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Juste un mot sur le mondial.

Non, je ne décrierai pas le foot.
Que 22 types dans une prairie courent après un ballon, se le disputent pour l’envoyer dans les filets de l’adversaire, soient des actions tout à fait limpides et ordinaires, cela ne fait aucun doute. Le foot est un sport comme un autre, qui a l’avantage de se jouer n’importe où et qui sert aussi bien d’amusement aux travailleurs après le boulot que de défoulement aux jeunes désoeuvrés des banlieues.
Mais que cette saine banalité se déroule au centre de cinquante mille personnes qui ne font rien d’autres que s’engueuler et boire des bières, que les vedettes, la balle au pied, soient des dieux, payés comme les pires escrocs du système sans que cela soit répréhensible, que des gens se privent de tout pour acheter un billet du spectacle, cela dépasse l’entendement.
Par ce côté, le foot devient un phénomène social.
De l’étude qui en est faite, il ressort que les foules ne changeront guère : engouement subit, passion pour le « héro », dangerosité de l’erreur collective, mauvais goût, nationalisme imbécile, frivolité et inconséquence, voilà les attributs qu’il faut craindre, non pas sur les stades, mais après, quand dans la vie publique, la vie citoyenne, les passionnés (pas tous mais la plupart) n’auront gagné qu’un peu plus d’immaturité et un peu moins de sens critique.
Ainsi se gomment les paradoxes d’une société dans laquelle le smicard parvient à faire abstraction de sa misère pour s’enthousiasmer d’un type qui perçoit 100 fois plus que lui pour taper du pied dans un ballon.
Du coup, que vaut le travail et comment concevoir de telles disparités, si ce n’est en admettant qu’elles aient lieu partout ailleurs que dans le sport et presque toujours du fait du prince, c’est-à-dire de façon injustifiée.
En réalité, le sport annoncé sur tous les supports médiatiques, commenté avec les trémolos des voix incantatoires des reporters qui participent aux transes collectives, est moins un sport, qu’un outil pour déconcentrer les foules de leurs vrais problèmes, les faire douter des priorités et anesthésier leur besoin de justice.

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Cette coupe du monde aura peut-être permis à quelques mandarins de voler un peu plus leurs semblables, à quelques chefs d’Etat de faire oublier leur népotisme et aux Indiens pauvres d’Amérique du Sud de mâcher un peu moins de feuilles de coca.
Mais pour tous, elle aura été un degré de plus descendu dans l’excès inutile, une indécente manière de gommer une autre actualité qui en reculant, fait aussi reculer l’humanité entière.
A côté des coupes en métal doré qui ne valent rien en elles-mêmes et que brandissent les vainqueurs, l’introduction des notions financières de récompense est une invention assez récente, puisqu’elle s’amorce dans les années 1920. Avant, depuis l’aventure du cirque romain, les vainqueurs étaient adulés, choyés, fêtés, rares étaient ceux qui retiraient directement de leur exploit, les biens qui leur auraient permis de se la couler douce jusqu’à leur mort. Depuis, cette récompense s’est considérablement gonflée au point d’atteindre des sommes astronomiques pour l’achat des joueurs et leurs traitements.
N’est-ce pas là le signe évident du capitalisme triomphant ? Un capitalisme de toute évidence affranchi de toute morale et qu’il serait vain de vouloir réhabiliter, comme s’efforce de le faire le MR en Belgique, au point d’inventer une morale « adaptée », comme s’il était possible d’en présenter une qui ne fût pas une odieuse parodie.
En cette coupe du monde, de l’aveu même des bonimenteurs qui s’extasient sur les salaires de leurs stars, on pense avoir atteint le sommet de ce que l’on peut faire.
Je ne le pense pas. Les chiffres pharamineux ont encore une marge de progrès. Elle tient dans le détricotage des acquis sociaux et de la chute des salaires des citoyens. Car, où croyez-vous que les fortunes que l’on jette à la tête des Zizous, Beecham et autres merveilles footballistiques, proviennent ? Mais de notre travail, pardi !...
A la suite de cette réflexion, comme paraissent encore plus stupides ces aficionados des banlieues pauvres, peints comme pour aller à la guerre, vociférant des slogans qui lorsqu’ils contiennent deux idée, les dépassent, s’engouffrant dans les cars en sonnant de la trompette, et en sortant ivres plus qu’à moitié, revenant après le match déçus ou triomphants, et dans les deux cas cherchant la castagne !...
Fin de race, fond sordide, immuabilité de la bêtise, on aura tout dit, sauf que de cette même foule sortiront peut-être des Robespierre, des Jaurès et des Martin Luther King.

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