des nombres.
Oui, ce pays sur les affiches vit bien. Il a sa réputation de belle vitrine de l’Europe à l’étranger et ses ambassadeurs sont bien propres sur eux, avec train de vie et tralala adaptés.
Ses belles avenues vont des profondeurs de l’Ardenne aux réserves ornithologiques de Knock-le-Zout. Il n’y a jamais eu tant de richesses ostentatoires dans les parures et les voitures… aussi peu partagées. Quand les fonctionnaires de l’Europe descendent sur Bruxelles, ce n’est pas en métro. Ils n’ont pas précisément le singlet de Marlon Brando dans « Un tramway nommé désir ». Leur charme réside plutôt sur leur compte en banque.
Les « considérés » qui glissent silencieux sur les moquettes de direction se sont acoquinés d’ex trublions jadis faméliques : les politiciens. Ils complètent la belle brochette des joyeux fêtards de l’Europe. L’Haut-lieu devrait se faire violence pour retourner à sa pauvreté et à sa médiocrité originelles.
On voit même parfois, fait rarissime, un loustic pas bien armé pour la vie, sauter gaillardement la barrière avec un Loto gagnant en poche.
Mais à part ça, tout ne va pas si bien dans cette foire d’empoigne à 500.000 chômeurs et à 500.000 pensionnés dans la pauvreté, sans compter les hors circuit, vivotant de charité et de petits boulots, des travailleurs au minimum, les demi portions du travail (mi-temps) et les naufragés du petit commerce.
Ça monte à combien, d’après vous, le déchet « inévitable » : un, deux, trois, quatre millions de personnes ? Et c’est ça qu’on appelle une société qui a réussi ?
La sélection capitaliste a rangé dans les placards ceux qui, d’une manière générale, n’ont pas été armés pour ses critères. Il ne pouvait pas en être autrement. Ne serait-ce que par l’impossibilité d’assurer la prospérité à tous. Ce qui est possible pour quelques-uns deviendrait impossible pour tout le monde. Donc, il faut trouver un système sélectif.
Et c’est là qu’intervient le statut, non pas pour la recherche des droits identiques, mais pour que la discrimination inévitable fût acceptable sans perspective de désordre.
- Ah ! bon. Toi, c’est pas pareil. T’as pas le même statut. T’as même pas de statut du tout.
Et c’est en cela que la société capitaliste a réussi. Elle a accompli ce tour de force que ceux qui sont écartés par l’arbitraire sélectif de l’argent et des capacités à en gagner en aient conscience soumis et passifs, encadrés par des responsables politiques qui, dès lors, ne sont que des comparses de la mise en boîte. Les pauvres sont culpabilisés de leur état de pauvreté. Le comble, quand on songe qu’ils sont les seuls à rendre la dignité aux « statuts » en leur donnant la possibilité de faire un examen de conscience (Ce qu’ils se gardent bien de faire).

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La société libérale a ainsi proclamé avec insistance l’égalité de tous ses membres pour mieux s’efforcer en toute impunité de les ranger en ordre décroissant, dans l’évidente intention d’exclure ceux qui apparaissent impropres à son fonctionnement.
Ayant ainsi trop bien réussi avec sa piétaille, le capitalisme ne s’est pas longtemps frotté les mains d’avoir anéanti l’extrémisme de gauche. Il avait oublié son excès : l’extrême droite. Et voilà que dans une aberration incompréhensible, les déboussolés de gauche rallient l’extrême droite, parce que s’ils savaient, ils fuiraient à toutes jambes. Mais le fait est dans les Flandres…
J’approuve le raisonnement d’Arlette Laguiller qui a donné des consignes d’abstention dans les élections présidentielles entre Chirac et Le Pen. Les partis majoritaires belges récoltent ce qu’ils ont semé, qu’ils se débrouillent avec le Vlaams Belang. Ce n’est pas après s’être foutu des petites gens qu’on demande leur aide. Si en France personne ne met en cause l’intégrité d’Arlette Laguiller et sa vocation de gauche, je ne vois pas pourquoi, en Belgique, avec les mêmes arguments, cela serait différent ?
C’est quand même la défense de leur système qu’ils ont baptisé Démocratie, qui est ici en cause. Ce n’est pas le mien. Qu’ils aillent se faire foutre.

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