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Anomie sociale.

Dès la guerre froide et le « triomphe » du capitalisme, la politique de gauche en Belgique a basculé au centre dans les années cinquante. La ligne Di Rupo que l’on pratique en 2006 n’a plus rien à voir avec le socialisme de la théorie marxiste de la lutte des classes. Le POB, plus tard le PS tout en se différenciant du parti communiste trop proche de l’URSS, voulurent la rupture avec le système capitaliste, tout au moins le transformer en profondeur.
Depuis, le PS a rejoint les économistes libéraux et est littéralement vissé au pouvoir économique en cours.
Les libéraux sont restés dans leur logique, la gauche pas.
En effet, le credo libéral n’a pas changé : le « progrès » n’est rien d’autre que celui des entreprises. Rejoint par la gauche, celle-ci pense dorénavant que le social dépend exclusivement du progrès économique. Si cela est vrai dans une certaine mesure, par contre la nature des relations entre les citoyens, l’extraterritorialité du social par rapport à l’économie, la conquête de nouveaux droits, disparaissent, au mieux, restent à la portion congrue.
Comme les économistes libéraux, le PS jure qu’il ne se reconnaît pas dans ce qui précède.
Pourtant, il suffit de survoler le plan Marshall pour être convaincu que les millions dépensés, résultat du travail des citoyens donc de tous, iront aux seuls besoins des entrepreneurs dans l’espoir – tout à fait aléatoire – de créer quelques emplois. Cercle vicieux, car ces quelques emplois créés serviront à conforter l’autorité des entrepreneurs et à asseoir leurs profits, sans guère de compensation pour les bailleurs de fonds initiaux.
Les lacunes et les erreurs de ce plan Marshall ont été malheureusement escamotées par les affaires de Charleroi et par le feuilleton de Francorchamps. A première vue, ce plan sert à boucher des trous et à renflouer les industries wallonnes chancelantes. Ce plan n’offre aucune chance de décoller afin d’atteindre le niveau de vie de notre voisin flamand.
Si c’est cela faire une politique de gauche !...
C’est à peu près la politique d’un Guy Dollé : dépenser le cash-flow pour convaincre les actionnaires de ne pas tomber dans les bras de Mittal. On voit le résultat…
Les « smithiens » et autres adorateurs du système nous font croire qu’ils ont éliminé le pouvoir de leurs préoccupations.
Selon eux, l’économie ne serait qu’une science des choix rationnels dans l’utilisation des ressources. Elle ne serait qu’une méthode de calcul indépendante d’une réalité sociale en progrès.

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Ils ne nient pas l’exploitation et l’affrontement des intérêts opposés, mais ils considèrent que l’abondance amène finalement une satisfaction minimale, voire atteignant à la satiété. Et comment produire abondamment, sinon en travaillant ferme, en silence et à bas salaire !
Avant la gauche considérait la société par rapport à la morale et à la philosophie. Aujourd’hui, la gauche ne s’intéresse plus qu’aux moyens, comme les économistes. En dernier ressort, le régulateur social échappe aux politiques. Les rapports de pouvoir ne sont palpables qu’à travers le jeu de la concurrence. C’est-à-dire que le pouvoir est devenu une force essentiellement économique.
Pourtant, la concurrence des marchés n’a nul besoin d’un rapport de pouvoir pour exister. Où trouver de la rationalité, quand le pouvoir est inexistant ?
La réalité est cruelle pour le monde politique, quand tout concourt à montrer son impuissance. Il fait semblant d’exister. Ce n’est qu’une manière adroite de se placer du côté des entreprises.
Cette réduction des pouvoirs de l’Etat n’est pas une remarque nouvelle.
Say, Smith et Ricardo, les fondateurs de l’école classique, luttaient contre des pouvoirs monarchiques, mal préparés à l’ère industrielle. Leur vœu était de réduire le pouvoir politique au minimum. L’Etat donnerait seulement la garantie d’un travail assuré dans des frontières sûres, la fameuse paix publique.
La machine lancée, les monarchies de droit divin disparues firent place à des monarchies constitutionnelles, les républiques succédèrent aux dictatures, tout enfin allait transformer l’organisation sociale en profondeur.
Sauf que l’argument de Smith, Say et Ricardo ne changeant pas au vu des progrès de la démocratie, le pouvoir des citoyens malgré le suffrage universel resta ce qu’il était sous l’Ancien Régime.
Aujourd’hui, le « despote éclairé » celui dont tout dépend et qui peut tout, c’est l’argent. Quand un Bill Gates est reçu comme un monarque, on peut s’attendre à tout, sauf à une politique de distanciation à l’égard du système capitaliste.
Keynes nous a tous fait prendre des vessies pour des lanternes lorsque, dans l’immédiate après-guerre, il s’est dit convaincu que la démocratie et le capitalisme s’accoupleraient pour un monde de bien-être et de plein emploi.
Les chercheurs, les économistes sérieux (mais y en a-t-il ?) et même les gens doués de bon sens, en sont revenus, les socialistes belges, pas encore.

Commentaires

Bien fait le dessin :-|

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