On se prépare un de ces avenirs !...
On la très bien compris, sauf dans les milieux syndicaux, la récente éviction des premiers chômeurs pour une période déterminée, laisse augurer après les sanctions pour ne pas avoir répondu à une convocation, quil y aura des suppressions dallocations pour non recherche dun emploi. Voilà qui en dit long sur la politique socialo-libérale qui sinspire directement du « Help your self » typique du réalisme américain.
Lémulation comprise de cette manière est la pire façon de produire des esclaves pour les futurs développements du capitalisme.
En effet, on demande à des gens exténués et écoeurés de la façon dont on les utilise de redevenir agressifs sur le plan du travail en recherchant nimporte quoi pour ne pas déchoir davantage.
Ces chômeurs menacés nont dautres alternatives que devenir des marginaux ou reprendre au plus bas de la file le chemin des petits boulots, des intérims douteux. Un nouveau genre de vie, en somme, dun misérabilisme confondant en comparaison duquel le parcours du sans-travail était une sorte de petit paradis.
Jentends les contribuables actifs sortir les couplets distillés par le pouvoir et condamnant le parasitisme, lentretien dinutiles, etc. pour aboutir à la conclusion que le chômage nest pas le résultat dun manque de travail, mais le fait du chômeur lui-même.
Qui ne voit aujourdhui la pente sur laquelle nous sommes ? La perte progressive des avantages acquis tout au long des luttes ouvrières est un des constats premiers de la dégradation générale des conditions de vie, le droit au travail, les horaires fixes et réglementés, les normes dapplication dans les industries de production intensive, lallongement de la durée du temps de travail, la suppression de la prépension, tout est remis en question, raboté, renégocié, etc.
Les chômeurs, dont il reste encore à en faire des « bout de droit » comme en France, grossissent ce que jadis on appelait la réserve de main-dœuvre afin déviter la surchauffe. Ils servent de tampon entre les revendications des travailleurs estimées excessives par le patronat et le lumpenprolétariat inscrit ou non dans les CPAS. Au préalable, on aura prédisposé la population active à critiquer les « parasites ».
Les chômeurs ne coûtent pas tant à lEtat et au patronat que certaines autres dépenses sur lesquelles on ne discute pas et qui ne servent quau prestige ou aux manies dépensières de quelques-uns. En forçant les chômeurs à accepter nimporte quoi, on conforte les négriers – comme certaines sociétés de nettoyage – de puiser dans un vivier dune main-dœuvre qui nest pas en position de refuser linnommable. Ce nouveau créneau dexploitation de la misère intéresse au plus haut point les marchands louches et les industriels les plus doués en mercantilisme et friponnerie. Ce marché-là tire tous les autres vers le bas, y compris lunivers douillet du fonctionnaire dont par ce biais, on arrivera à la diminution de ses avantages.
Cette vision de la société, dite à laméricaine, a de quoi inquiéter. Elle préfigure la fin de lillusion des partenariats producteur/travailleur/consommateur et ouvre une ère de recherche du profit qui revient à ce que pensait Hobbes dans sa vision de la fin dune société : lhomme est un loup pour lhomme.
Si lon estime que laugmentation prodigieuse du PNB sur les cinquante dernières années était due à une société bien structurée avec des pouvoirs forts des syndicats et des classes dirigeantes liées par des accords, il est vraisemblable que linverse vers lequel nous allons verra une Société en déclin avec de fortes inégalités sociales dont la conclusion sera la guerre civile.
Car lEurope nest pas lAmérique, lesprit pionnier ny a pas cours. Les mœurs ne portent pas en elles langélisme et la foi dans un système libéral qui ne conduit pas nécessairement lensemble de la population vers lexaltation de lEtat démocratique, au point de ne pas voir la misère qui gagne les populations les plus fragiles au bénéfice des plus riches.
Au contraire, les Européens, sans loser pouvoir dire encore, nestiment pas « humaniste » lexploitation de la main-dœuvre à laméricaine. Ils déplorent que les citoyens soient mis dans lalternative dune constante compétitivité pour conserver leur emploi.
Cette dégradante réalité, loin dêtre un « challenge » sert dargument à piétiner les autres.
En instituant un nouveau régime qui traque les chômeurs alors que le taux de chômage est deux fois plus élevé en Europe quaux USA, on fait mieux quimiter ces derniers. On argumente pour un travail qui nexiste pas. On fait un pas de plus vers une déshumanisation des rapports entre les citoyens.
On sombre dans un dégoûtant empirisme.