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Démagogue ? Un métier !

C’est simple pour la gagne. Ce sont d’abord les grandes gueules qui passent le mieux. Etre à l’aise, manier les plaisanteries, se rendre sympa, c’est un don… Le public aime le genre mareyeur à la halle aux poissons. Mais attention, pas de faute de goût. La grande gueule à la télévision est plus calme, moins bruyante, mieux vêtue, tout en ne laissant pas parler les autres, afin que les traditions ne se perdent pas.
Le démago arbore une cravate pour un face à face, quand l’autre a le col ouvert. Et l’inverse quand l’adversaire joue la carte bon enfant. La chemise ouverte pourrait dans un meeting de droite faire jaser le bourgeois. Ce n’est donc pas une règle absolue.
Le démago lance des anathèmes, des paris. Louis Michel avec sa « rage taxatoire » avait trouvé la formule. La marteler, y revenir, tourner autour, asséner à partir d’elle des « certitudes »,
Le public aime l’image choc, dite avec force et passion.
Des trucs de tribun, il y en a quelques uns que le tout venant de la surenchère met en pratique.
C’est sur les tréteaux que cela passe le mieux. Quoique les premiers mai, avec l’idéologie centriste de nos socialistes qui ont remplacé les Cocos à la gueulante satisfaite, c’est beaucoup plus mou qu’avant dans l’invective. Michel Daerden s’applique. Il lit. C’est mauvais. Le public n’aime rien tant que l’impro… André Renard était peut-être avec André Cools, les deux dernières grandes gueules de Wallonie, si l’on excepte Louis Michel et d’une certaine manière Guy Mathot, avant qu’il eût fortune faite.
Les vedettes d’un meeting, pour faire monter la sauce, sont rarement dans la salle dès le début de la réunion. Ils sont absents, mais on les attend. Du moins, on les espère. Dès qu’ils sont arrivés, le bruit en court. La salle est en attente. Enfin, les voilà, tant mieux s’ils sont venus de Mons par hélicoptère, ou par quelque moyen extraordinaire. Evelyne Huytebroeck en trottinette électrique, ça fait classe !...
Une fois installée, la vedette ne tient pas en place. C’est Mick Jaeger en concert. Pour que tout le monde la voie, elle arpente la scène.
Depuis les réformes et la paranoïa au centre, la gauche s’est assagie. Le corps des leaders disparaît à demi derrière les pupitres fermés du bas, pour pas qu’on rigole en voyant les chaussettes. Celles de Busquin, quand il était président, étaient fines et en soie. Cet homme s’habillait dans les grandes maisons de couture. Ses conseillers auraient dû empêcher cette faute de goût. Pour Joëlle Milquet ou toute autre femme, c’est pire. Les silos d’oranges ferment complètement la vue sur le bas des jupes au CDh. La coquetterie ne perdant pas ses droits, il s’agit de ne pas être fagotée, mais pas non plus que le tailleur soit de chez Chanel. Avec ses larges foulards, ses pantalons flottants et ses chemisiers en fine imitation soie, Laurette Onkelinx a l’avantage de cacher sa maigreur et sa petite taille en dérobant à notre vue des souliers à très hauts talons.
La stature est importante, les grands et les obèses passent plus facilement. Être rondouillard suppose qu’on a un bon caractère et la haute taille a l’avantage de dominer les autres. Les rondouillards de la Carolorégienne avaient tout pour rafler la mise. Ils étaient trop en confiance. C’est cela qui les a perdus. J’ai connu un médecin de la périphérie liégeoise qui avait travaillé ses pectoraux et rembourrés ses vestons aux épaules. Si bien qu’installé dans le premier ou le deuxième rang, on ne voyait que lui.

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Dans le discours d’un démago pas de fioriture. Une seule idée avec une seule tête de turc par meeting, ça suffit. L’ennemi peut être sifflé. On peut le haïr. Comme il n’est pas là pour se défendre, il a toujours tort… soulager les tensions, focaliser les esprits sur l’homme à battre, restent encore les meilleurs moyens d’asseoir sa volonté au détriment de celle des autres.
Les discours construits ne servent à rien. Asséner des chiffres est une erreur, qu’un démagogue dans la salle vous lance qu’ils sont interprétés, voire inexacts, personne ne soutiendra le contraire et vous voilà décontenancé. Le démago doit garder quoi qu’il arrive un certain sourire, même s’il se fait traiter quasiment de con. Il ne doit surtout pas montrer son désarroi. Cela serait la preuve qu’il ne connaît rien à son ministère. On ne lui demande pas d’être compétent, mais de faire compétent.
Une familiarité avec le public est toujours souhaitée, un surnom, un sobriquet, même qui dénonce un défaut, peuvent déclencher des ondes de sympathie.
Le grand ennemi, c’est de passer pour un intellectuel. Avec son cursus trop souvent claironné par les journaux, Elio Di Rupo est handicapé. Il est obligé de faire des discours plus élaboré et donc plus chiants que les autres, pour soutenir sa réputation dans les cercles privés et les rédactions. Cela lui fait du tort et le mine aux yeux du populo. Surtout que, comme les autres, il n’a pas grand-chose à dire dans un pays où ceux qui font la pluie et le beau temps sont dans les coulisses, les banques et les Conseils d’administration.
La Belgique partage avec la France le goût du bel esprit tout azimut. Faire rire la foule est un art. Ce n’est pas avec une finesse d’Alphonse Allais ou de Jules Renard qu’il faut faire rire, mais avec les pages de l’almanach Vermot. Une contrepèterie peut passer quand elle est simple, avec une mutation de deux lettres au maximum. Et encore, il faut prévoir un baron dans la foule qui répète les inversions hasardeuses pour ceux qui n’auraient pas compris, de sorte que tout le monde s’esclaffe au même moment.
Démagogue ? Un métier.

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