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Daniel, tu nous manques déjà !

C’est fait, dis donc ! On a un pensionné de plus.
Celui-là a un peu traîné. Si ç’avait été un employé ordinaire, il aurait été fichu à la porte de son groupe à 55 ans, prépensionné-chômeur jusqu’à 65 ans et puis, bon vent à mille euros de pension par mois en attendant la caisse en sapin.
Verhofstadt aurait gémi sur la charge trop lourde pour le pays que les pensions représentent et réclamé 600 euros de rabiots sur la déclaration d’impôt du zombie social, chaque année.
Mais bon, le Belge aime le merveilleux.
Celui-là, quoique n’ayant guère secoué des sacs de soude lors de sa brillante carrière, a quand même été nommé baron pour service rendu !
C’est dire la promotion.
L’arrière arrière grand-père du baron Daniel Janssen, donc, puisqu’il s’agit de lui, a trouvé voilà plus de cent ans un procédé de fabrication de la soude, extraordinaire pour l’époque et tout à fait dépassé aujourd’hui. Ce qui a permis la fameuse constellation Solvay, soit 2.400 personnes d’ayants droits et descendants divers aux guichets à se faire des durillons à couper les coupons. C’est que ça lapine sec dans l’Haut-lieu !
Voilà du coup le baron figure emblématique.
Une figure emblématique, c’est quelqu’un qui peut petit déjeuner à Bruxelles, se farcir à midi une saucisse à Frankfort et manger en face de Julia Roberts aux étages restaurant de l’Empire State Building le soir.
C’est donc sur ses seuls mérites que le baron fut le président du conseil d’administration de l’entreprise du grand-papa inventeur.
On aime les belles carrières en Belgique. De ces réussites où seules comptent la pugnacité et la volonté de vaincre individuelles.
Dire si on aura du mal à le remplacer, voire si ce sera impossible de faire mieux, les grandes Maisons s’inquiètent.
Voyez-vous que le secret de la fabrication de la soude vienne à se perdre comme l’eau miraculeuse de Catherine de Seraing ? Et voilà le monde industriel à l’arrêt !
L’économie belge est donc en deuil à l’avance.
Ni Aloïs Michielsen, ni Christian Jourquin ne sont de la constellation Solvay. Ils seront donc barons aussi, mais plus tard, quand les actionnaires seront rassurés.
«Pour la première fois, ni le président du comité exécutif, ni le président du Conseil ne seront des membres de la famille Solvay », s’est lamenté mardi Daniel Janssen, à l’occasion de l’assemblée générale du groupe à Bruxelles.
Alors, tous incapables dans les 2.399 solvayistes restant ?
On a déjà du mal à ce qu’Arcelor devienne Indien, pour dire « Mais où va-t-on ? Que fait la police ? » pour nous écrier : pas elle, pas la soude Solvay aux Américains…
Heureusement que pour la Belgique et le monde, le baron ne part pas tout à fait.
Mécène de père en fils, né en 1936, le baron Janssen a créé en 1911 les Conseils Solvay, s’il faut en croire le journaliste de la Libre Belgique. Cette création issue d’un effort personnel 25 ans avant sa naissance constitue un exploit en effet, digne de l’ancien patron de la FEB, dont la devise s’inscrit dorénavant sur tous les frontons de l’Haut-lieu : « A l’impossible nul n’est tenu, sauf pour Daniel ».

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Quant aux engagements politiques du baron, n’en parlons pas.
Nous en parlerions tout de même que notre insignifiance ne relèverait en rien la Haute participation de Daniel à la destinée fabuleuse de notre démocratie triomphante.
N’est-ce pas grâce à lui que tout ce qui est sera, comme tout ce qui a été le fut grâce à l’aïeul qui sut de la soude en faire admirer la synthèse à une époque où la ménagère allait encore à la rivière battre son linge. Ce fut donc grâce à la soude Solvay que nous eûmes droit à nos premières pollutions.
La Libre Belgique n’en restera pas là.
Le Belge à soif d’histoires merveilleuses. Il est question de tenir à l’œil baronnes et barons pour les mettre à l’honneur. Pour faire bonne mesure, il sera tiré au sort parmi d’autres pensionnés plus obscurs, un nom par mois, qui sera, lui aussi, chanté par les bardes du journal afin de démontrer qu’on y est juste et qu’on aime le peuple.
Aussi, nous pouvons annoncer que le mois prochain, à côté du baron du jour, nous célébrerons la mise à la retraite symbolique d’Antoine Pouilleux, chaudronnier, licencié à 47 ans et décédé à 62 ans dans un accident du travail comme intérimaire. Pouilleux, même s’il avait vécu n’aurait pas signé la décharge de sa prime et ne l’aurait pas obtenue, car il avait laissé trois doigts lors d’un premier accident.
Il eut le bon goût de décéder avant la retraite. C’est tout à son honneur. Au service de l’Industrie, c’est-à-dire de la Belgique, il a compris où était son devoir.

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