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Paris brûle-t-il ?

Les événements de Seine-Saint-Denis à Clichy-sous-Bois sont à la fois des violences en réaction aux forces de police protégeant la propriété bourgeoise et un malaise touchant à l’évolution de la société, de la part de jeunes ne se reconnaissant pas dans les composantes d’un libéralisme amalgamé à la démocratie.
Les faits :
Première nuit d’émeutes
Les échauffourées ont eu lieu après une intervention des pompiers qui portaient secours à trois personnes électrocutées. Deux adolescents de 15 et 17 ans sont décédés. Ils s’étaient réfugiés dans un transformateur pour échapper à la police, intervenue alors qu’une dizaine de jeunes gens auraient tenté de forcer une baraque de chantier. Bilan : une quinzaine de véhicules incendiés.
Les violences continuent :
Dans le quartier du Chêne-Pointu, dans la nuit de vendredi à samedi, environ 400 jeunes affrontent 250 à 300 policiers et gendarmes. Sept policiers sont légèrement blessés à l’issue des échauffourées. Une trentaine de véhicules et dix poubelles sont incendiés.
Cinq cents personnes marchent en silence samedi matin pour rendre hommage aux deux adolescents morts électrocutés. En tête du défilé, une quinzaine de jeunes portent des T-shirts blancs sur lesquels on peut lire d’un côté le nom des disparus, et de l’autre "Mort pour rien".
Une troisième nuit plus calme
Les pompiers décomptent 17 feux de poubelles et quelques véhicules incendiés dans la soirée, mais ne signalent aucune violence.
Cette troisième nuit n’est qu’une accalmie passagère.
Par la suite, la contagion gagne trois départements et les incendies volontaires de voitures se multiplient dans les nuits qui suivent.

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Le gouvernement Villepin est mobilisé. Sarkozy développe un projet. La méthode Sarkozy soulève des controverses, même dans la majorité. Chirac appelle au calme.
Cette insurrection larvée inquiète tous les milieux. Elle n’est ni le résultat d’une petite délinquance, ni d’une criminalité générée par l’oisiveté forcée des jeunes chômeurs et leurs activités de « débrouille ». Elle est la conséquence d’une seule dérive : celle de notre société de consommation, dite démocratique et de plus en plus inégalitaire.
Dans le futur, à moins de gérer cette violence urbaine de protestation par les forces de police, ce qui pourrait anéantir ce qui reste des libertés citoyennes et voir la naissance d’un régime autoritaire, nous glissons insensiblement vers une apocalypse nouvelle purement intérieure de l’Union européenne.
Nous assistons au début d’une désagrégation, d’une décomposition des tissus sociaux, d’une pulvérisation du ciment social et politique.
Dans les années qui viennent, la notion d’exclusion s’élargira de plus en plus, jusqu’à la fin quasiment de la civilisation dite industrielle.
Il s’agit bien ici d’une fracture au niveau des inégalités dues à la mauvaise répartition des fruits de la croissance. Que va-t-il se passer lorsque les pénuries de carburant et de matières premières auront réduit celle-ci à son niveau zéro pour de longues années, sinon pour toujours ?
Nous sommes bien à la fin des années d’euphorie et d’expansion. La persistance des foyers d’exclus démontre que la croissance n’est pas suffisante pour intégrer toute la population dans une relative prospérité générale.
C’est la faillite d’une idéologie et d’un discours.
C’est l’écroulement d’un rêve : celui d’un emploi pour tous.
Les mécanismes d’assistance, largement inspirés des luttes syndicales, ne sont pas parvenus à entamer l’isolement de dizaines de milliers de citoyens, dont beaucoup de jeunes.
Mieux, tous les chiffres indiquent la dérive du système capitaliste vers la société à deux vitesses dont on redoute tant les effets. Les premières mesures gouvernementales qui tendent à restreindre les frais sociaux et faire des économies sur les revenus de substitution, loin d’être efficaces, sont de véritables bombes à retardement.
Les espoirs des libéraux , comme ceux des socialistes se brisent sur une évidence : les bienfaits du développement économique ne s’étendent pas à tous. La production massive des biens ne s’accompagne pas d’une intégration de l’ensemble de la population. Des laissés-pour-compte se comptent par dizaines de mille et sans doute demain, par millions…
Bientôt, dans les remous de l’après pétrole, de nouveaux exclus viendront s’ajouter aux anciens. La croissance zéro va fragiliser de nouveaux groupes.
Dans les groupes que la prospérité va quitter au moindre reflux de l’économie, des gens modestes glisseront dans la misère, des gens prospères dans une médiocrité dont ils n’ont pas idée.
Les nouveaux pauvres s’ajouteront aux anciens. Des situations comparables à celle de la Seine-Saint-Denis pourraient déborder la police au point de créer un climat insurrectionnel général. La tentation des riches libéraux serait de faire proclamer la loi martiale. Pour défendre leurs privilèges, les milieux de la finance trouveraient aisément un appui chez les libéraux et même les socialistes, comme cela s’est vu lors des grèves de 60-61 en Belgique.
Devant la vraisemblance de ses sombres perspectives, ne conviendrait-il pas de revoir le système économique libéral ?
Est-il encore temps ?

Commentaires

Revoir le système économique libéral?
Comment faire tant que nous (pauvres comme riches de nos sociétés) restons accros aux valeurs de consommation?

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